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L’Algérie continue d’importer la tomate
samedi 11 décembre 2004, par
Le volume de production en tomate fraîche demeure encore faible comparativement aux pays voisins, notamment la Tunisie et le Maroc.
La production du concentré de tomate et sa commercialisation à la fin des années 1990 a permis, selon M. Sari Mohamed, professeur à l’université de Annaba, d’économiser l’équivalent de 70 millions de dollars et le Trésor public et les collectivités locales ont bénéficié sous forme d’impôts et taxes de près de 1 milliard de DA. La filière de la tomate industrielle souffre, selon les spécialistes, d’un problème de disponibilité de la matière première, en l’occurrence la tomate fraîche, et de l’inadéquation des moyens de production utilisés par les agriculteurs. Et pour cause, le volume de production en tomate fraîche demeure encore faible comparativement aux pays voisins, notamment la Tunisie et le Maroc. Le rendement actuel est estimé, selon M. Mohamed Laïd Ben Amor, manager général de la conserverie Amor Ben Amor (CAB), à 15 tonnes/hectare contre 45 à 75 tonnes en Tunisie et à 68 tonnes tonnes/hectare en Italie.
En Chine, il est de 66 tonnes/hectare. Donc, le rendement de l’Algérie reste, selon ces spécialistes, loin de celui des pays concurrents bien qu’elle dispose d’atouts importants pour le développement de cette filière. Ces spécialistes estiment que “la filière de la tomate industrielle dispose d’un tissu industriel expérimenté, un potentiel agricole important mais mal exploité, un coût de main-d’œuvre très compétitif et un coût énergétique très concurrentiel”. Mais, elle est pénalisée par plusieurs obstacles dont un contexte tarifaire défavorable, des cours mondiaux actuellement en baisse, des conditions de culture difficiles et des méthodes de production traditionnelles, ajoutent-ils. Par conséquent, l’outil de production est sous-exploité et le rendement faible.
Cette situation a engendré, selon ces spécialistes, un déficit dans la couverture des besoins nationaux durant ces dernières années. L’absence de régulation a compliqué, martèlent-ils, davantage la situation de cette filière. Les agriculteurs algériens continuent toujours d’utiliser des méthodes traditionnelles et archaïques de production qui ne répondent pas aux normes internationales.
Pour M. Juan-Jose Amezaga, président de l’Association méditerranéenne des industriels de la tomate (Amiton), “l’Algérie pourrait jouer un rôle important sur les marchés internationaux si elle parvient à améliorer sensiblement ses rendements agricoles et rationaliser son industrie”. Ceci étant dit, cette filière dispose, dira-t-il, de plusieurs atouts pour se développer davantage, à condition que les différents intervenants, en l’occurrence les agriculteurs, les industriels et l’État, travaillent en étroite collaboration pour lui permettre d’être plus compétitive. Il s’agit notamment d’une mise à niveau des méthodes de travail des fellahs qui continuent, ajoutera-t-il, à travailler avec des moyens traditionnels. Il a indiqué, par ailleurs, que “la filière de la tomate industrielle en Algérie possède plusieurs atouts comparativement aux autres pays puisqu’elle dispose d’une main-d’œuvre moins chère qui représente 2 % des charges contre 15 % pour les pays européens et le coût de l’énergie est de zéro”.
L’industrie locale assure 85% des besoins
La production nationale est évaluée, ajoutera-t-il, à 55 000 tonnes de double concentré de tomate en 2004 pour une superficie totale de 27 642 hectares dont 7 000 à Annaba et 8 000 à El-Tarf. La taille moyenne des exploitations agricoles est de 2,5 hectares.
La filière de la tomate industrielle assure, dit-on, près de 120 000 emplois directs et indirects dont 25 000 fellahs. La modernisation de cette filière dépend essentiellement, selon l’expert français, de la régulation de la relation professionnelle agriculteurs-industriels et la mise en place d’un système spécifique qui tient compte de la réalité algérienne. Il ne s’agit pas, selon M. Xavier, de copier un système étranger mais de mettre en place un système propre à l’Algérie en intégrant la concurrence régionale, notamment de la Tunisie et l’Italie.
Néanmoins, le prix de revient de la tomate industrielle est évalué, selon M. Yanik Mezzardi, manager général de Tomato Land, à 100 dollars, soit près de 7 000 DA, contre 77,60 dollars en Tunisie et 84 dollars en Espagne.
En termes de consommation, l’Algérie est classée à la 16e place mondiale avec 300,116 tonnes/an et un volume de 9,599 kg par habitant. La consommation nationale est de 305 000 tonnes/an. L’industrie algérienne assure 85 % des besoins du marché local, soit l’équivalent de 260 000 tonnes/an, le reste est assuré par l’importation. Elle importe principalement le double concentré de tomate et le triple concentré de tomate. Les principaux pays fournisseurs de l’Algérie en double concentré de tomate sont la Turquie avec 5 526 tonnes, les Émirats arabes unis avec 1 338 tonnes et l’Italie avec 613 tonnes en 2003.
Au total, l’Algérie a importé 7 668 tonnes de double concentré de tomate et 1 788 tonnes de triple concentré de tomate. Au premier semestre 2004, il y a eu près de 10 000 tonnes de triple concentré de tomate et 14 600 tonnes de double concentré de tomate qui ont été importées. La consommation est demeurée, selon M. Xavier, stable ces trois dernières années et elle est axée sur le double concentré et ses dérivés. Le recours à l’importation est dicté, selon lui, par l’insuffisance du volume de la production nationale. Le prix de la tomate fraîche est considéré par les industriels comme étant cher par rapport à celui appliqué, par exemple, en Tunisie. À ce rythme, la filière de la tomate industrielle ne pourra être compétitive, ajoutera M. Ben Amor, et faire face à la concurrence étrangère, notamment après l’entrée en vigueur de l’accord d’association avec l’Union européenne et la prochaine adhésion de l’Algérie à l’OMC. L’expert français a affirmé, toutefois, que “l’Algérie devrait augmenter davantage la taille des opérateurs intervenant dans cette filière pour s’orienter vers le marché étranger, notamment la Libye, le Maroc et l’Afrique subsaharienne”. Il a proposé, tout de go, l’instauration d’unités de reconditionnement à partir de concentré importé sur le modèle sud-italien et la matière première sera remplacée à terme par des tomates fraîches locales. Il y a lieu de rappeler que la culture de la tomate industrielle a démarré en 1920 dans la région de l’Est avec la création de la première conserverie Tomacoop à Annaba. Et depuis, le nombre d’usines est passé de 5 en 1970 à 29 unités en 2004 d’une capacité globale de 160 000 tonnes.
Par Faïçal Medjahed, Liberté