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La forêt de l’Akfadou livrée au “trabendo”

lundi 19 avril 2004, par Hassiba

Jadis nos forêts étaient protégées nuit et jour. Les gardes champêtres veillaient au grain en faisant respecter la loi ; ainsi la forêt était un espace protégé.

Les garde-champêtres sillonnaient à cheval, matin et soir, de larges étendues de forêt, qui constituaient, à cet effet, un précieux abri à plusieurs espèces animales : singes, chacals, sangliers, une multitude d’oiseaux et même des essaims d’abeilles, qui produisaient le miel le plus pur de la planète. Aujourd’hui, point de gardes champêtres, ce corps a d’ailleurs disparu. Les brigades de surveillance, en nette régression, ne procèdent que rarement à des inspections dans ces forêts, devenues malheureusement des espaces de prédation. Nous ne comprenons pas comment des quantités faramineuses de bois de chauffage et de “pieds droits”, ces jeunes arbres d’à peine 10 à 20 cm de diamètre, peuvent être emportées avec une telle facilité !

S’il y a quelques années, on avait pris connaissance, ici et là, que des saisies de bois (pieds droits et arbres verts pour chauffage) ont été opérées (soit par des brigades de surveillance des forêts ou des services de sécurité), le fléau n’en reste pas moins éradiqué. Nous avons pu rallier à plusieurs reprises le périmètre forestier compris dans la daïra de Bouzeguène (l’autre périmètre est situé dans la région d’Ath Ghobri-Azar Yakouren et qui s’étend jusqu’à la wilaya de Béjaïa) et nous nous sommes rendus compte de l’étendue du massacre.

“Les trabendistes” du bois connaissent bien leur métier. Ils s’inscrivent aux subdivisions des forêts (Azazga-Idjema) payent leurs droits sans condition de couper de vieux arbres uniquement pour le chauffage. Cela devrait se faire en présence d’un agent des forêts. Malheureusement, cela se fait autrement.

La délivrance d’un bon de payement par les services forestiers ne constitue, en fait, qu’une couverture pour s’adonner, ensuite, à un massacre ininterrompu. Munis de scies à chaînes (tronçonneuses), nos “honnêtes hommes” abattent sans distinction plusieurs arbres. Ils ramènent quelques chargements, mais abandonnent les autres arbres jusqu’à ce qu’ils sèchent un peu, un argument crédible, qui leur permettra d’acheminer ensuite tout le bois en toute impunité. Si des saisies, que l’on peut compter sur les doigts d’une seule main main, ont été opérées elles témoignent en tout cas de l’existence d’un trafic beaucoup plus important constituant la partie invisible de l’iceberg. La coupe illicite, en effet, a atteint des proportions inquiétantes au niveau de la forêt de l’Akfadou.

Avant, une à deux pistes d’accès pour les tracteurs et autres véhicules ont été officiellement ouvertes pour rallier les daïras proches de la wilaya de Béjaïa. Aujourd’hui, les forêts qui longeaient ces pistes ont disparu et le ravitaillement devenu difficile. D’autres routes devaient être ouvertes pour se rapprocher des zones boisées. Certains trabendistes ont même “nationalisé” certains espaces en les délimitant par des repères. Ils deviennent, ainsi, des propriétés privées. “C’est la fin du monde en Kabylie” où les lois ne sont plus respectées”, s’est exprimé un vieil homme, qui paraissait dépité par ces interminables ballets de tracteurs chargés de troncs d’arbres et admirablement installés sur la benne (8 000 à 10 000 dinars le prix d’une benne de bois). Un marché juteux, sans taxe, sans impôts et avec, en prime, un désastre écologique !

Pourtant, la loi est bien claire. Des amendes et des peines de prison sont prévues en application de l’article 75 de la loi 84/12 portant régime général des forêts. Malheureusement, cette loi, même appliquée ne compensait pas les pertes inestimables de cet important patrimoine. Cette loi, bien sûr, s’applique à certaines catégories d’arbres protégés comme le cèdre, protégé par la loi 83/03 du 5 février 1983. Au regard du désastre, les peines à encourir sont insuffisantes pour ces crimes commis aux dépens de l’environnement.

En France, pour ne citer que ce pays, la nature devient une préoccupation majeure, un ministère de l’environnement est nommé avec, en prime, des moyens colossaux pour protéger et pour réprimer.

En Algérie, les forêts ne sont plus à l’abri. En plus du feu, de la désertification, de l’érosion hydrique et éolienne, le déboisement a accéléré la disparition progressive de ce patrimoine.

C.Nath Oukaci, Liberté