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Le Hamas dénonce la corruption du Fatah

vendredi 6 mai 2005, par Stanislas

A deux mois des élections législatives dans les territoires palestiniens, le Fatah a réalisé une courte victoire devant le Hamas qui dénonce l’incapacité de la formation de Mahmoud Abbas à combattre la corruption.

Les casquettes vertes du mouvement islamiste radical Hamas

Le Hamas conteste la victoire du Fatah de Mahmoud Abbas.

disputent le pavé aux couvre-chefs blancs du Fatah de Mahmoud Abbas à l’entrée des bureaux de vote. La forte mobilisation reflétait, hier, l’importance de l’enjeu du scrutin municipal organisé dans 76 circonscriptions de Cisjordanie et 8 de la bande de Gaza. Il s’agit du premier test électoral grandeur nature depuis l’annonce de la participation du Hamas aux législatives prévues le 17 juillet. Le Hamas a tout à gagner, le Fatah tout à perdre. Le Hamas avait raflé la mise lors des deux premiers volets de ce scrutin local, remportant plus de la moitié des conseils municipaux et locaux en décembre et janvier. Principal mouvement armé de « résistance » face à Israël aux yeux des Palestiniens, le Hamas est surtout connu à l’étranger pour ses actions terroristes en Israël. Mais depuis sa création en 1987, le Hamas ne s’est pas limité aux actions armées. Il a aussi su s’implanter dans la société grâce à un vaste réseau d’organisations caritatives dont les activités vont de la distribution de nourriture à la reconstruction de maisons détruites lors d’opérations israéliennes.

Au bout de dix ans de domination, quasi absolue, du Fatah sur les institutions palestiniennes, le Hamas a choisi de récolter les dividendes politiques de son action. La campagne du Hamas met l’accent sur la mauvaise gestion du Fatah, gangrené par la corruption, le népotisme et le clientélisme. Face à la grogne, qui monte chez les Palestiniens, il se pose aussi en alternative à la politique modérée d’Abou Mazen, qui ne leur a rapporté aucun bénéfice pour l’instant. Les mairies conquises en décembre et janvier, qui doivent être des modèles de bonne gouvernance, servent de vitrine au parti, auquel il reste deux mois pour démontrer ses compétences dans la gestion des affaires publiques avant les législatives.

A Beit Hanoun, une ville du nord de la bande de Gaza, durement touchée par les opérations militaires israéliennes et conquise par le Hamas en janvier, le mouvement affiche un bilan irréprochable. Avan d’être élu à la tête de la mairie, Mohammed el-Kafarna dirigeait la principale association caritative du Hamas à Beit Hanoun. « Le Hamas s’est fait connaître à travers son travail sur le terrain, dit-il. Le peuple a constaté que nous agissons de façon honnête et transparente et nous avons gagné sa confiance. » L’une des principales craintes des électeurs était que les bailleurs de fonds internationaux ne coupent les vivres aux municipalités dirigées par le Hamas, qui figure sur la liste des organisations terroristes dressée par le gouvernement américain. Sans ces financements, les municipalités seraient condamnées à la banqueroute. Pour dissiper les inquiétudes, le maire égrène les projets de son administration ayant été financés par des organisations internationales. « Sous la direction du Fatah, la municipalité recevait encore plus de dons et pourtant elle était déficitaire, sourit Mohammed el-Kafarna. Où est passé l’argent ? Les institutions liées à l’Autorité palestinienne travaillent pour leur propre intérêt. Nous voulons agir dans l’intérêt du peuple. »

En deux mois, la nouvelle municipalité a goudronné l’avenue principale de la ville, détruite par les bulldozers israéliens, reconstruit un pont, rétabli l’électricité et l’éclairage public dans plusieurs quartiers et les rues sont régulièrement nettoyées. « La municipalité n’a embauché que des sympathisants du Hamas pour nettoyer les rues, dénonce un jeune chômeur. Mais au moins il faut admettre qu’elle a fait travailler des gens. Ceux qui étaient là avant se contentaient de voler. »

A Beit Lahiya, où l’on votait hier, le Hamas a présenté sur sa liste de candidats un chef des Brigades Ezzedine el-Qassam, sa branche armée. Le mouvement espère ainsi récupérer aussi les fruits de la lutte armée. « L’aile politique m’a demandé d’être candidat pour prouver que nous aimons la vie et que nous ne sommes pas des terroristes, affirme Ahmad Hamouda. Lorsque c’était nécessaire j’étais au service de la population pour la protéger contre les incursions israéliennes. Si aujourd’hui, il faut nettoyer les rues, je réponds présent aussi. »

Accusé de plusieurs meurtres, Ahmad Hamouda, qui dit s’être opposé à Tsahal à chaque incursion israélienne dans la bande de Gaza, est recherché par Israël. La barbe finement taillée, il a troqué son uniforme et son M 16 pour un sobre costume cravate... le temps de la campagne. « Je ne déposerai pas définitivement les armes tant que nous serons sous occupation israélienne », jure-t-il. S’il est élu et si la période d’accalmie actuelle vole en éclats, il devra replonger dans la clandestinité.

Comment le conseil municipal pourra-t-il alors fonctionner normalement ? « Lorsque j’étais en fuite, j’étais toujours près du peuple, répond-il. Si ça recommence, le conseil municipal devra tenir secrets ses lieux de réunion, c’est tout »...

Les habitants de Beit Lahiya espèrent que l’expérience politique poussera peu à peu le Hamas à opter définitivement pour cette voie.

« On a beaucoup souffert à cause de la résistance et des ripostes israéliennes aux attaques du Hamas, souffle Abou Mohammed, un ouvrier qui a perdu son emploi en Israël après le début de l’intifada. On veut la paix maintenant. » Hier, Abou Mohammed a panaché les listes électorales. Il reconnaît à l’irruption du Hamas dans l’arène politique au moins un avantage : « Il est temps de faire un peu de concurrence au Fatah, ça le motivera pour s’occuper un peu plus de nous et moins du remplissage de ses poches. »

Mais il ne souhaite pas que les islamistes radicaux du Hamas s’emparent du pouvoir. Il dit ne pas être prêt pour la rigueur morale et la société ultrareligieuse, que voudrait imposer le mouvement. « On a soif de paix et de liberté. Je voudrais pouvoir aller au cabaret comme avant l’intifada », dit-il. Habile, le Hamas évite soigneusement d’évoquer, pour l’instant, le projet de société qu’il souhaite pour les Palestiniens.

Par Patrick Saint-Paul, lefigaro.fr