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Tizi Ouzou : 6e anniversaire de l’assassinat de Matoub Lounès

jeudi 24 juin 2004, par Hassiba

Orpheline de son Rebelle, la Kabylie lui est restée fidèle.
“Rappelez-vous, si je viens à tomber dans un fossé, mon âme vous appellera.”

Un jour, sur la route menant de la ville de Sétif à Ath Ouarthilane, deux vieux devisaient, au cours du voyage, sur la situation du pays. L’un deux, voulant piéger l’autre, lui pose alors une question : Où est Matoub Lounès ? La réponse lui paraissait toute évidente qu’il était étonné de l’interrogation de son ami : “Il est mort. Où voudrais-tu qu’il soit ?” riposte-t-il. “Tu te trompes mon ami, il ne faut jamais dire : Lounès est mort. Il faut dire qu’ils l’ont assassiné”, lui a-t-il asséné, irrité qu’il fût par l’imprécision et la légèreté de la réponse.

C’est à Tala Bounane sur la route de Béni Douala, à l’amorce d’un de ces virages maudits, que “les ennemis de la vie” l’attendaient le 25 juin 1998. Matoub venait juste de sortir un double album. Qassaman est un hymne pour l’Algérie qu’il a voulue débarrassée de la “tromperie (aghouro)”. “Ceux qui ont juré ma mort, me trouveront à chaque tournant, ma voix continuera à transpercer les cieux”, chantait Lounès après la tentative du “gendarme de Michelet” de mettre fin à sa vie un certain 10 octobre 1988.
Six ans après son assassinat, la Kabylie est restée, certes, orpheline de son Rebelle, mais elle est restée rebelle, comme il l’a été. Son étoile brille toujours, ses mélodies bercent la jeunesse, ses textes sont une référence pour les jeunes révoltés du Printemps noir pour qui Matoub constitue une sorte de guide spirituel qui les accompagne dans leur révolte. Dans chaque ville de Kabylie, une stèle est érigée à sa mémoire. Son combat pour les libertés et la démocratie, sa générosité et son humilité lui ont offert une place au panthéon des immortels. Matoub est de ceux qui ne mourront jamais tant son nom se confond avec tous les combats menés ces deux dernières décennies dans notre pays. Contre le pouvoir ou contre l’intégrisme, le Rebelle était toujours aux avant-postes. Avec le verbe fort, le charisme de sa voix, les notes de son mandole qui servent d’écrin à sa révolte et à ses “déchirements intérieurs”, l’enfant terrible de la Kabylie a survécu à ses assassins et à la bêtise. “Rappelez-vous, si je viens à tomber dans un fossé, mon âme vous appellera.” Mais il restait tellement de combats à mener ! Se le rappeler absent est une frustration.

Si ses adulateurs n’auront plus ce plaisir immense de découvrir chaque année ses succès, un plaisir que procure une bonne bouffée d’oxygène quand on est étouffé, son legs continue à abreuver toute une jeunesse des idéaux de justice et de liberté. Qassaman : “L’olivier doit être secoué pour que la mauvaise graine tombe.”

Par Saïd Rabïa , Liberté