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L’OPEP met ses capacités de production à rude épreuve

dimanche 19 septembre 2004, par Hassiba

L’Algérie augmentera sa capacité de production à 1,5 million de barils par jour durant l’année en cours, a déclaré hier le ministre de l’Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, dans un entretien au quotidien londonien Al Hayat, repris par l’APS.

Il a par ailleurs estimé que les cours resteront à leurs niveaux actuels, aux alentours de 40 dollars et ce, jusqu’à la fin de l’année en raison de la demande mondiale croissante, outre l’instabilité, notamment en Irak. Chakib Khelil a cependant précisé qu’ils connaîtront un recul dès l’année prochaine, mais ne descendront pas pour autant à 30 dollars. Sur un autre plan, il a avancé que l’Algérie a enregistré pour la seule année en cours 6 découvertes.

Réunie mercredi dernier à Vienne, la capitale autrichienne, l’OPEP a pris une décision peu attendue : celle de relever ses quotas d’un million de barils par jour à compter du 1er novembre prochain. Des analystes pronostiquaient que l’organisation, produisant à plein régime aujourd’hui, maintiendrait son plafond de production à vingt-six millions de barils par jour. Ils n’ont pas vu juste. De la sorte, les pays membres de l’organisation dégagent un signal fort pour le marché et pour les pays consommateurs, inquiets de la remontée des cours ces derniers mois. Cette mesure a été commentée à loisir depuis Vienne. « Le signal que nous voulons envoyer au marché, c’est que les prix doivent baisser parce nous les jugeons trop élevés », a ainsi expliqué le président de l’OPEP, l’Indonésien Purnomo Yusgiantoro, à la fin de la conférence ministérielle. Cette augmentation va ramener la valeur moyenne du panier OPEP (sept bruts mondiaux) de 38 à 30 dollars le baril.

L’Iran, gros producteur, a fait une grille de lecture dans les mêmes termes ou presque. Il a estimé qu’il « s’agit d’un signal pour le marché, pas davantage ». Le ministre iranien, Bijan Zanganeh, présent à la conférence de Vienne, a déclaré que probablement, « nous ne verrons aucun changement dans la production totale de l’OPEP ». Et d’ajouter : « Nous pensons qu’il n’y a pas de pénurie de pétrole sur le marché. Les pays membres de l’OPEP n’étaient pas tous d’accord ces dernières semaines sur une augmentation de l’offre pétrolière. » Deux tendances se dessinaient : les partisans du maintien des quotas actuels et les tenants d’une officialisation du niveau réel de production, qui dépasse de quelque deux millions de barils par jour les quotas officiels. Finalement, c’est la solution médiane qui a prévalu à Vienne. Les Saoudiens, par la voix de leur ministre du Pétrole, Ali Al Nouaïmi, estiment que « cette hausse d’un million de barils par jour du plafond de production est destinée à combler la différence entre les quotas et la production réelle ». Ali Al Nouaïmi affirme que les prix du brut étaient trop élevés mais assuré que l’OPEP n’en avait pas perdu le contrôle. L’OPEP reconnaît qu’ellesurproduit. Aussi des pays membres, dont l’Algérie, ont-ils suggéré, à la faveur de la conférence de Beyrouth de juin dernier, que soit suspendu pour un temps le système des quats. L’organisation fonctionnant par consensus, la proposition en question n’a pas été retenue. Certains pays souhaitent voir leur quota au sein de l’OPEP revu à la hausse parce que leur production pétrolière a sensiblement augmenté. Et l’Algérie en fait partie. Elle a déjà formulé une demandé de relèvement de son quota, il y a plus d’un an. A ce jour, elle n’a rien obtenu. Dans un souci d’équilibre dans les mécanismes de l’organisation, l’Algérie ne peut relever son quota que si ses pairs réduisent les leurs.

Une bande fluctuante révisable
L’Algérie produira vers la fin de l’année en cours 1,5 million de barils par jour. Des pays OPEP sont également favorables à une modification de la bande fluctuante instituée par l’organisation pétrolière il y a plus de trois ans. C’est un mécanisme de régulation des prix à déclencher selon la conjoncture des marchés pétroliers : l’OPEP augmentera ainsi son offre pétrolière de 500 000 barils par jour si les prix dépassent 28 dollars sur une période de vingt et un jours ouvrables. Et elle la diminuera d’autant si les prix descendent au-dessous de 22 dollars pendant vingt jours ouvrables, également.

Même si cette fourchette n’a pas été mise en veilleuse définitivement, il n’en est pas mois vrai qu’elle ne sert pas à grand-chose. Les pays favorables à l’abandon de cette bande estiment que les bornes 22-28 dollars n’ont plus la même valeur en absolu qu’il y deux ou trois ans. Parce que le dollar, la monnaie dans laquelle sont libellées les exportations pétrolières, a perdu en valeur face à l’euro. L’organisation des pays exportateurs de pétrole va se réunir le 6 décembre prochain pour évaluer les marchés et voir ce qu’elle pourrait y opérer pour une stabilité durable des cours. Il faut dire que les efforts quelle a consentis n’ont pas permis de terrasser les courbes ascendantes des prix. En est-elle seule responsable pour autant ? Ses responsables estiment que l’OPEP ne peut pas, à elle seule, faire en sorte que les cours du pétrole continuent à évoluer dans des fourchettes stables qui arrangent tout le monde. Aussi, elle en appelle à la responsabilité des pays non-OPEP. Ces derniers ne sont pas enthousiastes à un relèvement sensible de leurs quotas. Pour autant, ils ne sont pas soumis à des pressions de la part des pays consommateurs comme l’est l’OPEP. Celle-ci le vérifie chaque fois qu’il y a enfièvrement des marchés. Les pays consommateurs la tiennent pour responsable de l’envolée des prix, pendant que les pays non-OPEP produisent au bon vouloir de leurs majors.

Quand l’Organisation des pays exportateurs de pétrole révise à la baisse son offre pétrolière, c’est la cacophonie totale dans le camp des pays consommateurs relayés par des organisations comme l’OCDE et l’Agence internationale de l’énergie (AIE). On s’en souvient, la réduction des quotas OPEP de deux millions de barils par jour décidée à Alger en février 2004, effective à partir d’avril de la même année, a fait réagir des pays consommateurs qui se sont engagés dans une communication tapageuse pour dire que ce n’est pas une mesure raisonnable. Commentant cette décision, l’Agence internationale de l’énergie a essayé dans un premier temps de minimiser les effets qui en découleront. Dans son rapport mensuel d’avril, l’AIE relevait en effet que la baisse de production ainsi annoncée pour ce mois d’avril par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) n’a qu’une « valeur symbolique ». Aussi, soulignait le rapport, la production de l’OPEP hors Irak est restée pratiquement inchangée depuis six mois. Cette production s’est maintenue en mars au niveau de 25,8 millions de barils par jour, indiquait l’agence. Le marché ne s’attend pas à ce que ce niveau soit considérablement modifié en avril, en dépit de la récente décision de l’OPEP d’abaisser son quota de production de 24,5 à 23,5 millions de barils par jour, notait l’AIE.

Des baisses saisonnières
Cette mesure de réduction a été adoptée à Vienne non sans hésitation de certains pays et de réserves exprimées par L’AIE. Celle-ci estimait qu’une baisse prévisible de la demande au deuxième trimestre risquerait de faire chuter les prix. Et d’ajouter que : « Pour le moment, cette baisse du plafond de production approuvée est sans doute purement symbolique, l’OPEP ayant conclu que tout retour formel sur sa décision de février aurait été interprété de manière très baissière par les spéculateurs. » L’AIE soulignait dans son rapport qu’en réalité, les baisses de la production réelle d’avril seront probablement modestes et seront confinées à l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et peut-être l’Iran, et seront limitées à environ 500 000-600 000 barils par jour. L’agence relevait que, selon certaines sources, ces trois pays, après avoir prévenu leurs clients en mars 2004 que leur production serait réduite à partir d’avril, leur auraient proposé des livraisons supplémentaires et garanti qu’ils répondraient à leurs demandes.

L’agence déclarait qu’une baisse de production en provenance des autres pays membres est peu probable. L’Irak, qui demeure pour le moment exclu du système des quotas, a vu sa production progresser d’environ 500 000 barils par jour en mars dernier, si bien que le pays devrait, sauf imprévu, revenir au cours des « prochains mois » à une capacité d’exportation de deux millions de barils par jour, rappelait l’agence. L’Irak a enregistré une production de 2,40 millions de barils par jour et des exportations de 1,85 million de barils par jour en mars, soulignait encore l’AIE. Combinés à la baisse saisonnière de la demande habituelle au deuxième trimestre, la hausse de la production irakienne et le dépassement de ses quotas par l’OPEP « fournissent une opportunité pour un renflouement bien nécessaire des stocks » commerciaux de brut dans les pays consommateurs, se félicitait l’AIE. L’optimisme de l’Agence internationale de l’énergie s’est vite dissipée, le marché pétrolier entamant, à l’approche de l’été dernier, un virement spectaculaire (un baril à 45 dollars).

Par Youcef Salami, La Tribune