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Les photos qui déshonorent l’armée britannique

jeudi 20 janvier 2005, par Hassiba

Ces photos sont « choquantes et épouvantables, il n’y a pas d’autres mots pour les décrire ». Une fois de plus, Tony Blair a dû s’expliquer sur l’Irak, ou plus exactement sur le comportement d’une poignée d’hommes de l’armée britannique, aux exactions similaires à celles infligées par les Américains aux détenus irakiens de la prison d’Abou Ghraib.

Les photos en question s’étalaient hier à la une d’une grande partie de la presse, images de dégradation et d’humiliation, hommes nus et accroupis forcés à simuler un acte sexuel, prisonnier enserré dans un filet, ou soldat debout sur un homme recroquevillé au sol et transformé en trophée de chasse. Elles sont issues du procès qui s’est ouvert mardi devant la cour martiale de la caserne britannique d’Osnabrück, au nord de l’Allemagne. Trois soldats du 1er bataillon du Régiment royal des fusiliers y sont poursuivis pour mauvais traitements : le caporal-chef Daniel Kenyon, âgé de 33 ans avec quinze ans de service derrière lui, et les caporaux Darren Larkin et Mark Cooley, respectivement âgés de 30 et de 25 ans.

Choc national.

Vingt-deux photos ont été soumises à la cour martiale, des pièces « qui couvrent de honte notre pays » mais qui n’entament pas « la vraie nature des forces armées britanniques », a estimé, hier devant la Chambre des communes, le leader conservateur Michael Howard, qui n’a pas tenté de mettre l’affaire à profit contre le Premier ministre. Interrogé par Charles Kennedy, le patron des libéraux-démocrates, sur l’impact de ces images en Irak à l’approche des élections et dans un climat de grande violence, le Premier ministre a répondu que ce procès est la preuve « que nous ne tolérons pas ce genre d’actes du tout » et avoué son « dégoût » à la vue des images. Dans un contexte de grande fierté nationale face au comportement de l’armée britannique, son efficacité et ses règles, une fierté renforcée par rapport au fonctionnement de l’armée américaine, ces images sont un vrai choc national.

Leur cheminement est assez étonnant, par sa banalité. Au total, cinq soldats ont été tour à tour spectateurs, photographes ou auteurs de ces mauvais traitements. De retour d’Irak, l’un d’eux ­ qui fait l’objet d’une procédure militaire séparée ­ a tout bonnement donné ses clichés à développer chez le marchand du coin, comme on le fait pour ses photos de famille. La police a été appelée et l’enquête a démarré. Les scènes se sont déroulées dans un hangar au sud de Bassora, en mai 2003. L’armée britannique conduisait alors une mission pour lutter contre les vols dans le camp humanitaire installé en 2003, Bread Basket, rebaptisé « le camp des brutes » hier par le Sun. Durant cette opération, un certain nombre d’hommes ont été arrêtés.

Dès mardi, le chef d’état-major, sir Mike Jackson, est sorti de sa réserve pour faire une intervention publique. « Nous condamnons totalement ces actes d’abus », a déclaré d’un ton rogue le patron de l’armée britannique, avec d’autant plus de vigueur que les militaires redoutent le contrecoup que les soldats britanniques pourraient subir sur le terrain dans cette même zone du Sud irakien. Le Guardian titrait hier sur le « procès de l’Abou Ghraib britannique », The Independent sur le « catalogue des abus britanniques ».

Lors de la révélation des tortures commises par les Américains, au printemps dernier, le Daily Mirror avait cru pouvoir apporter sa contribution à l’enquête, publiant à son tour des photos de mauvais traitements attribués aux Britanniques. Leur authenticité avait été vigoureusement contestée dans les rangs militaires. De fait, elles étaient fausses. Le rédacteur en chef, un habitué des « coups », avait dû démissionner. Londres était soulagé.

Ni excuses ni regrets.

Aux Etats-Unis, le premier des militaires impliqué dans les exactions commises dans l’enceinte d’Abou Ghraib, ancien haut lieu de torture et de détention sous la férule de Saddam Hussein, a été condamné à dix ans de prison la semaine dernière. Les photos le mettaient en scène, aux côtés de celle qui était sa complice et sa petite amie, Lynndie England. Interrogé par le jury, il a indiqué qu’il n’avait ni excuses ni regrets à exprimer, les haut gradés de l’armée ayant incité les soldats de base à de telles brutalités, selon la défense. En Allemagne, les trois militaires britanniques ne plaident pas coupables de tous les délits dont ils sont accusés mais en assument certains, affirment leur ignorance des règlements. Finiront-ils par accuser la haute hiérarchie militaire de les avoir poussés à commettre le pire ?

Par Armelle THORAVAL, liberation.fr