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Tony Blair affaibli

vendredi 6 mai 2005, par nassim

Les sondages sortie des urnes prédisent la victoire de Tony Blair et de son parti, le New Labour, mais sera affabli avec seulement 37% des voix, ce qui réduira son autorité à l’heure où il fera face à de grands défis.

Tony Blair semblait assuré jeudi

Tony Blair

soir d’obtenir un troisième mandat historique de Premier ministre britannique mais avec une majorité très réduite, résultat probable de la volonté de l’électorat de sanctionner son engagement militaire en Irak. D’après les projections des chaînes de télévision BBC et ITV diffusées après la fermeture des bureaux de vote, les travaillistes ne disposeraient plus que d’une majorité de 66 sièges au Parlement, en recul par rapport aux 161 sièges de majorité obtenus aux précédentes élections, en juin 2001. Si ces sondages sortie des urnes sont confirmés, Tony Blair, qui fêtera vendredi son 52e anniversaire, deviendra bien le premier chef de gouvernement travailliste à obtenir trois mandats consécutifs au 10 Downing Street. Seul Margaret Thatcher, la "Dame de fer" des conservateurs, avait accompli avant lui une telle performance.

Mais avec une majorité aussi réduite aux Communes, l’autorité de Tony Blair sera largement entamée alors que l’attendent des défis de première importance, à commencer par le référendum sur le traité constitutionnel européen qu’il a promis d’organiser l’année prochaine et le probable retrait des 8.000 soldats britanniques déployés en Irak.

Le New Labour obtiendrait en effet 37% des voix, contre 41% en 2001. Les Conservateurs de Michael Howard sont crédités eux de 33%, contre 32% il y a quatre ans, et les Libéraux démocrates de Charles Kennedy, opposés à la guerre en Irak, progresseraient de près de quatre points à 22%.

La marge d’erreur entretient cependant un léger doute sur la fiabilité de ces projections.

"Une chose est claire, et l’a toujours été, le prochain gouvernement sera travailliste", a commenté le vice-Premier ministre, John Prescott, se disant "un peu méfiant" quant à la fiabilité de ces projections.

"Même si c’est une majorité plus courte que celle dont nous disposions jusque là, cela signifie que nous pourrons continuer de mener à bien nos réformes", a estimé pour sa part l’ancienne ministre travailliste Estelle Morris, évoquant une "solide majorité de travail".

"IL N’EST PLUS LE MAGICIEN QU’IL ÉTAIT"

Mais pour Mark Wickham-Jones, de la Bristol University, "si ces sondages sortie des urnes sont justes, ce sera une nouvelle terriblement mauvaise pour Blair".

"Le résultat est bien meilleur pour les conservateurs qu’ils ne le pensaient. Dans une certaine mesure, ces élections ont été une sorte de référendum sur Blair et je pense qu’elles l’affaiblissent considérablement", a-t-il ajouté, estimant même que le Premier ministre pourrait passer la main "d’ici Noël".

Anthony King, professeur à l’Essex University, juge pour sa part que ce score électoral devrait entamer le statut de Blair au sein du Parti travailliste. "Il n’est plus le magicien qu’il était", a-t-il dit.

Cette avance de 66 députés est inférieure aux 80 qu’attendaient nombre d’observateurs. Mais, souligne Mike Hume, économiste chez Lehman Brothers, "c’est au-dessus du seuil des 50 identifié comme étant la marge nécessaire à Blair pour rester un Premier ministre en sécurité".

GORDON BROWN RENFORCÉ

Les 44,2 millions d’électeurs inscrits étaient appelés à renouveler jeudi la chambre des Communes, dont le nombre de députés a été ramené de 659 à 646 à la faveur d’une modification du découpage électoral.

Les opérations de vote se sont achevées à 22h00 (21h00 GMT). Les premiers résultats devraient être connus en fin de soirée.

Les projections de la BBC et d’ITV se sont révélées justes lors des deux précédents scrutins, en mai 1997 et juin 2001. Mais la victoire du New Labour était alors d’une très grande ampleur. En 1992, en revanche, les deux chaînes de télévision avaient donné les travaillistes vainqueurs. Au final, ce sont les conservateurs qui l’avaient emporté.

Tony Blair, qui briguait un nouveau mandat dans sa circonscription de Segdefield qu’il représente depuis 1983, avait fait campagne sur le bilan économique flatteur des travaillistes, au pouvoir depuis mai 1997.

Mais sa décision de partir en guerre en Irak aux côtés de George W. Bush, en mars 2003, contre l’avis d’une majorité de l’opinion publique, a nourri une très vive controverse. Le gouvernement travailliste a notamment été accusé d’avoir menti en "gonflant" les informations des services de renseignement sur les prétendues armes de destruction massive du régime de Saddam Hussein.

La polémique a resurgi la semaine dernière avec la publication d’un rapport confidentiel du principal conseiller juridique du gouvernement exprimant ses doutes sur la légalité de l’intervention militaire.

Tony Blair, usé par huit années de pouvoir, avait annoncé avant les élections que ce troisième mandat serait son dernier. Il pourrait à présent anticiper son départ et laisser la place à son fidèle lieutenant et rival, le chancelier de l’Echiquier Gordon Borown, principal architecte des succès de l’économie britannique.

"Ce résultat va mettre un point d’interrogation au-dessus de la tête de Blair. Cela rend plus probable qu’il démissionne dans un an ou dix-huit mois", estime Kevin Theakston, pour lequel "le pouvoir va se déplacer vers les murs du 11 Downing Street", la résidence du chancelier de l’Echiquier.

Source : reuters