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Arafat ou le porteur d’un rameau d’olivier

vendredi 12 novembre 2004, par Hassiba

« Je suis ici pour la Palestine », avait-il dit devant l’Assemblée de l’ONU et d’ajouter : « Je suis venu porteur d’un rameau d’olivier et d’un fusil de révolutionnaire. Ne laissez pas tomber le rameau de ma main »

Etre enterré sur l’esplanade des Mosquées, c’était peut-être le dernier rêve de Yasser Arafat. Et c’est aussi dans ce lieu sacré pour les musulmans que les Palestiniens souhaitent inhumer celui qui a incarné depuis près d’un demi-siècle leur lutte nationale. Ce rêve ne sera pas concrétisé. Ariel Sharon y veille personnellement. Ainsi, même mort, l’artisan de la déclaration de principes sur l’autonomie palestinienne demeurera en exil.

Nationaliste, révolutionnaire, le raïs Arafat a passé sa vie d’exil en exil. Sans créer « sa » Palestine indépendante. L’homme espère mourir en martyr à El Qods. Sa maladie et son coma ont occulté, même, la réélection de Georges W. Bush. Ce dernier avait semblé d’ailleurs imperturbable face à la maladie de Arafat. Dans sa première conférence de presse après son triomphe, Bush s’est contenté de recommander l’âme d’Arafat à Dieu et de rappeler son soutien -au moins théorique- à un Etat palestinien et à la « feuille de route », le plan de paix préparé par l’Europe, l’ONU, les Etats-Unis et la Russie, et laissé jusqu’à présent à l’abandon. Pourtant, le chef palestinien a toujours servi de prétexte utile à l’administration américaine pour qu’elle n’engage rien qui puisse aider à une résolution du conflit israélo-palestinien. Sa mort change les donnes. Les administrations américaine et israélienne sont aujourd’hui mises devant leurs responsabilités pour trouver une solution au blocage maintenu au Proche-Orient.

Quant à Paris, elle était sous les feux de la rampe pendant toute la période d’agonie du raïs. Chirac en a profité pour réitérer le soutien traditionnel de la France à la Palestine puisqu’il a assuré les quatre leaders palestiniens de la disponibilité de Paris à agir avec l’Europe pour la concrétisation du rêve d’Arafat. Ce dernier a pourtant, dès son hospitalisation à Percy, contraint les autorités françaises à redoubler de vigilance et à mettre en place un dispositif de sécurité à la mesure des risques que la présence d’Arafat sur le sol français pourrait entraîner. Arafat, malade, a réussi à unir les mouvements palestiniens qui ont décidé de préserver le calme et la sécurité. La situation est stable à Ghaza. Même si Israël a décidé de procéder à un bouclage total des territoires palestiniens en prévision de l’annonce du décès. Mais en même temps, Israël tentera de maintenir le statu quo actuel jusqu’à ce que la position de l’administration palestinienne soit claire et qu’un nouveau dirigeant ait été choisi. Il apparaît clairement que tout un chacun a préparé l’après-Arafat.

Le parcours d’Abou Ammar

Le parcours et l’image d’Abou Ammar continueront d’en faire un géant qui donnera toujours du souffle à la cause palestinienne. N’est-il pas l’homme qui a fait parler du peuple palestinien et qui est parvenu à garder le flambeau de la Palestine allumé même dans les pires moments ? Cet homme légendaire est sans origines précises. Certaines de ses biographies officielles situent sa naissance, en 1929, à Ghaza, d’autres à Jérusalem, au pied de l’esplanade des Mosquées. La rumeur populaire le dit enfant de Naplouse, de Saint-Jean-d’Acre ou de Safed. Né Mohammad Abdel Raouf Arafat Al Qoudwa Al Husseini, en août 1929, au Caire, Yasser Arafat a rejoint à 17 ans les groupes armés palestiniens qui luttent contre la création d’un Etat juif en Palestine. Après la création de l’Etat d’Israël en 1948, il s’est réfugié à Ghaza, puis en Egypte où il a suivi des études d’ingénieur. En 1959, au Koweït, il a créé le mouvement nationaliste Fatah, qui déclenche la lutte armée contre Israël le 31 décembre 1964. Passé dans la clandestinité sous le nom d’Abou Ammar, Yasser Arafat est élu président du Comité exécutif de l’OLP (CEOLP) en 1969. En 1974, le sommet arabe de Rabat reconnaît l’OLP comme « seul et légitime représentant du peuple palestinien ». Cette année-là, Arafat, en quête de reconnaissance internationale, prend ses distances avec le terrorisme.

Devant l’Assemblée générale de l’ONU, il déclare tenir d’une main « un fusil et de l’autre un rameau d’olivier ». Son mouvement vient d’approuver l’établissement d’une « autorité nationale » sur « toute partie libérée de la Palestine ». La formule permettra de justifier plus tard la création d’une entité autonome. Yasser Arafat renonce publiquement au terrorisme en décembre 1988. Isolé après avoir soutenu l’Irak durant la crise du Golfe (août 90-février 91), il fait un spectaculaire retour sur la scène internationale en acceptant que soient engagées en secret des négociations avec Israël en 1993.L’accord signé sur la pelouse de la Maison-Blanche le 13 septembre 1993 permet à Arafat de sauver une centrale aux abois et d’obtenir enfin une consécration internationale. Il devient président d’une Autorité nationale. Le paria se voit décerner le prix Nobel de la paix. Le réfugié retrouve sa terre. Les Palestiniens se contentent d’une liberté surveillée, de quelques îlots autonomes et d’un avant-goût d’Etat où la police prime sur la justice. L’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995 puis la victoire de la droite conduite par Benyamin Netanyahu affaiblissent Yasser Arafat et le camp de la paix. Après le déclenchement de la seconde Intifadha en septembre 2000 et l’accession d’Ariel Sharon au poste de Premier ministre israélien en février 2001, Arafat est de plus en plus en difficulté. Depuis décembre 2001, il est confiné à Ramallah où l’armée israélienne l’assiège à plusieurs reprises.Avec la nouvelle Intifadha, le cycle infernal des attentats suicide, le temps n’est plus à la paix. Israéliens et Palestiniens s’engagent dans une lutte sans merci et sans issue.

En 2002, George Bush déclare Arafat mort politiquement. Ariel Sharon menace de régler enfin ses comptes avec son vieil adversaire. Pour accélérer sa mise à l’écart, les Etats-Unis lui imposent un Premier ministre en la personne de Mahmoud Abbas. Yasser Arafat le pousse à la démission. Jusqu’au bout, il demeure le maître du jeu politique palestinien. Un jeu qu’il crée et dont il semble être le seul à connaître les règles.Aujourd’hui, Abou Ammar laissera derrière lui un embryon d’Etat, une petite place au soleil à son peuple, certes convoitée et pleine de décombres, mais suffisante pour y hisser un drapeau. C’est là son principal accomplissement. Les Palestiniens existent toujours.

Par Hasna Yacoub, latribune-online.com}