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Coup d’Etat en Mauritanie

mercredi 3 août 2005, par Bilal

La Mauritanie renoue avec l’instabilité avec l’annonce de la prise de pouvoir par l’armée mauritanienne qui affirme vouloir installer une vraie démocratie au pays et mettre fin au régime dictatorial du président Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya.

Renversé, le président de Mauritanie, Taya, s’est refugié au Niger.

Dans un communiqué diffusé par l’agence mauritanienne d’information (Ami), le "Conseil militaire pour la justice et la démocratie" s’engage à ne rester à la tête de la République islamique de Mauritanie que pour une période de deux ans, le temps, assure-t-il, d’assurer une transition vers une démocratie véritable.

L’Union africaine a immédiatement fait état de sa "préoccupation" et condamné toute prise de pouvoir par la force. Le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, a fait de même.

Le putsch a éclaté dans la matinée à Nouakchott alors que le président Ould Taya était sur le chemin du retour de Ryad, où il a assisté la veille aux funérailles du roi Fahd d’Arabie. Son avion s’est posé à Niamey, capitale du Niger voisin. Le PRDS au pouvoir a également dénoncé le coup d’Etat.

Des bérets verts de la Garde présidentielle ont pris le contrôle de la radio-télévision nationale et bloqué les rues de la capitale. Une brève fusillade a été entendue à proximité de la présidence et l’aéroport a été fermé.

D’après une source militaire, plusieurs officiers supérieurs ont été mis aux arrêts, dont les chefs de l’armée, de la Garde nationale, de la police paramilitaire et du régiment parachutiste d’élite.

Dans Nouakchott, où les rideaux des magasins sont restés tirés, l’incertitude a prévalu dans un premier temps, la radio et la télévision ayant cessé d’émettre. "J’ai entendu des tirs près de la présidence. J’ai vu des gens effrayés s’en aller en courant. Des fonctionnaires ont quitté leurs bureaux", rapportait un témoin.

Plusieurs centaines de personnes se sont regroupées devant une mosquée proche de la prison centrale de Nouakchott dans l’espoir d’une libération de leurs proches, notamment des militants islamistes impliqués dans le soulèvement militaire de juin 2003.

Un correspondant de Reuters se trouvant à la frontière avec le Sénégal indiquait pour sa part que les douaniers empêchaient toute sortie du territoire.

"METTRE FIN AUX PRATIQUES TOTALITAIRES"

Dans un communiqué diffusé en milieu d’après-midi, l’armée a levé l’incertitude en annonçant la mise en place d’une junte militaire à la tête du pays. "Les forces armées et de sécurité ont unanimement décidé de mettre fin aux pratiques totalitaires du régime déchu dont notre peuple a tant souffert ces dernières années", explique l’armée.

"Ce Conseil s’engage devant le peuple mauritanien à créer les conditions favorables d’un jeu démocratique ouvert et transparent sur lequel la société civile et les acteurs politiques auront à se prononcer librement", poursuit-elle, précisant que "les forces armées et de sécurité n’entendent pas exercer le pouvoir au-delà d’une période de deux ans".

*Des centaines de personnes sont descendues dans les rues de Nouakchott pour exprimer leur joie en klaxonnant et en criant "Dieu soit loué". "Ici, ce n’était pas la démocratie, seulement l’esclavage. Nous avons été libérés de la dictature", a un manifestant, Bilal.

Le chef de la Garde présidentielle, le colonel Mohamed Ould Abdel-Aziz, serait impliqué dans ce putsch, a indiqué un responsable de l’opposition, dont les propos ont été confirmés de source militaire. Des informations non confirmées font par ailleurs état d’arrestations dans la haute hiérarchie militaire.

Le président Ould Taya s’était lui-même emparé du pouvoir en 1984 à la faveur d’un coup d’Etat, avant d’être élu en 1992 et reconduit à la tête de l’Etat en 1997 et en 2003.

RAPPROCHEMENT CONTROVERSÉ AVEC ISRAEL

Mais en se rapprochant d’Israël en 1999 - la Mauritanie est avec l’Egypte et la Jordanie l’un des trois seuls Etats membres de la Ligue arabe à avoir établi des relations diplomatiques avec Israël - et en apportant son soutien à la politique irakienne des Etats-Unis, après avoir soutenu l’Irak de Saddam Hussein, il s’est coupé d’une partie de la communauté arabe du pays.

En juin 2003, une tentative de coup d’Etat avait manqué de le renverser au terme de deux journées de manifestations dans les rues de la capitale, mais elle avait mis en exergue les tensions issues de son nouveau positionnement diplomatique. L’année dernière, les autorités avaient également annoncé avoir déjoué deux autres tentatives.

D’après des analystes, la Mauritanie est aussi devenue l’un des pays d’Afrique où la répression contre les mouvements islamistes est la plus sévère, au risque de radicaliser l’opposition islamiste.

Des dizaines d’opposants ont été arrêtés depuis le mois d’avril pour leurs liens supposés avec le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), groupe armé encore en activité en Algérie et qui a fait allégeance à Al Qaïda.

Les Etats-Unis, qui coopèrent avec Nouakchott dans le cadre de leur Initiative pan-Sahel (PSI), ont envoyé des experts militaires de l’antiterrorisme dans ce pays, qui devrait commencer l’exploitation de ses ressources pétrolières au début de l’année prochaine.

L’"EuCom" (European Command, centre de commandement de l’armée américaine supervisant les opérations en Europe et dans la majeure partie du continent africain), a fait savoir qu’il suivait attentivement le déroulement des événements.

Par Reuters