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LETTRE DU MAGHREB. Les ressortissants algériens, marocains et tunisiens représentent 40 % des immigrés en France.
Par Benoît Delmas
Cette semaine, l'Hexagone a confirmé haut la main son titre de champion du monde de la polémique. En expliquant que les Français ont « un sentiment de submersion » au sujet de l'immigration, le Premier ministre François Bayrou a provoqué un début d'incendie et le rouge aux joues des socialistes. Les Insoumis, eux, sont satisfaits : ces propos prouvent, selon eux, la nature profondément « raciste » du pouvoir qu'ils dénoncent depuis Mathusalem. Les remous causés par l'interview du centriste – humaniste, chrétien, proeuropéen, pas précisément un disciple de Goebbels – accordée à LCI résument fort bien l'impensé persistant, l'incapacité à nommer les choses, les folies françaises qui offrent une drôle d'image des Gaulois à l'étranger.
Dès qu'on parle d'immigration, les esprits se tournent vers l'Afrique du Nord, les trois pays phares que sont l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, avec respectivement 45, 35 et 12 millions de ressortissants. C'est l'éléphant dans la pièce, le terme qu'il semble impensable de prononcer sans y ajouter son baril de fureur.
« Quatre titres de séjour sur dix concernent un Maghrébin »
Si l'on prend les chiffres du ministère de l'Intérieur ou de l'Insee (études complètes sur l'année 2023), les immigrés les plus nombreux sur le sol français proviennent invariablement d'Algérie, du Maroc et de la Tunisie : 12,2 % des immigrés sont nés en Algérie, 11,7 % au Maroc et 4,8 % en Tunisie. Au total, 47,7 % des immigrés vivant en France sont nés en Afrique.
Fin 2023, quatre millions de ressortissants de pays tiers étaient détenteurs d'un titre de séjour, quatre titres sur dix concernaient un Maghrébin (38,5 % pour être très précis) : 646 462 Algériens (en hausse de 3 %), 603 482 Marocains (+ 2,7 %) et 289 942 Tunisiens (+ 5,2 %). Pour mettre fin à l'accusation de « double standard » selon laquelle la France aiderait plus les Ukrainiens car « blancs et chrétiens », ils ne sont que 84 131 à bénéficier d'un titre valide et de documents provisoires de séjour.
Sur la délivrance de premiers titres de séjour, les trois pays du Maghreb arrivent en tête : Maroc, Algérie et Tunisie.
Les arrivées pour raisons économiques ont concerné, toujours en 2023, 10 801 Marocains (-13,9 %), 8 576 Tunisiens (+ 9,8 %) et 2 501 Algériens (+ 28,9 %). Si l'immigration familiale est désormais devancée par l'immigration étudiante, elle représente 30,1 % de l'immigration totale avec 91 078 titres, dont 35 962 pour le trio du Maghreb : 16 084 Algériens, 12 052 Marocains, 7 826 Tunisiens. L'immigration étudiante est toujours en hausse, totalisant 109 000 étudiants en 2023. Aux deux premières places, le Maroc (12 299) et l'Algérie (10 876, en hausse de 19,5 %), la Tunisie n'arrivant qu'en cinquième position (5 570, + 15,1 %).
En 2023, 241 544 Marocains, 209 708 Algériens et 87 850 Tunisiens ont demandé un visa, soit 539 102 sur un cumul 2,9 millions de demandes déposées (506 611 d'entre elles ont été refusées).
Dernier point, objet de débat, l'accord franco-algérien de 1968 qui régit entièrement les conditions d'entrées et de sorties des ressortissants algériens. Au titre de cet accord, on dénombre l'attribution de 31 439 certificats de résidence pour Algériens en 2023 (en hausse de 22,8 %).
Au total, la population immigrée totalise 7,3 millions d'individus en France, soit 10,7 % de la population française.
L'UE face à un Maghreb désuni
Pendant qu'on s'empaille à Paris et à Berlin, le sujet est ignoré dans les capitales d'Afrique du Nord. La « furia » politique qui a fait vibrer palais et plateaux infos se fait entendre jusqu'au sud de la Méditerranée. Face à une Europe confrontée à la montée de l'extrême droite, qu'elle soit sur le pas de la porte du pouvoir en France, à la veille d'une entrée fracassante au Bundestag en Allemagne, qu'elle soit déjà au pouvoir en coalition en Italie, en Autriche, en Hongrie, ou encore en Finlande, le Maghreb se présente désuni, incapable d'apporter des réponses, des solutions ou des mauvaises humeurs communes. Le Sud est collectivement aux abonnés absents. Et pour cause : l'Algérie et le Maroc n'ont plus de liens diplomatiques, la Tunisie et le Maroc sont en froid, ce qui a pour conséquence une région sans lieu de dialogue possible. Ce qui favorise le bilatéral, la négociation favorite des populistes qui honnissent le multilatéralisme.
Le virulent débat français – et européen – sur l'immigration s'épanouit dans cette absence de dialogue Nord-Sud. Pour le plus grand bonheur des autocrates et des radicaux.
Sources : AGDREF/DSED.
Par Benoît Delmas
Cette semaine, l'Hexagone a confirmé haut la main son titre de champion du monde de la polémique. En expliquant que les Français ont « un sentiment de submersion » au sujet de l'immigration, le Premier ministre François Bayrou a provoqué un début d'incendie et le rouge aux joues des socialistes. Les Insoumis, eux, sont satisfaits : ces propos prouvent, selon eux, la nature profondément « raciste » du pouvoir qu'ils dénoncent depuis Mathusalem. Les remous causés par l'interview du centriste – humaniste, chrétien, proeuropéen, pas précisément un disciple de Goebbels – accordée à LCI résument fort bien l'impensé persistant, l'incapacité à nommer les choses, les folies françaises qui offrent une drôle d'image des Gaulois à l'étranger.
Dès qu'on parle d'immigration, les esprits se tournent vers l'Afrique du Nord, les trois pays phares que sont l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, avec respectivement 45, 35 et 12 millions de ressortissants. C'est l'éléphant dans la pièce, le terme qu'il semble impensable de prononcer sans y ajouter son baril de fureur.
« Quatre titres de séjour sur dix concernent un Maghrébin »
Si l'on prend les chiffres du ministère de l'Intérieur ou de l'Insee (études complètes sur l'année 2023), les immigrés les plus nombreux sur le sol français proviennent invariablement d'Algérie, du Maroc et de la Tunisie : 12,2 % des immigrés sont nés en Algérie, 11,7 % au Maroc et 4,8 % en Tunisie. Au total, 47,7 % des immigrés vivant en France sont nés en Afrique.
Fin 2023, quatre millions de ressortissants de pays tiers étaient détenteurs d'un titre de séjour, quatre titres sur dix concernaient un Maghrébin (38,5 % pour être très précis) : 646 462 Algériens (en hausse de 3 %), 603 482 Marocains (+ 2,7 %) et 289 942 Tunisiens (+ 5,2 %). Pour mettre fin à l'accusation de « double standard » selon laquelle la France aiderait plus les Ukrainiens car « blancs et chrétiens », ils ne sont que 84 131 à bénéficier d'un titre valide et de documents provisoires de séjour.
Sur la délivrance de premiers titres de séjour, les trois pays du Maghreb arrivent en tête : Maroc, Algérie et Tunisie.
Les arrivées pour raisons économiques ont concerné, toujours en 2023, 10 801 Marocains (-13,9 %), 8 576 Tunisiens (+ 9,8 %) et 2 501 Algériens (+ 28,9 %). Si l'immigration familiale est désormais devancée par l'immigration étudiante, elle représente 30,1 % de l'immigration totale avec 91 078 titres, dont 35 962 pour le trio du Maghreb : 16 084 Algériens, 12 052 Marocains, 7 826 Tunisiens. L'immigration étudiante est toujours en hausse, totalisant 109 000 étudiants en 2023. Aux deux premières places, le Maroc (12 299) et l'Algérie (10 876, en hausse de 19,5 %), la Tunisie n'arrivant qu'en cinquième position (5 570, + 15,1 %).
En 2023, 241 544 Marocains, 209 708 Algériens et 87 850 Tunisiens ont demandé un visa, soit 539 102 sur un cumul 2,9 millions de demandes déposées (506 611 d'entre elles ont été refusées).
Dernier point, objet de débat, l'accord franco-algérien de 1968 qui régit entièrement les conditions d'entrées et de sorties des ressortissants algériens. Au titre de cet accord, on dénombre l'attribution de 31 439 certificats de résidence pour Algériens en 2023 (en hausse de 22,8 %).
Au total, la population immigrée totalise 7,3 millions d'individus en France, soit 10,7 % de la population française.
L'UE face à un Maghreb désuni
Pendant qu'on s'empaille à Paris et à Berlin, le sujet est ignoré dans les capitales d'Afrique du Nord. La « furia » politique qui a fait vibrer palais et plateaux infos se fait entendre jusqu'au sud de la Méditerranée. Face à une Europe confrontée à la montée de l'extrême droite, qu'elle soit sur le pas de la porte du pouvoir en France, à la veille d'une entrée fracassante au Bundestag en Allemagne, qu'elle soit déjà au pouvoir en coalition en Italie, en Autriche, en Hongrie, ou encore en Finlande, le Maghreb se présente désuni, incapable d'apporter des réponses, des solutions ou des mauvaises humeurs communes. Le Sud est collectivement aux abonnés absents. Et pour cause : l'Algérie et le Maroc n'ont plus de liens diplomatiques, la Tunisie et le Maroc sont en froid, ce qui a pour conséquence une région sans lieu de dialogue possible. Ce qui favorise le bilatéral, la négociation favorite des populistes qui honnissent le multilatéralisme.
Le virulent débat français – et européen – sur l'immigration s'épanouit dans cette absence de dialogue Nord-Sud. Pour le plus grand bonheur des autocrates et des radicaux.
Sources : AGDREF/DSED.
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