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L’Égypte confronté au terrorisme

samedi 9 avril 2005, par nassim

L’attentat qui a fait au moins trois morts jeudi soir au Caire a réveillé le spectre du terrorisme en Égypte, sept ans après la proclamation d’une trêve par le principal groupe islamiste armé du pays.

Après la panique, puis la consternation, l’Égypte était plongée hier dans l’expectative. L’attentat qui a visé jeudi soir un quartier commerçant dans le coeur historique du Caire, près du célèbre souk du Khan el-Khalili, n’avait toujours pas été revendiqué hier soir.

Selon les autorités égyptiennes, il pourrait être l’oeuvre d’un kamikaze. L’homme, qui circulait sans doute à moto, aurait actionné une bombe remplie de clous près d’un groupe de touristes. « Il s’agit d’un engin très artisanal, caractéristique de ceux utilisés par des individus qui planifient et commettent seuls leurs actes », a affirmé le ministre du Tourisme, Ahmed el-Maghraby. Trois personnes ont été tuées, dont une Française et un Américain. Plusieurs autres sont toujours hospitalisées, dont un Français qui serait dans un état critique.

Si l’hypothèse d’un attentat suicide se confirme, ce serait une première. « C’est une forme de terrorisme nouvelle pour l’Égypte, qui se nourrit des tensions régionales et notamment de la guerre en Irak », estime le politologue Diaa Rachwan, spécialiste de l’islamisme armé égyptien. « En visant le tourisme (NDLR : première source de revenus du pays), les terroristes ne cherchent plus à déstabiliser l’État, mais à frapper les intérêts occidentaux, en particulier américains. »

Dans les années 90, les Gama’at al-Islamiya, le principal groupe armé égyptien, avaient juré de renverser le régime de Hosni Moubarak, plongeant l’Égypte dans une décennie de violence qui a fait plus de 1 500 morts. Une vague de terreur qui a culminé en 1997 avec le massacre de 58 touristes devant le temple d’Hatshepsout, à Louxor. Les dirigeants historiques des Gama’at al-Islamiya, pour la plupart emprisonnés, ont cependant décrété une trêve l’année suivante, et confirmé à plusieurs reprises leur renoncement à la violence.

Les plus fanatiques ont rejoint l’organisation al-Qaida d’Oussama Ben Laden et de son bras droit Ayman al-Zawahiri, le chef du Jihad, l’autre grand groupe armé égyptien. Alors que le monde sombrait dans la violence après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, l’Égypte a été épargnée par le terrorisme pendant sept ans. Jusqu’en octobre dernier, quand un triple attentat à la voiture piégée, visant particulièrement les touristes israéliens, a fait 34 morts à Taba, dans le Sinaï. Les autorités égyptiennes ont conclu à un acte isolé d’individus motivés par le conflit israélo-palestinien, sans lien avec un groupe terroriste connu. La répression n’en a pas moins été brutale.

Selon les organisations des droits de l’homme, plus de 3 000 personnes ont été arrêtées, surtout dans les milieux islamistes. Certaines auraient été torturées. Alors que tous les auteurs des attentats ont officiellement été identifiés, un grand nombre de ces suspects sont toujours gardés au secret, ce qui a provoqué de vives tensions ces dernières semaines dans le Sinaï. Choix ou coïncidence, l’attentat du Caire s’est d’ailleurs produit six mois jour pour jour après les attaques de Taba.

Une récidive inquiétante pour les autorités égyptiennes, qui ont longtemps eu une confiance aveugle dans l’efficacité de leur appareil répressif. « Après les attentats de Taba, les services de sécurité avaient déjà davantage cherché à comprendre ce qui leur avait échappé qu’à arrêter les auteurs des attaques », souligne Diaa Rachwan.

Hier, la sécurité, déjà importante en temps normal, a été fortement renforcée sur les sites touristiques. La France et les États-Unis ont de leur côté appelé leurs ressortissants à la plus grande prudence.

Par Pierre Garrett, lefigaro.fr