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Washington veut que l’OTAN s’implique au Proche-Orient et au Darfour

vendredi 22 avril 2005, par Hassiba

En se réunissant, jeudi 21 avril, en Lituanie, l’un des trois Etats baltes longtemps considérés par Moscou comme le dernier pré carré d’une influence russe réduite par les élargissements de l’Union européenne (UE) et de l’OTAN, les ministres des affaires étrangères de l’Alliance atlantique ont symboliquement confirmé le redécoupage géopolitique de l’Europe.

Cette réalité a été soulignée par l’intensification des partenariats que l’Alliance a noués, d’une part avec la Russie, d’autre part avec l’Ukraine, et plus encore par l’offensive diplomatique menée, de Vilnius, par Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat américaine, envers le dernier pays de l’ex-URSS sur lequel Moscou peut compter, la Biélorussie.

Cette réunion était également le premier rendez-vous transatlantique depuis la conférence de Munich, à la mi-février, au cours de laquelle le chancelier allemand Gerhard Schröder avait constaté que l’Alliance n’est plus le lieu du dialogue transatlantique. Le souhait qu’elle le redevienne, manifesté par les Etats-Unis et par Jaap de Hoop Scheffer, le secrétaire général de l’OTAN, a été partiellement exaucé avec l’organisation d’un débat sur le Proche-Orient.

Si le principe de cet échange de vues a été unanimement approuvé, des divergences sont apparues en filigrane à propos d’un éventuel rôle que pourrait jouer l’OTAN pour garantir un accord de paix israélo-palestinien, hypothèse envisagée par Washington et le secrétaire général de l’OTAN. La position française a été fermement rappelée par le ministre français Michel Barnier, pour qui c’est au Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie et ONU) de se préoccuper d’un règlement politique au Proche-Orient.

"FORUM TRANSATLANTIQUE"

Pour la France, le "drapeau de l’OTAN", que les pays arabes assimilent aux Etats-Unis, ne serait pas accueilli favorablement au Proche-Orient, mais elle n’ignore pas qu’un éventuel rôle militaire de l’UE serait difficilement accepté par Israël. L’Allemagne a une position plus ouverte. "Il est trop tôt pour parler d’une implication ou d’un engagement de l’OTAN, mais on ne peut l’exclure, en termes de stabilité et de sécurité", a souligné le ministre allemand des affaires étrangères Joschka Fischer.

L’UE, comme l’OTAN, s’intéresse au Proche-Orient : des conseillers de Javier Solana, haut représentant de l’UE pour la politique extérieure et de sécurité, ont été dépêchés auprès de l’Autorité palestinienne, et un représentant du secrétaire général de l’OTAN doit partir prochainement rencontrer Palestiniens et Israéliens.

Mme Rice s’est gardée d’insister sur ce point : "Nous sommes tous d’accord -pour dire- que la tâche la plus importante est de réussir le désengagement israélien de Gaza", a-t-elle prudemment indiqué.

La secrétaire d’Etat américaine s’est montrée plus explicite à propos du Darfour (ouest du Soudan), où l’Union africaine envisage de doubler les effectifs de sa force de paix, alors que les Nations unies ont, de leur côté, approuvé le principe de l’envoi d’une force de 10 000 hommes, pour surveiller l’accord censé mettre fin à la guerre civile. S’il devait y avoir une requête de l’Union africaine pour un soutien logistique, "j’espère que l’OTAN y répondrait positivement", a souligné Condoleezza Rice. A contrario, Michel Barnier voit plutôt "un rôle et une utilité" à une intervention de l’UE au Darfour, en termes de moyens logistiques et financiers, voire d’encadrement de la force de paix africaine, mais il n’exclut pas que l’OTAN puisse offrir ses capacités de planification et de transport stratégique.

Les exemples du Proche-Orient et du Darfour ont souligné les traditionnelles divergences franco-américaines sur le rôle de l’OTAN : se méfiant des Nations unies, les Etats-Unis sont enclins à jouer la carte du multilatéralisme au sein de l’OTAN, où ils bénéficient d’une influence prépondérante. "Nous avons l’intention d’utiliser l’OTAN plus efficacement en tant que forum transatlantique", a insisté Mme Rice. La France, parce qu’elle veut préserver le rôle grandissant de la défense européenne, veut couper court à toute tentative de faire de l’OTAN "le gendarme du monde", comme l’a rappelé M. Barnier. Il ne peut y avoir de "tutelle" de l’Alliance sur l’Union européenne ou "subordination" de la seconde. "Personne n’a contesté le principe de l’autonomie de l’Union européenne", a insisté M. Barnier, pour qui l’OTAN n’a pas son mot à dire sur des sujets comme l’embargo militaire vers la Chine ou le nucléaire iranien.

Américains et Européens parlent en revanche d’une même voix pour tempérer les ambitions de l’Ukraine et de la Russie à l’égard de l’Alliance atlantique. A la première, qui souhaite intégrer l’OTAN le plus vite possible, les ministres des affaires étrangères ont offert, à Vilnius, un "dialogue intensifié" dans le cadre de la commission conjointe OTAN-Ukraine.

Ce n’est pas encore un ticket d’entrée, mais c’est un pas de plus dans cette direction, ce qui a permis à Boris Tarassiouk, le ministre ukrainien des affaires étrangères, d’affirmer que son pays serait prêt en 2008. Le rapprochement de l’Ukraine avec l’Alliance étant sévèrement critiqué à Moscou, la signature d’un accord sur le "statut des forces" militaires (celles de l’Alliance et celles de la Russie) tombait à pic pour réaffirmer
l’importance des relations OTAN-Russie.

Par Laurent Zecchini, lemonde.fr