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Eugénie Bastié : «Comment les réseaux sociaux détruisent la santé mentale de nos enfants»

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  • Eugénie Bastié : «Comment les réseaux sociaux détruisent la santé mentale de nos enfants»


    CHRONIQUE - Dans un livre majeur, Génération anxieuse, le chercheur américain Jonathan Haidt montre les dégâts des smartphones sur la jeunesse née après 1995 : dépression, privation sociale, fragmentation de l’attention, addiction. Les preuves sont là, il est temps d’agir.

    C’est un livre absolument majeur, qui devrait être mis entre les mains de tous nos responsables politiques, mais aussi des patrons des réseaux sociaux (même s’ils savent déjà très bien ce qu’ils font) et des parents. Génération anxieuse, best-seller aux États-Unis et enfin traduit en français, vient de paraître aux Éditions des Arènes. Son auteur, Jonathan Haidt, a été un des premiers à documenter les ravages du wokisme à l’université : dans The Coddling of the American Mind (« le chouchoutage de l’âme américaine »), il décrivait comment une nouvelle génération était arrivée à l’université au mitan des années 2010, qui réclamait une « protection » contre des discours selon eux offensants. Ces jeunes « snowflakes » (aussi fragiles qu’un flocon de neige), surprotégés par leurs parents, ne supportaient plus la contradiction, et avaient troqué l’esprit de découverte qui sied à la jeunesse contre un esprit de défense et de repli.

    Dans Génération anxieuse, le chercheur remonte à la source du problème. Il s’est aperçu qu’entre 2010 et 2015, à la faveur de la diffusion du smartphone (l’iPhone est inventé en 2007), a eu lieu ce qu’il appelle un « grand recâblage » de l’enfance. La génération née après 1995 (qu’on appelle génération Z) est la première à avoir grandi intégralement connectée aux réseaux sociaux (près de 40 h par semaine pour un ado entre 13 et 18 ans) . Et ce alors qu’aucune étude d’impact n’a jamais été menée par les grandes entreprises technologiques sur les conséquences d’une enfance connectée. « Les jeunes de la génération Z sont les premiers de l’histoire à traverser la puberté avec un portail en poche qui les éloigne de leur entourage et les attire dans un univers alternatif excitant, addictif et instable. » Ce sont les cobayes d’une éducation totalement inédite aux conséquences dévastatrices.

    Les résultats sont là, incontestables. « Un déferlement de souffrance. » À partir de 2010, quelque chose a changé dans la santé mentale des jeunes. Les troubles anxieux et dépressifs ont explosé : + 145 % de cas de dépression majeure chez les adolescentes américaines depuis 2010 ; + 161 % pour les jeunes hommes (qui partaient de plus bas) ; + 140 % chez les jeunes adultes de 18-35 ans depuis 2010. Le taux de suicide des adolescents a commencé à augmenter en 2008 : + 167 % pour les filles. Vous en voulez encore ? + 188 % de visite aux urgences pour cas d’automutilation pour les jeunes filles depuis 2010.



    Pourquoi l’impact des réseaux sociaux est-il plus grave sur les adolescents que sur les adultes ? Parce que le cortex frontal, essentiel pour la maîtrise de soi, la gratification différée et la résistance à la tentation arrive à maturité à la vingtaine : les jeunes peuvent moins réfréner leur addiction. De plus, à la puberté, le cerveau est particulièrement plastique, et la sensibilité des jeunes à la comparaison sociale s’accroît. D’ailleurs les Facebook Leaks ont documenté que l’entreprise de Mark Zuckerberg a intentionnellement cherché à rendre les adolescents accros par le biais de techniques comportementales.

    Les quatre dégâts fondamentaux causés par le smartphone sont : la privation sociale (les jeunes voient moins physiquement leurs amis), le manque de sommeil (en moyenne les adolescents dorment 7 h, ce qui n’est pas assez pour la construction de leur cerveau), la fragmentation de l’attention et l’addiction.



    Les réseaux sociaux ont été « la cause majeure d’une épidémie internationale de maladie mentale chez les adolescents ». Celle-ci a des conséquences différentes chez les garçons et chez les filles (preuve au passage que, contrairement à ce que pensent les idéologues du genre, il existe bien des différences entre les sexes). Les réseaux sociaux nuisent davantage aux filles : elles y sont davantage accros, notamment à Instagram, où elles se comparent en permanence à leurs congénères, ce qui entraîne des troubles dépressifs, alimentaires, et parfois du mimétisme dans la dysphorie de genre. Les garçons, eux, auront tendance à devenir addicts aux jeux vidéo et à la pornographie, ce qui peut entraîner décrochage scolaire et retrait du réel. Le monde virtuel blesse les filles et consume les garçons.

    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2

    Jonathan Haidt souligne le paradoxe de notre temps : nous surprotégeons les enfants dans le monde réel alors que nous les sous-protégeons dans le monde virtuel. Nous refusons de les laisser sortir seuls de peur qu’ils croisent un pédophile avec un sac de bonbons, alors qu’internet et les réseaux sont aujourd’hui le lieu numéro un de la prédation sexuelle. Nous les laissons vaquer des heures dans l’océan illimité du web, mais craignons de les laisser jouer à l’air libre. C’est encore pire aux États-Unis, société hyper-judiciarisée, qu’en Europe : les tourniquets ont été supprimés de la plupart des aires de jeu, car jugés trop dangereux.



    Conclusion du chercheur : les parents doivent laisser de l’air à leurs enfants et les pousser le plus possible à pratiquer le jeu libre, essentiel dans la construction de soi. Haidt insiste aussi sur la nécessité de recréer des rituels. Dans toutes les sociétés, on a créé des rites initiatiques de passage de l’adolescence vers le monde adulte, nous sommes les premières sociétés à les avoir abolis. Nous laissons à la place nos enfants se perdre dans l’enfer numérique. La vie numérique entraîne une dégradation spirituelle, aussi bien chez les adultes que chez les adolescents. Il nous faut réapprendre l’incarnation, l’immobilité, et cette belle faculté que Simone Weil disait être la plus belle : l’attention. Réapprendre à être lent à la colère et prompt à pardonner, tout l’inverse que ce nous enseigne l’immédiateté des réseaux.

    La réponse est aussi politique. On débat beaucoup ces jours-ci sur la nécessité de limiter et de contrôler la liberté d’expression sur les réseaux sociaux. Plutôt que de faire la police des tweets des adultes, les responsables politiques devraient limiter drastiquement l’accès aux réseaux sociaux des plus jeunes pour corriger un scandale sanitaire qui a déjà trop duré. Jonathan Haidt est très clair sur les solutions à mettre en œuvre. Elles doivent être collectives, car les parents ne peuvent se battre seuls pour assumer des privations à leurs enfants face à la pression sociale du monde extérieur. Il faut fixer la majorité numérique à 16 ans et obliger les plateformes à mettre des vraies mesures de vérification d’âge. Il faut soutenir des écoles vraiment sans smartphones, c’est-à-dire avec dépôt dans un casier à l’entrée jusqu’à la fin des cours. Les résultats sont là, il ne faut plus tergiverser ni faire des « expérimentations ». Une génération a été sacrifiée, agissons vite pour sauver les suivantes.



    Génération anxieuse, Jonathan Haidt, Les Arènes, 428p, 24.90e les arènes
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

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