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A qui profite l’argent du pétrole en Algérie

dimanche 9 mai 2004, par Hassiba

Il est soutenu que l’envolée des prix constatée aujourd’hui sur les marchés pétroliers affecte l’économie mondiale et qu’elle n’est pas profitable à l’évolution de la croissance au plan international.L’est-elle cependant à celle de l’Algérie ?

Des spécialistes estiment que grossièrement la bonne tenue des cours du pétrole ne profite pas à la croissance des économies à forte dose pétrolière. Pas aux ménages, en tout cas. La preuve, des indicateurs économiques sont au rouge dans nombre de pays pétroliers. Qu’il s’agisse de pays structurés dans l’OPEP ou de pays évoluant hors OPEP, la manne pétrolière n’a pas été ainsi mise à profit pour une bonne reprise de la croissance et une économie solidement structurée à objectif à long terme. L’évolution de certaines économies est telle que le pétrole est regardé comme une malédiction.

L’or noir, synonyme de richesses, fait ainsi paradoxalement que les secteurs hors hydrocarbures ne démarrent pas dans beaucoup de pays pétroliers. Et, l’Algérie en fait partie. Dans l’imaginaire des dirigeants des pays à forte richesse minière, trouver des secteurs de substitution au pétrole équivaut à y consentir des investissements colossaux. Autant continuer à investir dans les hydrocarbures, un secteur que les pays pétroliers maîtrisent mieux. Si l’on prend le cas de l’Algérie, des efforts étalés sur plusieurs années déployés dans les exportations hors hydrocarbures n’ont débouché que sur de maigres résultats : environ un demi-milliard de dollars en exportation enregistré en 2003. Des efforts analogues dans le secteur pétrolier auraient permis de faire augmenter de dizaines de milliards de dollars les recettes pétrolières. Problématique l’est et demeurera la canalisation de l’argent du pétrole et en Algérie et dans beaucoup de pays pétroliers.

Exception faite à quelques Etats du Golfe, l’argent du pétrole n’a pas donné naissance à des secteurs structurants et à des secteurs de services à forte valeur ajoutée à même de compter dans le PIB et dans la contribution au budget de l’Etat. L’argent du pétrole est orienté dans les circuits des importations et dans des projets d’investissement à faible valeur ajoutée.

Que les prix du pétrole augmentent, cela ne changera rien au quotidien des ménages dans beaucoup de pays pétroliers. Et, ce ne sont pas les exemples qui manquent pour illustrer une telle situation. Dans son dernier rapport, la Banque mondiale a noirci le tableau quand elle a mis en lumière les poches de misère dans certains pays de la sphère Sud dont des pays qui regorgent de pétrole. En Algérie, des réserves de changes jamais égalées dans l’histoire de l’Algérie indépendante sommeillent. Des analyses parées d’arguments sont avancées pour justifier une telle mise en jachère de l’argent du pétrole. Il est ainsi fait remarquer que trente-six milliards de dollars en réserves de changes ne veulent pas dire que le pays est riche. L’Inde, par exemple, compte dans son escarcelle plus de cent milliards de dollars de réserves de changes. Et, pourtant, des projets de taille y sont en rade, faute de financement. Il est ajouté aussi que puiser exagérément dans les caisses de l’Etat, c’est gonfler infiniment les finances publiques. Ce qui va à l’encontre de ce qu’est mis en avant dans une économie qui se veut libérale, ouverte au privé.

Et puis, à quoi peuvent correspondre trente-six milliards de dollars en termes de production nationale ? Telle qu’elle évolue aujourd’hui, la production nationale reste faible. Aussi, une injection de l’argent frais dans l’appareil productif, sans contrepartie, est-elle de nature à produire un retour d’inflation. Le pays se surveille ainsi, sous les conseils sporadiques des institutions financières internationales. Dans un de ses documents consacrés à l’Algérie, la Banque mondiale a mis en relief quelque excès en matière de dépenses publiques. Les passages posés dans les documents de la Banque mondiale ont valeur de reproche à mot couvert. Il est vrai que la reprise de la croissance réalisée en 2003 est en partie le fruit des dépenses publiques mises dans le plan quinquennal de relance adopté en 2001. Mais à quoi sert alors un bon matelas en devises ? Il sert à rassurer les partenaires de l’Algérie. Cela veut dire que les défauts de paiement ne peuvent se produire avec un pays aux comptes performants, solvables, aux dires de beaucoup.

L’Algérie parait ainsi comme une bonne adresse pour ceux qui s’intéressent beaucoup plus au commerce extérieur qu’à autre chose. Et dans ce contexte, les ressources à mettre dans les projets d’investissements sont à chercher dans le privé, dans le partenariat étranger, sur les marchés financiers internationaux, et ce sans la garantie de l’Etat. Cette option est-elle possible ? La réalité en dit beaucoup sur une telle démarche : la seule société qui parvient à se faire financer auprès de banques étrangères pour de gros projets, sans la garantie de l’Etat, est celle-là même qui dégage les trente-six milliards de dollars, Sonatrach en l’occurrence.

Par Youcef Salami, La Tribune