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Régularisation des sans-papiers : Retailleau durcit des conditions déjà très strictes

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  • Régularisation des sans-papiers : Retailleau durcit des conditions déjà très strictes


    Le ministre de l’intérieur a envoyé jeudi aux préfets de nouvelles orientations en matière de régularisation des sans-papiers, au prétexte qu’il ne s’agirait pas d’une « voie normale d’immigration ». Or, celles-ci se faisaient déjà au compte-goutte.

    Nejma Brahim


    C’est un nouveau message de « fermeté » envoyé par le gouvernement en matière d’immigration. Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a demandé aux préfets, dans une circulaire signée et envoyée le 23 janvier, de durcir les conditions de régularisation pour les personnes sans papiers vivant en France, possible par la voie de l’admission exceptionnelle au séjour (AES).

    « La voie de l’admission exceptionnelle au séjour n’est pas la voie normale d’immigration et d’accès au séjour. Visant des étrangers en situation irrégulière, elle doit demeurer une voie exceptionnelle, car dérogatoire aux logiques classiques d’admission au séjour, afin de répondre, conformément à son objet, à des situations présentant des enjeux humanitaires ou exceptionnels », peut-on lire dans la circulaire, que Mediapart a pu consulter.

    Le ministre demande ainsi aux préfets de limiter l’application de l’AES et de « privilégier strictement, sauf circonstances exceptionnelles, la voie du droit commun et les critères prévus par la loi pour répondre à ces situations ». Et évoque un « souci d’efficacité de l’action de l’État » pour justifier le fait de devoir recourir aux dispositions de la loi Darmanin, promulguée début 2024, qui permet la régularisation de certain·es salarié·es sans papiers évoluant dans des métiers en tension.

    Agrandir l’image : Illustration 1Des sans-papiers manifestent pour leurs droits à Paris, le 29 décembre 2023. © Photo Nejma Brahim / Mediapart

    Depuis 2012, la possibilité d’être régularisé relevait surtout de la circulaire Valls et de l’AES, qui permettait aux personnes en situation dite irrégulière, sur différents critères tels que le travail, les liens familiaux ou les motifs humanitaires, de voir leur dossier examiné en préfecture. Cette dernière n’était pas contrainte de répondre aux demandes et pouvait laisser esquisser un « refus implicite » si elle ne donnait pas suite au-delà de quatre mois après le dépôt du dossier.

    Adieu la circulaire Valls


    Mais cela restait à la stricte appréciation du préfet, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire et peut donc appliquer la circulaire Valls comme il l’entend – une situation qui créait jusqu’ici des disparités et des inégalités à travers les départements français, mais offrait tout de même la possibilité à certain·es sans-papiers d’obtenir un droit au séjour et de mener enfin une vie « normale ».

    Depuis 2019, entre 7 000 et 11 000 personnes ont été régularisées au titre du travail chaque année, une goutte d’eau dans les chiffres de l’immigration communiqués par le ministère de l’intérieur tous les ans. En cumulant les motifs économique, familial et étudiant, près de 134 000 personnes ont obtenu un titre de séjour par ce dispositif de 2019 à 2023 (contre plus de 4 millions de titres et récépissés valides à la fin 2023).

    Bruno Retailleau invente ainsi un nouveau concept : rendre l’exceptionnel « exceptionnel », comme s’il y avait eu une quelconque campagne de régularisation massive ces dernières années, et comme si les préfets n’avaient pas déjà un pouvoir discrétionnaire tendant à compliquer la procédure en temps normal.

    « La circulaire du ministre de l’intérieur Bruno Retailleau du 23 janvier 2024 abroge la circulaire dite Valls du 28 novembre 2012 », a déploré l’association la Cimade dans un communiqué le 24 janvier. La circulaire Retailleause situe selon elle « dans la continuité d’une politique dangereuse qui consiste à stigmatiser, suspecter et précariser les personnes étrangères ». « Frein aux migrations, surveillance, contrôle, fermeté sont les maîtres mots d’un ministre qui félicite le même jour un collectif xénophobe d’extrême droite [Némésis – ndlr], avant de se dédire. »

    La régularisation, chaque année, « c’est vraiment pas grand-chose », réagit Laurent Charles, avocat spécialisé en droit des étrangers, qui pointe une « usine à gaz » et un « déni de réalité » des autorités… Et les chiffres de l’immigration ne prennent pas en considération les personnes ayant perdu leur droit au séjour à cause de la dématérialisation des démarches ou des dysfonctionnements en préfecture, pointe-t-il.

    « C’est la fin de la circulaire Valls. Les agents de la préfecture vont prendre en compte les critères de cette nouvelle circulaire », dont une présence de sept ans sur le territoire français et la nécessité de ne pas avoir fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) pour pouvoir déposer une demande. « En pratique, ça veut dire qu’on doit avoir des dossiers avec des personnes qui n’ont jamais eu d’OQTF sur sept ans, ce qui est presque impossible. »

    Dorénavant, les préfectures devront aussi tenir compte du « degré d’intégration » des sans-papiers qui déposeront une demande AES, en veillant à ce que ces derniers respectent les « principes de la République », maîtrisent la langue française et ne représentent pas une menace à l’ordre public (une notion parfois fourre-tout, qui touche aussi des étrangers lambda). L’objectif est simple : écarter un maximum de dossiers, et plonger encore un peu plus les concerné·es dans la précarité administrative et financière.

    Surfer sur la vague anti-immigration


    « Bruno Retailleau le sait, il faudrait un budget exceptionnel pour pouvoir éloigner tout le monde… Là où il peut jouer, c’est sur les demandes AES et leur enregistrement en préfecture. C’est une façon de restreindre de manière très importante le nombre de demandes, et donc de titres délivrés par ce biais », explique l’avocat Laurent Charles, qui s’interroge sur le devenir des dossiers en cours, déposés avant l’arrivée de cette nouvelle circulaire.

    « Nous, avocats, allons devoir nous adapter à tout cela, conclut-il. Il nous faudra essayer de toucher la préfecture d’une manière ou d’une autre, et aller au contentieux si besoin : les juges ne sont pas tenus par les circulaires mais par leurs critères jurisprudentiels. »

    On exploite les gens, ils sont maltraités alors que ce sont des réfugiés économiques.

    Martine, militante des droits des sans-papiers.
    Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale et la nomination du gouvernement Barnier, puis Bayrou – dans lesquels Bruno Retailleau occupe le ministère de l’intérieur –, de nombreux observateurs faisaient état d’un blocage des dossiers AES en préfecture, laissés en suspens. Militante des droits des sans-papiers à Paris, Martine évoque un dossier AES déposé au titre du travail en décembre 2022, pour lequel elle n’a toujours aucune nouvelle.

    « Il y a une volonté politique de les laisser comme ça. Je suis en colère car j’ai le sentiment que la France est à côté de la plaque. On exploite les gens, ils sont maltraités alors que ce sont des réfugiés économiques. Il faut que tous les militants et collectifs sans papiers réagissent, il faut un sursaut citoyen », lance-t-elle, dénonçant le racisme derrière cette circulaire.

    Entre les lignes, le ministre de l’intérieur cède effectivement à la théorie d’extrême droite – raciste et infondée – de l’appel d’air, qui laisse entendre que des politiques migratoires trop accueillantes, ou des régularisations trop importantes, pourraient inviter d’autres personnes immigrées à s’installer en France.

    Depuis des années, les collectifs de sans-papiers et associations d’aide aux étrangers revendiquent un droit opposable à la régularisation, en inscrivant cette possibilité dans la loi. Durant l’examen de la loi Darmanin, la droite et l’extrême droite ont torpillé l’idée, et ont fait en sorte de souligner le caractère non opposable de la seule mesure visant à régulariser les travailleurs des métiers dits en tension.

    « Chaque ministre de l’intérieur sort une circulaire ou une loi sur l’immigration. Ils basent leur action politique sur les étrangers pour pouvoir évoluer », déplore Yoro, porte-parole de la Coordination des sans-papiers de Paris. « Les gars qui vivent en France depuis trois ans et qui ont réussi à avoir trois ans de fiches de paie ne pourront plus déposer leur demande AES, il faut imaginer le coup dur que ça représente. Mais on ne baisse pas les bras, on va se battre », promet Yoro.

    À l’heure où les portes semblent se refermer un peu partout dans le monde, la Marche des solidarités a de son côté annoncé un week-end de mobilisation les 25 et 26 janvier, évoquant notamment les projets d’expulsions massives de Donald Trump. Une manifestation inter-collectifs est déjà prévue pour le 31 janvier, en direction du ministère du travail.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2
    A ceux étrangers qui applaudissent le bras de fer entre Retailleau et l'Algérie ce sont les émigrés de tous les pays hors Europe qui sont gravement touchés.

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