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Chanter pour Bouteflika "El Aziz"

mardi 6 avril 2004, par Hassiba

La chanson entre désormais dans le quid des élections en Algérie. Ceux qui n’ont pas réussi à faire des « tubes » ont fini par inventer l’alternative : chanter pour un candidat à l’élection présidentielle. Selon les partisans de Bouteflika, près de 40 chanteurs ont prêté leurs voix pour chanter « El Aziz » (le chéri).

Une compilation que l’on retrouve dans les bureaux de campagne et dans laquelle les « meilleurs clients » des plateaux de l’ENTV chantent, chacun dans son style, leur « amour » pour Abdelaziz Bouteflika.

La variété va de Abdelkader Chaoû (chaâbi) jusqu’à cheb Toufik, star montante de la boîte à rythme, passant par Hassiba Amrouche, qui représente le folklore kabyle version « Mesk Ellil ». D’autres, comme Katchou et Hassan Dadi, dans le registre chaoui, viennent boucler la boucle, histoire d’interpeller « l’Algérie plurielle », un slogan en vogue, ici et ailleurs.

Qu’est-ce qui fédère tous ces chanteurs ? Le hasard veut que ce sont presque les mêmes que l’on voit en boucle dans les émissions de la télévision d’Etat. Rien de fortuit. Les modalités de sélection qui président aux choix mélomanes de l’ENTV s’accordent tellement avec une règle assez répandue chez nos chanteurs : devenir célèbre puis apprendre à chanter. Quel intérêt pour l’expression artistique ou pour l’image d’un président quand son nom est porté par une si piètre catégorie de talent ? « De nombreux éditeurs nous ont proposé des chansons faites exclusivement pour le président-candidat.

Nous ne pouvons tout prendre car on est submergés », assure un membre du staff de campagne du candidat Abdelaziz Bouteflika. Le nombre ne compte pas, car il faut très peu de temps pour un chanteur de raï, par exemple, pour préparer un single. Souvent une journée suffit largement. Par contre, Mohamed Mazouni, dont l’univers du texte va du patriotique à l’érotique, s’est montré plus paritaire, plus prolifique : une chanson pour Bouteflika, une autre pour Benflis.

Dans le milieu de ces chanteurs, on le comprend assez bien : leur réseau de diffusion le plus fiable sont les cabarets. Et, au-delà, la chaîne se prolonge jusqu’au 21, boulevard des Martyrs. De par le monde, seuls des présidents tels que Saddam, Kadhafi, El Assad ou autre lointain despote d’Afrique se voient glorifiés ainsi par des chanteurs. Cela est révélateur quant à la culture politique d’une grande partie de nos artistes. Ainsi, derrière l’alliance des chanteurs se profile l’effort d’atteindre le jeune électorat, insensible au discours politique. Du côté d’Abdelaziz Bouteflika, l’opération a été lancée il y a plusieurs mois, à travers la vague des « takrimat » (hommages) initiés par le ministère de la Culture.

Le geste est spectaculaire et le message s’est fait entendre par la suite : la réhabilitation de l’ancienne génération de chanteurs et de comédiens répond plus au besoin de la propagande qu’à celui de booster l’activité culturelle.

Amine Khaled, El Watan