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Fusillade à La Mecque

samedi 23 avril 2005, par nassim

Élections et fusillades dans la ville la plus sainte de l’Islam. Après la fermeture des bureaux de vote, jeudi à La Mecque, un affrontement a opposé des islamistes armés à la police saoudienne. Bilan officiel : deux morts de chaque côté, plus quatre blessés chez les policiers, et deux arrestations.

Selon le ministère de l’Intérieur, « un groupe d’hommes déguisés en femmes ont tenté de forcer un barrage pour pénétrer dans la Ville sainte ». Les checkpoints avaient été renforcés dans toute la partie ouest du pays, à l’occasion de la troisième et dernière étape des élections municipales partielles, commencées en février dans le reste du royaume.

Les militants auraient cherché à pénétrer dans la cité dissimulés sous le voile saoudien, qui cache entièrement le visage. Ils se seraient trouvés à bord d’une voiture conduite par un chauffeur masculin, les femmes n’ayant pas le droit de prendre le volant. D’après des témoins, les échanges de coups de feu ont commencé à un barrage situé entre La Mecque et Médine, le deuxième lieu sacré de l’Islam, suivis d’une poursuite jusqu’à une zone montagneuse au nord-ouest de La Mecque, où la police a entamé un siège.

« Je ne vois aucun rapport entre cet incident et les élections », a affirmé peu après le président de la commission électorale locale, Bandar al-Hajar. L’incident témoigne en tout cas de la vive tension qui continue de régner dans le royaume. Depuis mai 2003, les forces de sécurité de la monarchie pétrolière affrontent une vague d’attaques d’islamistes armés se réclamant d’al-Qaida, qui ont fait plus de 200 morts, dont de nombreux expatriés. La précédente bataille, dans la province centrale du Qassim, avait entraîné la mort de 15 militants armés. Toutes les régions sont visées. L’incident d’hier était le quatrième à La Mecque depuis un an. La grande mosquée de la cité du Prophète avait déjà été investie en 1979 par une première révolte, qui s’était terminée par la mort de dizaines de conjurés, avec l’aide du GIGN français appelé en renfort.

Sur le plan militaire, les forces gouvernementales semblent contenir la rébellion. Les insurgés n’ont jamais réussi à toucher le coeur du régime, les installations pétrolières et les forces gouvernementales ont éliminé successivement plusieurs chefs autoproclamés d’« al-Qaida dans la péninsule Arabique ». Ces groupes se réclamant d’Oussama Ben Laden, Saoudien déchu de sa nationalité, se sont détachés d’une mouvance islamiste légaliste, qui entretient des rapports complexes avec le pouvoir. Les islamistes les plus conservateurs, qui ne remettent pas en question la monarchie, ont décidé d’utiliser les premières élections partielles, permettant aux seuls électeurs masculins d’élire la moitié des conseillers municipaux. A La Mecque et dans les autres grandes villes, dont Djedda, des listes de candidats ont été envoyés par SMS ou par Internet, contrevenant au règlement qui n’accepte que les candidatures individuelles et interdit les « coalitions », a fortiori les partis politiques. Dans les deux premières étapes de l’élection, au centre et à l’est de l’Arabie saoudite, les listes islamistes ont remporté la victoire presque partout. Le succès de cette mobilisation doit pourtant être relativisé, plus de la moitié des électeurs potentiels ne s’étant pas inscrits, et la moitié environ ayant voté. L’Ouest semble avoir suivi cette tendance.

A Djedda et dans ses environs, selon les premiers chiffres officiels, 50% des 80 000 inscrits, sur un peu plus de deux millions d’habitants, femmes et étrangers compris, ont mis leur bulletin dans l’urne. Les résultats devraient être connus aujourd’hui. Le pouvoir paraît décidé à composer avec les coalitions illégales. Comme ailleurs, la commission électorale a rejeté les recours déposés par plusieurs candidats contre la liste islamiste, surnommée par ses supporters la « liste d’or ».

Par Pierre Prier, lefigaro.fr