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Un million de déplacés livrés à eux-mêmes en Algérie

jeudi 15 avril 2004, par nassim

Fuyant la violence, ils s’entassent à la périphérie des villes d’Algérie, sans assistance.

C’étaient les années les plus sanglantes de la sale guerre de la décennie 90. Des familles entières habitant des hameaux perdus sont massacrées. Dans l’Ouarsenis, la Mitidja, l’est du pays, des groupes armés égorgent sans épargner les enfants. Une mort atroce et inégalitaire : les civils frappés sont presque toujours les plus fragiles socialement. De fin 1993 à 1997 ­ une année marquée par les massacres de Raïs, Beni Messous et Benthala, aux portes d’Alger ­, il ne restait dans ces hameaux que désolation et survivants hagards. Par dizaines, ces derniers ont déserté leurs douars pour fuir l’horreur, abandonnant ce qu’il restait de leurs masures (Libération du 7 avril). Il y a peu d’images de ces cohortes de rescapés abandonnés de tous, partant pour nulle part avec de dérisoires attelages.

Aucune assistance. En une décennie, les violences ont fait de 150 000 à 200 000 morts. Mais combien sont-ils à avoir pris le chemin de l’exode, « casant » un enfant chez une tante ou un lointain parent avant d’aller s’entasser dans les périphéries urbaines ? « Un million », selon l’Union européenne. « Un million et demi », selon le Conseil norvégien des réfugiés, qui précise : « Ce chiffre fait de l’Algérie l’un des pays du monde où vit le plus grand nombre de déplacés. » Les habitants d’une même localité désertée se sont retrouvés dispersés sur toute une région sans que la carte scolaire, les services sociaux ou médicaux aient été adaptés à cet afflux. « La crise est plus grave que ce que beaucoup de gens veulent croire, note le Conseil norvégien. La plupart de ceux qui ont quitté leur maison ne reçoivent aucune aide des autorités algériennes. Ces déplacés n’ont reçu aucune assistance internationale car les autorités ont refusé l’accès aux populations concernées, et ni l’Onu ni d’autres acteurs internationaux n’ont tenté de régler leur situation. »

« Véritable sabotage ». Ce cri d’alarme n’est pas gratuit. Certes, l’Algérie a réservé en 2000 un budget de 500 millions d’euros pour les opérations de réhabilitation des zones affectées par le terrorisme. Mais, jusqu’en 2003, presque rien n’a été utilisé de ce budget, consacré par ailleurs aux seules infrastructures, quand il est indispensable d’accompagner socialement et économiquement la réinstallation des populations rurales. Et c’est le refus d’Alger d’accepter un projet prévoyant un libre accès à ces populations et surtout un travail avec des associations locales indépendantes qui a finalement abouti à l’enterrement d’un programme de l’UE destiné à cet « accompagnement ». Récit de ce qu’une source proche de la Commission européenne estime être un « véritable sabotage du pouvoir algérien »

Par José GARÇON, www.liberation.fr