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Profanation du Coran : Newsweek sous pression

mercredi 18 mai 2005, par nassim

Pour la maison blanche, les excuses de Newsweek et le retrait de l’article qui révélait la profanation du Coran par des soldats américains dans la base de Guantanamo, ne sont pas suffisantes. Elle invite les responsables de l’hebdomadaire Newsweek à tout faire pour réparer le préjudice causé dans les pays de la région, notamment au Pakistan et en Afghanistan.

Colère des musulmans au Pakistan suite à la publication de l’article de Newsweek révélant la profanation du Coran à Guantanamo.

"Cet article a provoqué un tort prolongé", a expliqué le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan. "Nous encourageons Newsweek à faire tout ce qu’il peut pour aider à réparer le tort qui a été causé, en particulier dans la région" , a-t-il ajouté. Dix-sept personnes sont mortes à la suite de manifestations de protestation en Afghanistan et au Pakistan. Les autorités américaines estiment que la violence en Afghanistan était largement prévue avant la parution de l’hebdomadaire mais ils attribuent les manifestations du Pakistan à une exploitation de cette information par les militants islamistes. Newsweek a présenté ses excuses, dimanche, pour "l’erreur" commise et a expliqué que "des sources" avaient confirmé à l’un de ses investigateurs vedettes, Michael Isikoff, qu’un interrogateur de Guantanamo avait jeté un Coran dans les toilettes, dans le cadre des mesures d’humiliation infligées aux détenus pour les faire parler.

Lundi, le responsable du magazine, Mark Whitaker, est allé plus loin, désavouant clairement l’article et utilisant le terme de "rétractation". "C’est le mot que les gens attendaient" , a-t-il expliqué au New York Times. Les journalistes font néanmoins valoir qu’aucun des deux officiels auxquels l’article a été présenté avant parution n’a démenti l’information et qu’il s’est écoulé plus d’une semaine avant que les autorités réagissent à sa publication. Ce que le directeur de la revue de la profession, Editor and Publisher Magazine, Greg Mitchell, a expliqué, sur la chaîne MSNBC, par le fait que jeter un Coran dans les toilettes avait probablement paru "vraisemblable". "Tout le monde a pensé avoir déjà lu cela quelque part", a-t-il ajouté.

Le porte-parole de la Maison Blanche a estimé que la "rétractation" constituait un "bon premier pas" . Mais il a suggéré que les journalistes de l’hebdomadaire fassent davantage en "racontant comment ils se sont trompés et en soulignant quelles sont les pratiques et la politique de l’armée américaine en ce qui concerne la manipulation du saint Coran". Cela étant, il a assuré qu’il n’était pas dans son intention de faire pression sur l’hebdomadaire ni de dire aux journalistes "ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas écrire" . Dans son journal télévisé du soir sur CBS, Bob Schieffer, un vétéran du journalisme audiovisuel, a indiqué ne pas se souvenir d’avoir jamais entendu la Maison Blanche dire à la presse d’aller couvrir tel ou tel événement.

Après avoir vérifié "plus de 30 000 pages" de rapports, le porte-parole du Pentagone, Lawrence DiRita, a assuré que les enquêteurs n’avaient pas trouvé trace de l’incident décrit par Newsweek mais que le passage en revue continuait. Il est arrivé qu’un Coran "tombe sur le sol pendant la fouille d’une cellule", a-t-il indiqué. Mais la philosophie générale est de traiter les objets religieux "avec le plus grand respect". A la suite d’un incident de ce genre, les autorités militaires ont publié, en janvier 2003, un mémorandum sur "le respect de la culture et de la dignité du Coran". Il recommande d’enfiler des gants avant de toucher le livre, de le porter à deux mains comme s’il s’agissait d’un "objet d’art" et de ne pas le placer dans un endroit proche des toilettes.

De son côté, le département d’Etat a envoyé un télégramme à ses ambassades dans le monde leur recommandant de diffuser le texte de la rétractation de Newsweek et expliquant que les enquêtes menées jusqu’ici n’ont pas confirmé les faits rapportés.

Par Corine Lesnes, lemonde.fr