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En Algérie, l’eau gaspillée à flots

vendredi 16 juillet 2004, par Hassiba

60% de la masse d’un adulte est constituée d’eau. Il doit boire environ 2,5 litres d’eau par jour pour compenser les pertes.Il est donc évident que chaque être humain a conscience de l’importance de l’eau pour la préservation de sa santé et de sa vie.

Mais comme l’eau est un élément de la vie quotidienne et qu’elle est devenue familière, elle est banalisée, son importance vitale oubliée. Sans eau, la Terre ne serait qu’un astre mort, et aucune vie humaine, biologique, ou animale, n’existerait. Avant le raccordement à l’eau potable et l’existence des conduites d’AEP, l’homme était contraint de chercher l’eau là où elle se trouvait. Tout comme aujourd’hui, les populations anciennes devaient avoir de l’eau en permanence à portée de main. Elles la transportaient par tous les moyens, souvent primitifs, et techniques harassantes. A dos de bêtes ou dans des aqueducs, l’effort fourni pour se procurer l’eau n’a d’égal que le caractère sacré et vital de cet élément qui fut même une divinité pour certains peuples. Le gaspillage de l’eau était alors une hérésie, voire un blasphème.

Aujourd’hui, on se fatigue moins pour boire, se laver ou même pour un usage accessoire de l’eau. Elle est si présente qu’on ne se rend pas compte de sa rareté, encore moins de la sécheresse qui guette l’humanité.Pourtant, tant de guerres ont décimé des populations à cause de l’eau. En Algérie, des tribus continuent à s’entretuer pour le contrôle des sources et des oueds. Dans les villes et dans les villages, le gaspillage de l’eau est devenu un signe de progrès et de développement.

En Algérie, la situation est dramatique. Il n’y a pas que le citoyen qui gaspille l’eau mais l’Etat est également complice. Sinon comment expliquer que 50% de l’eau potable n’arrive pas à destination ? Ces pertes enregistrées sont causées par la grave détérioration des conduites. L’Etat n’a décidé de prendre en charge ce problème qu’une quarantaine d’années après l’indépendance ! Pourtant, l’Algérie a souffert d’une longue période de sécheresse.Il y a eu des moments où les Algériens ne disposaient d’eau qu’une fois par semaine. Paradoxalement, les rues étaient inondées par les fuites de conduites. Les robinets défectueux dans les institutions publiques (écoles, administration, hôpitaux...) n’interpellent plus personne. Quelquefois, même si le robinet est en bon état, l’eau coule à perte...Cette négligence a amené le pays à ne disposer que de quelques mois de réserve d’eau potable. Une situation critique qui n’a été dépassée que grâce à la succession d’hivers humides. Une bénédiction divine !

Inconscients ou négligents, des citoyens continuent à utiliser abusivement l’eau potable. Certains arrosent à grands jets leur véhicule, d’autres se permettent de changer l’eau de leur piscine ! L’Etat est dans l’obligation de lutter contre ce gaspillage, de contrôler régulièrement les fuites, de réhabiliter le réseau et, par conséquent, d’aller vers un investissement adéquat.
De même que le prix de l’eau potable doit être approprié, en tenant compte des coûts réels d’investissement et d’exploitation, ce qui favoriserait la lutte contre le gaspillage, les fuites, en tenant compte des couches défavorisées. Le prix de revient de l’eau est aux alentours de 20 DA. Celle-ci est cédée actuellement aux ménages à 9 DA. L’eau est donc subventionnée sans qu’elle soit réellement préservée : le taux de raccordement à l’alimentation en eau potable est de 85%, alors qu’elle est cédée à 3,80 DA pour la 1ère tranche (<25 m³), la seconde à 12,35 DA et la 3ème tranche à 20,90 DA. Les pertes en eau sont estimées à 50%. L’eau a une valeur économique et sociale, et le principe de « qui consomme paie et qui pollue paie » doit être systématiquement appliqué. Car les besoins de la population algérienne sont croissants en eau douce et il sera impossible de se contenter des ressources naturelles. L’Algérie est conduite à étudier et à développer divers procédés permettant de l’obtenir à partir des eaux de la mer, des chotts et des eaux usées dans des conditions admissibles techniquement et économiquement. Car elle est confrontée aux problèmes liés à l’eau et elle doit trouver le moyen adéquat pour une utilisation optimale de cette ressource rare.

Il est vrai que le gouvernement a décidé de consacrer au secteur une enveloppe de centaines de milliards pour la réalisation de gros projets hydrologiques -barrages, retenues, usines de dessalement...- mais est-ce pour autant la fin du déficit en eau ? Sans une gestion rigoureuse de cette ressource, sur laquelle il faut, de plus en plus, sensibiliser le citoyen, le problème restera posé. Donc, il faut une politique claire des ressources hydriques. La culture de l’eau s’inculque à tous les niveaux de l’éducation. A ce titre, la responsabilité des parents et de l’école est primordiale afin que les générations montantes mesurent l’importance stratégique de l’eau. Quant à sa dimension vitale, elle est instinctivement perçue. Le rôle d’un mouvement associatif représentatif, authentique et constructif dans l’enracinement de la culture et la sacralisation de l’eau n’est pas à démontrer puisque, sous d’autres cieux, la société civile a prouvé ses capacités éducatives et de sensibilisation.
L’élaboration d’une politique nationale de l’eau ne peut être conçue en vase clos. Ce projet vital doit impliquer toute la société à travers ses expressions sociales et politiques ainsi que la mobilisation permanente des médias.

Par Hasna Yacoub, La Tribune