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Le « troisième tour » de la présidentielle ukrainienne s’ouvre aujourd’hui

dimanche 26 décembre 2004, par Hassiba

La Cour constitutionnelle ukrainienne invalide plusieurs modifications apportées à la loi électorale pour éviter que se reproduisent les irrégularités qui ont provoqué l’annulation du scrutin présidentiel du mois dernier. Ce verdict est tombé hier, soit la veille de l’ouverture des bureaux de vote pour le « troisième tour ».

Provoquera-t-il une nouvelle confusion à l’issue d’une campagne électorale de titans ? Dans un texte rédigé par ses soins, la Cour constitutionnelle tranche : les aspects de la loi électorale limitant le droit des électeurs à voter depuis leur domicile est contraire à la Constitution.

Mais hormis ce chapitre, tous les autres aspects de la loi électorale étaient valides. Donc, précise le président de la Cour, le scrutin produirait un président légitime. Ainsi, les électeurs voulant voter à domicile pour des raisons de santé devaient obtenir, selon la loi, une autorisation de leur commission électorale territoriale au plus tard hier. Pas de quoi remettre en question la légitimité du vote crucial d’aujourd’hui, insiste l’opposition qui est convaincue de rafler la mise. Vendredi, pourtant, un avocat du « camp orange », Olexei Reznikov, avait affirmé qu’une telle décision pourrait complètement changer la donne tandis qu’Iouchtchenko part grand favori.

Avec son rival, le Premier ministre ukrainien Viktor Ianoukovitch, ils auront tenté jusqu’à la dernière minute de glaner des voix précieuses. Lors d’un point de presse vendredi, le chef de file de l’opposition s’est dit convaincu de sa victoire. « Je vais gagner parce que j’ai déjà gagné les premier et deuxième tours. Cette fois, je vais remporter le troisième tour », a-t-il dit. Peut-être un peu trop confiant aux yeux des analystes, le leader de la « Révolution orange » se déclare vainqueur avec ou sans fraude : « Même si de nouvelles tricheries ont lieu, elles n’auront aucun effet sur le résultat politique de l’élection. Des millions de personnes sont descendues dans les rues pour défendre leur choix. Je suis convaincu que cela sera de nouveau le cas le 26 décembre. »

Pour mieux assommer le candidat du pouvoir, fervent défenseur des liens forts entre Moscou et Kiev, l’opposant Iouchtchenko a fait savoir qu’il comptait réaliser son premier déplacement officiel en tant que président chez le voisin russe. Celui-ci étant qualifié de « partenaire stratégique ». Mais il n’y a pas que le Kremlin ! Tourné vers l’Occident, le candidat de l’opposition prône haut et fort le rapprochement avec l’Union européenne. « Permettez-moi de vous dire que les intérêts stratégiques de l’Ukraine résident dans l’intégration dans l’Europe », avance Iouchtchenko, défiguré par un empoisonnement à la dioxine.

L’Europe des Vingt-Cinq voudra-t-elle de cette adhésion après les vaines tentatives de la Pologne de la convaincre du bien-fondé de l’entrée de l’Ukraine dans l’UE ? L’Union changera-t-elle d’avis après s’être prononcée en faveur d’une Ukraine « zone tampon » entre l’Europe et la Russie ? On n’en est pas encore tout à fait là. Si intégration il devait y avoir, celle-ci passerait, selon le chef des « orangistes », par l’affirmation de l’économie de marché ukrainienne et par l’entrée du pays dans l’Organisation mondiale du commerce. Pensant remporter l’élection avec plus de 60% des suffrages, il ne versera cependant pas que dans la politique libéraliste. Une présidentielle se gagne à l’intérieur, d’où sa main tendue aux électeurs de l’Est russophone. L’appel du président sortant à l’unité de l’Ukraine y aidant -après maintes menaces de scission-, l’homme fort des rues de Kiev ne ménage pas d’efforts pour casser la « vague bleue » du grand perdant des deux derniers tours invalidés.

Devant 5 000 de ses partisans rassemblés dans le centre de Kiev, Ianoukovitch s’est déclaré, lui, optimiste. Jouant la fibre nationaliste, il a lui aussi affiché un optimisme des grands jours. Voter pour lui revenait à se prononcer contre tout abandon de souveraineté ukrainienne. Celle-ci garderait-elle complète sa substance tandis que le monde est en train de se globaliser à une cadence accélérée ? A cela, le candidat des « bleus » répond : les capitales occidentales craignent la concurrence de l’économie ukrainienne. Une économie qu’il compte booster par la sauvegarde d’un service public fort en Ukraine. « Nous ne permettrons pas que d’autres décident de l’avenir de nos enfants », a martelé Ianoukovitch. L’annonce de sa victoire au second tour avait jeté des centaines de milliers d’opposants dans la rue. Non seulement ils étaient sortis pour contester le résultat mais surtout dire qu’il est temps d’en finir avec l’ère communiste et le fantomatique rideau de fer. Dès demain, ils espèrent revenir aussi nombreux dans Kiev afin de célébrer la victoire de la « Révolution orange »... en attendant de savourer les plaisirs de l’occidentalisation si proche.

Par Anis Djaad , latribune-online.com