Accueil > INTERNATIONAL > George W. Bush rattrapé par la torture

George W. Bush rattrapé par la torture

jeudi 13 mai 2004, par Hassiba

Deux semaines après la révélation du scandale sur les sévices infligés à des prisonniers irakiens, l’Administration Bush n’a pas fini de mesurer l’ampleur de la catastrophe sur les intérêts de l’Amérique dans le monde.

La torture se révèle, en effet, plus dévastatrice pour sa politique que les mensonges sur les armes de destruction massive ou encore la déconvenue de son équipée en Irak, qui prend l’allure d’un autre Vietnam.

À la Maison-Blanche, on parle de séisme. George W. Bush a beau présenter ses excuses aux Irakiens, à son peuple et au reste du monde, il sait que, même s’il arrivait à clore le scandale, sa réélection sera troublée par ce dossier qui n’arrête pas de grossir au fil de nouvelles révélations, plus horribles que les précédentes. Les photos montrant des prisonniers irakiens nus et humiliés à Abou Ghraïb ont suscité une vague de révulsion et de honte comme jamais depuis la révélation du massacre de centaines de civils vietnamiens dans le village de My Lai en 1968 et qui a conduit au processus devant expulser Nixon de la Maison-Blanche.

En Amérique, c’est du pain béni pour les démocrates qui exploitent le scandale pour donner plus de chance à leur candidat John Kerry. L’influent sénateur démocrate Ted Kennedy a déploré qu’au Proche-Orient, le symbole de l’Amérique ne soit pas la statue de la Liberté, mais le prisonnier irakien debout sur une boîte, la tête encapuchonnée et son corps branché à des fils électriques. Une photo qui a fait le tour du monde avant que ne tombent d’autres, plus bestiales. D’autres membres du Congrès, y compris parmi les républicains, ne cachent plus leur crainte que le scandale ne menace les alliances internationales américaines pour reconstruire l’Irak, ne compromette la guerre contre le terrorisme et ne mette en danger les troupes américaines et d’autres Américains à l’étranger

C’est un Pearl Harbor diplomatique, a dit le représentant républicain Tom Cole, en référence à l’attaque japonaise de décembre 1941 qui a pulvérisé les forces américaines du Pacifique, entraînant l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Plus incisif, l’éditorialiste du New York Times, une institution aux États-Unis, dit froidement le contrecoup des révélations sur la torture qui hante l’esprit de tous les décideurs américains : “Nous courons le danger de voir l’Amérique perdre ce qui faisait d’elle une autorité et une inspiratrice morale dans le monde.”

Les répercussions d’un scandale

Le scandale peut avoir des répercussions sur les initiatives américaines dans le monde, telles que la normalisation en Irak, où Bush ne peut même plus compter sur Tony Blair, également éclaboussé par un scandale identique sur le traitement de détenus irakiens aux mains de forces britanniques, le processus de paix israélo-palestinien, déjà très largement remis en cause par Sharon qui a toute la sollicitude de la Maison-Blanche, la guerre contre le terrorisme qui au lieu de refluer, déferle, au fur et à mesure que se complique la crise irakienne, ou encore le tout nouveau projet du Grand Moyen-Orient destiné à accompagner les réformes du Maroc au Pakistan mais qui ne fait pas l’affaire des Saoudiens et des Égyptiens, alliés stratégiques des Américains.

Le secrétaire d’État, Colin Powell, a fait part de sa profonde inquiétude sur les retombées des terribles photos que lui-même considère très destructrices pour les efforts de politique étrangère américaine. En Occident, tout le monde s’est ému et, même s’ils ont pris soin de ne pas enfoncer l’Administration américaine, des chefs d’État n’ont pas manqué de condamner avec fermeté la torture infligée à des détenus irakiens. Certains ont même profité de l’opportunité pour brocarder l’unilatéralisme de Bush. D’ailleurs, enfonçant le clou, Amnesty International et la Croix-Rouge (CICR) ont révélé que Washington et Londres étaient au courant d’allégations de tortures sur des prisonniers irakiens par leurs troupes depuis un an, suggérant que l’Administration Bush et le gouvernement de Tony Blair aient ignoré le problème. L’organisation de défense des droits de l’Homme affirme leur avoir envoyé des mémorandums depuis mai 2003, faisant état de prisonniers irakiens torturés et tués en détention.

Pour les Arabes, il a fallu attendre la réunion du Caire pour que soit abordée la question. Les ministres des AE, qui se sont entendus pour tenir le sommet de Tunis, ont fait part d’un projet de résolution qui comporte une condamnation claire des pratiques visant les détenus irakiens et les humiliations dont ils ont fait l’objet. Bush attendra le 23 de ce mois pour se voir signifier la réprobation arabe. Sur le plan intérieur, les conséquences du scandale sont pour l’heure difficiles à évaluer.

Un sondage Gallup a révélé que le soutien à la guerre en Irak n’avait que légèrement reculé mais la publication de photos et de vidéos montrant des boys torturant des Irakiens pourrait alimenter l’opposition des Américains à la présence des États-Unis en Irak. Si on a le sentiment que l’armée n’agit pas correctement là-bas, cela pourrait alors entamer le soutien à la guerre, estime-t-on dans le centre de recherche indépendant Pew Research Center.

Par Djamel Bouatta, liberte-algerie.com