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Une nouvelle religion pour l’Algérie

mercredi 1er septembre 2004, par Hassiba

Depuis 1992, au moins 500 000 salariés algériens ont été compressés, et donc ont perdu leur travail. Nombreux sont pères de famille. Ainsi, plusieurs millions de personnes se sont retrouvées sans ressources.

Pour la première fois dans l’histoire lointaine de ce pays, le phénomène du suicide est devenu monnaie courante : chefs de famille ne pouvant nourrir leurs enfants, jeunes désespérés, malades, etc.

La pauvreté a atteint des records jamais connus même pendant la guerre de libération 1954-1962. Que s’est-il passé dans ce pays riche en histoire, en ressources humaines et en ressources naturelles ? L’Algérie est victime d’un nouvel ordre implacable compliqué qui mérite une interprétation.

Il est à noter que cette situation n’est pas propre à l’Algérie. Mais disons que l’Algérie est parmi les dernières victimes de ce nouvel ordre. Qu’en est-il exactement ? En 1992, Francis Fukuyama écrivait La fin de l’histoire et le dernier homme. C’est le résumé d’une vision globalisante qui, comme Archimède a découvert une nouvelle interprétation de la réalité qui a été appliquée pour changer le monde. Cela se traduit par l’immobilisation du temps au sens aristotélicien. Le temps, selon cette nouvelle doctrine, n’est ni la mesure de la rotation des cieux comme chez le Stagirite, ni la durée pure comme chez Bergson, ni le mouvement intrasubstantiel de toute la substance de l’univers comme chez Molla Sadr El Shirazi. Le temps, selon cette doctrine, est l’absence de temps, autrement dit l’arrêt de l’histoire. L’homme créateur de cette doctrine est considéré comme l’homme parfait ou surhomme. Aucune perfection n’est possible après cet homme. Ce surhomme a jugé que les anciennes traditions qui reposent sur une loi normative qui découle d’une métaphysique transcendantale ne sont que bavardages et simples sornettes. Cet homme parfait a créé mieux que les traditions judaïques, chrétiennes et islamiques. Ces trois dernières ainsi que les autres traditions bouddhistes, taoïstes et autres ont été remplacées par une nouvelle, dotée d’une doctrine métaphysico-économico-sociale.

Cette doctrine a été décrétée à Bretton Woods. Elle a accouché d’une nouvelle religion dont les saints sièges sont la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et dernièrement l’Organisation mondiale du commerce. Parmi les grands ancêtres de la nouvelle religion, citons Adam Smith, Ricardo et le baron Keynes. Les disciples sont nombreux. Les trois grands ancêtres et leurs disciples sont à la nouvelle religion ce que Moïse, Jésus, les Apôtres et Mohammed sont aux monothéismes. L’être suprême de cette religion est l’ultralibéralisme. La métaphysique de cette nouvelle doctrine promet le paradis et l’enfer mais sur terre. Les rites normatifs s’appellent réajustment structurel, dérégulation et rééchelonnement.

La Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce sont la main visible du programme universel mis en œuvre par l’être suprême de la nouvelle religion. Les nouveaux prophètes l’ont fait connaître aux pays égarés comme l’Algérie. Les normes maîtresses sont la croissance et le marché éternels. Dans cette religion, la prédominance des exportations est fondamentale. Pour accéder au paradis, il faut produire sans fin mais efficacement. Il s’agit en fait d’un eugénisme économique puis social. Celui qui s’avère incapable de produire à l’infini est tout simplement néantisé par l’enfer de la nouvelle religion. Les pays du G8 sont le modèle de paradis que l’Algérie doit prendre afin de passer le purgatoire et accéder au paradis promis. L’Algérien avec sa métaphysique archaïque est un égaré. Il est atteint d’un handicap congénital. Pour son salut, il doit adhérer corps et âme à la nouvelle doctrine. La vérité pour les Algériens n’est plus la réalité ultime. La réalité doit résider dans la vérité des prix des biens de consommation qui sont dotés d’une qualité supracosmique. Donc, afin de changer l’Algérie dans le bon sens, il faut changer de religion pour se convertir à celle de Bretton Woods.

Le paradis du G8 est promis pour les fidèles et les croyants en Bretton Woods. Les archanges de ce paradis les emmèneront pour y goûter aux délices de la trahison, du déshonneur, de la prostitution, du trafic de tout acabit, des drogues, des crimes monstrueux, de la corruption hideuse, de la délinquance financière et pour finir de la mort. Les archanges de l’enfer de la BM, du FMI et de l’OMC réserveront aux réfractaires et aux infidèles à la nouvelle religion des événements eschatologiques terrestres qui s’appellent éradication, tortures, disparitions, condamnations à mort extrajudiciaires, mort économique et clochardisation sociale.

Autrement dit, l’Algérien est programmé à disparaître à long terme qu’il soit fidèle à Bretton Woods ou non. A quand la liberté de choisir son modèle de développement pour les Algériens ? Dans le monde entier, la surmédiatisation du soi-disant terrorisme de l’Islam a occulté le terrorisme réel de la nouvelle religion de Bretton Woods qui est directement responsable de millions de morts, d’affamés, de prostitués des deux sexes, de malades, de déplacés, de déportés et de toutes les guerres depuis la Seconde Guerre mondiale, sans parler de la destruction irréversible de l’environnement planétaire.

En dépit de la résistance civile des altermondialistes du monde, la doctrine du G8 continue sa dévastation dans tous ses états. Des plumitifs de service n’arrêtent pas de mobiliser contre l’Islam en Algérie et partout dans le monde. Ils sont aveugles quand la nouvelle religion du G8 marche sur la terre entière pour la pulvériser bientôt et n’épargnera ni l’Algérie ni tous les autres pays du monde, y compris les pays de l’Occident.

Un autre monde est possible comme le revendiquent les altermondialistes qui expriment incontestablement le souhait de toute la famille humaine à l’exception de ces éradicateurs de Bretton Woods et leurs instruments exterminateurs. Les prophètes de Bretton Woods et leurs chiens de garde dans le monde sont les héritiers d’Hitler. Ce dernier n’est pas malheureusement mort. Son projet d’extermination d’une grande partie de l’humanité est en cours de réalisation avec une donne qui a changé : les victimes d’hier sont les bourreaux d’aujourd’hui. Les héritiers d’Hitler ont dépassé le maître et de très loin.

Par Abdesselam Kadi, El Watan

 Notes :
 Ancien cadre des infrastructures ferroviaires à Constantine,
 docteur en aménagement du territoire à l’université de Limoges,
 membre de l’Association internationale des sciences hydrologiques,
 auteur de plusieurs articles dans des revues internationales.