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Genèse du code de la famille en Algérie
mercredi 9 juin 2004, par
Le code de la famille a 20 ans. Les femmes algériennes subissent depuis deux décennies les dispositions discriminatoires de ce texte. Elles sont nombreuses aujourd’hui à errer en compagnie de leurs enfants et à affronter quotidiennement le côté obscur de la société.
C’est le 9 juin 1984 que l’APN, sous la présidence de Rabah Bitat, a décidé d’octroyer à la femme algérienne un statut de mineure.
Le contenu du texte a été tenu secret ainsi que son adoption. De tous les textes législatifs, seule la loi n° 84 - 11 du 9 juin 1984 portant sur le code de la famille dénie la pleine égalité entre les sexes, notamment en matière de mariage, de divorce ou de tutelle des enfants. Basé sur la charia et les fondements théologiques, le code de la famille est en contradiction avec l’article 29 de la Constitution qui reconnaît l’égalité entre les femmes et les hommes. La contestation et la mobilisation des femmes ne se font pas attendre, des groupes de femmes de certains partis clandestins (PAGS, OST), d’organisations de masse, étudiantes et universitaires parrainées par des moudjahidate ont crié au scandale.
Parcours militant
Elles n’ont pas cessé de militer depuis pour son amendement ou son abrogation. La revendication est portée par des associations féminines, créées après l’avènement du multipartisme en 1989. La contestation de ce texte de loi a commencé en 1981 lorsqu’un projet de code du statut personnel allait être débattu à l’APN. Une rumeur autour d’une première mouture avait circulé en 1976 pour être concrétisée en 1981. Une forte mobilisation des femmes a poussé les pouvoirs publics à se retirer. Elle a regroupé Fettouma Ouzeguène, Akila Ouared, Zhor Zerari, Zohra Drif, avocate et sénatrice, Louiza Hanoune, des universitaires, des enseignantes. Un mouvement de riposte a été organisé devant l’APN. Certaines manifestantes ont été interpellées. Les moudjahidate ont à cet effet interpellé le président de la République afin d’user de son pouvoir pour annuler ce texte de loi. « Les moudjahidate, les maquisardes qui avaient participé à la guerre de Libération nationale protestaient de leur côté et finirent par soutenir notre mouvement. Ce soutien a, sans doute, été décisif dans le recul des autorités, car elles mettaient le régime non seulement face à ses contradictions, mais surtout face à ses trahisons des aspirations de l’Indépendance. Elles étaient révoltées et nos revendications étaient aussi les leurs, mais en plus, elles nous protégeaient par leur seule présence. Je crois que c’est grâce à elles que la police n’a pas reçu l’ordre de nous arrêter.
Même si quelques-unes d’entre-nous ont été interpellées, nous n’avons jamais été réprimées avec la violence qui avait suivi d’autres mouvements, comme le Mouvement culturel berbère ou les manifestations de jeunes en 1985 et 1986 », relate Louiza Hanoune, une des animatrices du mouvement de femmes pour l’abrogation du code de la famille, dans un entretien accordé à la journaliste Ghania Mouffok et publié sous forme d’ouvrage, Louiza Hanoune, Une autre voix pour l’Algérie, aux éditions La Découverte. Le projet de loi a été retiré puis discuté et adopté trois années après, en juin 1984. La révolte des militantes est montée d’un cran. Le journal El Moudjahid a fait état de l’information ainsi que des débats tenus autour de ce texte. « Les militantes et toute l’opinion s’étaient indignées des discussions des députés sur la longueur du bâton qui devait flageller les femmes pour les amener à la soumission », se rappelle une militante. Pour Louiza Hanoune, si les autorités ont réussi à faire adopter ce texte, c’est parce que le mouvement s’était un peu essoufflé et le Comité de femmes constitué suite au rassemblement continuait à réfléchir aux moyens de mobilisation. « Nous savions qu’un autre texte de loi était en train de se préparer, avec la collaboration active des habituelles femme alibis, ces femmes qui ont fait carrière dans les appareils d’un régime grand distributeur de privilèges, un régime qui avait déclaré la guerre à la moitié de la population avant de l’étendre à toute la société », ajoute Louiza Hanoune en faisant allusion à la répression de tous les mouvements en 1982. Elle soutient que le régime algérien a profité des arrestations pour faire passer le code de la famille. Les militantes s’étaient mobilisées pour la libération des détenus politique. La revendication est demeuré l’une des préoccupations des femmes militantes qui ont constitué des associations en 1989. Elles sont pour la plupart issues du mouvement de la contestation du code de la famille.
Pourquoi un 8 mars ?
Une rencontre nationale les a réunies en novembre 1989. Depuis, de nombreuses actions ont été menées dans le cadre de collectifs d’association ou au niveau des différentes organisations. La date du 8 Mars, Journée internationale de la femme, a de tout temps été célébrée en Algérie dans un cadre de contestation et pour exiger l’abrogation de ce code. Des actions d’envergure ont été menées depuis 1990 malgré la menace terroriste. Des rassemblements, des marches, des publications et des pétitions ont été initiés. Le collectif Maghreb Egalité a initié la proposition des cents mesures. En 1996, des amendements ont été proposés par le gouvernements dans le cadre d’un séminaire ayant pour thème « La protection de la femme », organisé par le ministère de la Solidarité en 1996. Des divergences sont apparues et plusieurs associations ont rejeté cette initiative. Une lettre ouverte des associations de femmes a été adressée au président de la République demandant la ratification sans réserve de la convention de Copenhague sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la déclaration de l’anticonstitutionnalité du code de la famille. Le 8 mars 1997, 14 associations ont initié une pétition d’un million de signatures autour des 22 amendements émanant de l’atelier de Rabéa Mechernène, ministre de la Solidarité de l’époque. De 1992 à 2002, la revendication d’abroger les dispositions discriminatoires et les remplacer par des lois égalitaires a été brandie à chaque fois que l’occasion se présentait. C’est ainsi qu’un collectif d’associations de femmes a lancé à l’occasion du 8 Mars 2003 la campagne « Code de la famille, 20 ans barakat ». L’amendement ou la révision du code de la famille ont figuré dans les programmes des différents gouvernements à l’approche de chaque échéance électorale. A ce jour, aucune modification n’a été apportée. La commission installée par le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, travaille toujours sur le dossier, mais la décision finale revient au président de la République, lequel avait déclaré lors de son discours d’investiture qu’on ne peut aspirer à une démocratie sans une réhabilitation effective de la femme dans ses droits.
Par D.K., El Watan