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Profession immigré
lundi 2 août 2004, par
L’Europe est une aventure qui a démarré en 1951, par le traité de Paris. Elle a donné naissance à la Communauté européenne du charbon.
En 1957, la signature par six pays (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) du traité de Rome institue la Communauté économique européenne (CEE). A Dublin, l’Europe des Quinze franchit un nouveau pas, en donnant rendez-vous à dix nouveaux pays, dont huit issus de l’ex-bloc communiste. Une étape importante dans la construction européenne, au service de la citoyenneté, pour une Europe démocratique. Compte tenu des guerres qui ont ravagé le continent, cette Union européenne de 450 millions de citoyens est également perçue comme une opportunité historique sans précédent en termes de stabilité politique et économique. Ces quinze dernières années de l’histoire de l’Union européenne ont été marquées par une série de révisions des traités européens. L’acte unique européen, signé en 1986, a permis à l’union de construire son marché unique et d’établir, au sein de la communauté, la liberté de circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux.
Le traité de Maastricht, signé six ans plus tard, a permis à l’union de progresser dans plusieurs domaines ; l’introduction d’une monnaie unique, une politique étrangère commune et une coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Sous l’impulsion du Conseil européen, toujours dans la volonté politique de consolider l’avenir de cette institution, il a été décidé d’ouvrir la voie vers une Constitution pour les citoyens européens. Le projet de Constitution énonce les valeurs sur lesquelles se fonde l’union : le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’Etat de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme. Celles-ci sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la tolérance, la justice, la solidarité et la non-discrimination.
La libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement sont garanties par l’union à l’intérieur de celle-ci. La Constitution interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité. Elle réussit ainsi une percée d’importance qui permet à l’union de se doter d’une multitude de droits et des politiques communes, entre autres celle de l’immigration. Le traité de Rome de 1957 consacre la liberté de circulation des travailleurs, le droit à l’égalité de traitement avec les nationaux, le droit de séjour des travailleurs communtaires et de leur famille, de demeurer dans le pays d’accueil et d’y rester après leur période d’activité.
Au cours des années 1980, un débat s’est ouvert sur la signification de la notion de libre circulation des personnes. Pour certains Etats membres, elle ne devait s’appliquer qu’aux seuls citoyens européens, ce qui impliquait de conserver les contrôles aux frontières pour distinguer citoyens européens et ressortissants de pays tiers. D’autres Etats membres, au contraire, souhaitaient établir une circulation pour tous et par conséquent supprimer ces contrôles frontaliers.
Devant l’impossibilité de trouver un accord au sein de la Communauté européenne, la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas ont décidé en 1985 de créer entre eux un territoire sans frontière, l’espace Schengen, du nom de la ville luxembourgeoise où furent signés les premiers accords. L’espace Schengen s’est peu à peu étendu, l’Italie a signé les accords le 27 novembre 1990, l’Espagne et le Portugal, le 25 juin 1991, la Grèce, le 6 novembre 1992, l’Auriche, le 28 avril 1995, ainsi que le Danemark, la Finlande et la Suède, le 19 décembre 1996. Au sommet de Tampere de 1999, l’Europe définit une politique commune d’immigration à partir des objectifs économiques et démographiques et renonce à l’objectif de l’immigration zéro.
Romano Prodi, président de la Commission européenne, devant les députés européens, réunis à Strasbourg, le 14 mars 2001, a indiqué que l’une des manières d’accroître la taille de la population active de l’UE serait de faire venir en Europe des jeunes possédant les qualifications « dont nous avons besoin ». Pour Bruxelles, l’Union européenne doit être ferme et déterminée dans la lutte contre les formes de criminalité directement ou indirectement associées aux flux migratoires clandestins, mais elle doit aussi tenir compte des équilibres économiques justifiant l’insertion des immigrés légaux qui, à terme, devaient avoir des droits et obligations comparables à ceux des citoyens européens. Officiellement, la politique de contrôle des flux migratoires se propose de supprimer, ou au moins de freiner, l’immigration clandestine et de faciliter au contraire l’intégration des immigrés légaux. Or, il est désormais clair, qu’en ce qui concerne ses objectifs proclamés, elle est un échec complet. L’immigration légale a été contenue, l’immigration clandestine n’a été ni éliminée ni même réduite, et les politiques d’intégration restent un discours. On a pris brutalement conscience, après la tragédie de Douvres, de l’existence de filières mafieuses, pour le passage des clandestins d’Asie vers l’Europe. Des filières s’organisent un peu partout dans le monde, sans doute pour 20 ou 30 millions d’illégaux. Un trafic humain estimé à quelque 15 milliards de dollars par an, organisé par d’habiles passeurs et de cyniques parrains, également un marché lucratif pour une main-d’œuvre corvéable à merci, parce qu’irrégulière, pour les besoins de quelques secteurs économiques.
Une interview de Jonas Widgren, qui dirige le centre international pour le développement des politiques migratoires, installé à Vienne, chiffre à environ 170 millions de migrants légaux dans le monde (réfugiés, travailleurs), l’Europe en accueille un demi-million par an. Quant aux illégaux établis, il estime qu’ils sont 3 à 4 millions, et 300 000 à 400 000 nouveaux arrivent chaque année. La nécessité d’une politique européenne commune relative à cette immigration a été l’une des préoccupations centrales du Conseil européen de Thessalonique (20 juin 2003). Ce conseil a traité de la protection des frontières extérieures de l’Union européenne. La lutte contre les réseaux de trafic illégal d’immigrants (délit d’association de malfaiteurs en vue de la traite d’êtres humains) devra également être considérablement renforcée. Elle est encore insuffisante et pas assez coordonnée. De nombreux pays européens ont mis en place ces dernières années de nouvelles procédures pénales pour poursuivre en justice les organisations qui se livrent au trafic d’immigrants.
L’Europe doit aujourd’hui considérer l’immigration comme un sujet d’intérêt commun. Cette situation est le fruit d’une évolution de près de deux siècles.
En effet, les Etats membres de l’Union européenne sont devenus, les uns après les autres, des pays d’immigration. La France est devenue un pays d’immigration avec un siècle d’avance sur ces voisins. Dès 1851, elle comptait plus de 1% d’étrangers au sein de sa population totale. Or, ce seuil n’a été franchi qu’en 1950 par l’Allemagne et les Pays-Bas, en 1985 par l’Italie, en 1990 par l’Espagne et le Portugal. Qu’en est-il de la politique d’immigration et quel bilan de la politique française d’intégration des immigrés ? Quelle est leur place dans la société, qu’ils soient Français d’origine étrangère ou étrangers et quel statut de citoyenneté pour les étrangers non communautaires ? Aujourd’hui, plus d’un tiers des immigrés (36%) est détenteur de la nationalité française. En mars 1999, 4 310 000 immigrés résidaient en France. L’immigration en France a d’abord été d’origine européenne : italienne, belge et polonaise, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, puis espagnole et surtout portugaise après la guerre. Ensuite maghrébine, puis subsaharienne. Enfin plus récemment, on observe une diversification des pays d’origine, avec la montée de ressortissants d’Asie et les immigrés d’Europe de l’Est. De 1962 à 1975, les Italiens constituaient la première population immigrée, devant les Espagnols, les Polonais et les Algériens. La principale progression appartient à la population venue d’Afrique subsaharienne qui avait triplé entre 1982 et 1990 et a encore presque doublé (+43%) ces dix dernières années. Les ressortissants européens constituaient 45% de la population étrangère en 1999. L’immigration n’est pas seulement un sujet sensible de l’actualité politique, c’est aussi l’occasion d’une interrogation sur le lien social, l’intégration nationale et la citoyenneté, et aujourd’hui, l’immigration ne peut plus s’appréhender en dehors du contexte européen même si les parcours d’intégration des immigrés européens et extra-européens divergent d’un pays à l’autre.
Tous les observateurs s’accordent à dire que l’intégration doit se faire par l’accès à l’emploi, le droit au logement, et à l’équité des droits sociaux et politiques. Selon l’INSEE, en mars 1999, 1 589 000 actifs ont été recensés et presque un quart des étrangers est au chômage. Les jeunes étrangers sont plus touchés par le chômage que leurs aînés et appartiennent plus massivement (que les Français) à l’ensemble des trajectoires défavorables. Les jeunes étrangers de sexe masculin n’appartenant pas à l’Union européenne connaissent un chômage massif, les femmes étrangères actives ont un taux de chômage décroissant avec l’âge, les plus jeunes étant sévèrement touchées que leurs aînées. Globalement, presque la moitié des jeunes femmes algériennes, marocaines, turques et d’Afrique noire anciennement sous administration française est au chômage. Le travail temporaire est le contrat court le plus connu par la main-d’œuvre étrangère (40%). Le travail à temps partiel concerne également plus les salaires étrangers. La discrimination envers les étrangers s’observe principalement lors de l’accès à l’emploi et au logement. Selon les normes de l’INSEE, entre 40 et 50% des ménages en provenance du Maghreb, de Turquie ou d’Afrique subsaharienne sont très mal logés. Les étrangers qui résident dans les quartiers en difficulté sont de 18% et représentent 6% de la population totale. En décidant de traiter « les défis de l’immigration future », le Conseil économique et social, en se plaçant dans les perspectives de l’immigration à l’horizon 2020, engage un débat qui, éclairé par l’ampleur, les réalités, les difficultés et les apports des immigrations que la France a connus et connaît, lui permettra d’exprimer des propositions utiles pour l’avenir.
Il s’est prononcé sur des mesures de grande envergure destinées à favoriser l’intégration sociale des immigrés : régularisation des « illégaux », accueil, mixité sociale, lutte contre les discriminations, habitat, éducation, formation, protection sociale et bien entendu l’emploi. Quatre propositions de loi ont été déposées à l’Assemblée nationale, entre 1999 et 2000, sur la question du droit de vote des étrangers aux élections locales. Des avancées ont eu lieu dans d’autres pays européens, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas... plus récemment la Belgique, la France doit également réfléchir à l’intégration de ses « étrangers », qui n’envisagent plus de rentrer dans leur pays d’origine mais qui souhaitent conserver sa nationalité, au nom du souvenir de la terre où ils sont nés, de leur attachement à leur culture, leur tradition ou leur religion.
Aux situations antérieures succèdent de nouvelles problématiques qui fondent les transformations sociales, économiques, culturelles, mais le vrai défi, désormais à définir, est de réussir une vraie politique d’immigration et d’intégration, pour les personnes qui y vivent et travaillent, à moins que l’immigration
ne reste dans les esprits, juste comme une profession.
Par Boualem Meçabih
Président de l’association Confluence démocratique, El Watan
* Sources et documentations
– La Constitution européenne.
– Le droit de vote des étrangers aux élections politiques (la documentation française).
– Les immigrés devant les urnes (Paul Oriol).
– Coopération européenne dans le domaine de l’immigration (Paul Masson).
– La politique du logement en faveur des immigrés.
– Le Conseil économique et social.
– L’immigration en France (Emmanuel Peignard).
– Les parcours de l’intégration (Haut Conseil de l’intégration).
– Rapport sur la proposition de loi (Assemblée nationale)
– La France et ses étrangers (Patrick Well).