Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Tequila à 800 dollars et «fresh money»: à 150 km des bombardements, Faqra, l’entre-soi de la jet set libanaise

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Tequila à 800 dollars et «fresh money»: à 150 km des bombardements, Faqra, l’entre-soi de la jet set libanaise

    Et aami Teboune leur offre des milliers de tonne de fuel!!!


    Par Georges Malbrunot

    ES RICHES EXTRAVAGANTS VENUS D'AILLEURS (6/6) -Dans cette villégiature montagneuse à 50 km de Beyrouth, des privilégiés aux fortunes d’origines diverses oublient les tracas d’un État ruiné où tout se paie cash.

    « Welcome to Faqra Club, village fleuri », annonce la pancarte bleu encre à l’entrée de cette station de vacances pour ultrariches dans un Liban en déconfiture. À 1840 mètres d’altitude, vue sur la mer et air pur garanti, à une heure de voiture de l’humidité estivale de Beyrouth, dans la montagne du Kesrouan. « Une microsociété y vit dans l’opulence, imperméable à la réalité environnante, alors que la guerre rôde et que certains villages bombardés par Israël à 150 km de là commencent à ressembler à Gaza », résume cyniquement l’universitaire Karim Émile Bitar.

    Le jour de notre visite, en juin, la plupart des 200 villas étaient vides. Les rares personnes rencontrées étaient des membres du Porsche Club de Beyrouth en goguette qui nous confiaient avoir « besoin de respirer » dans un pays où une cohorte de réfugiés en quête de pitance vident les poubelles. Quelque 44 % des Libanais ont plongé dans la pauvreté, selon la Banque mondiale.

    La transhumance estivale vers Faqra n’avait pas vraiment commencé. « La bimbo du nouveau riche engraissé par la contrebande et la cash économie d’un Liban en banqueroute n’est pas encore arrivée dans sa Ferrari rutilante », souriait Karim Émile Bitar. « Le summum du lifestyle, c’est les 13, 14 et 15 août », prévient le propriétaire d’un « petit chalet », qui nous fait une visite guidée de ce temple du show off, mais réclame l’anonymat.

    Vieilles pierres et miradors

    Pour la traditionnelle procession de la Sainte Vierge, le jour de l’Assomption, « tous, dit-il, montrent leur plus belle voiture, leur plus belle montre… et leur femme ». Feux d’artifice, musique à tue-tête et moutons à la broche dans les soirées autour de la piscine ! Et puis, il y a Raymond, le propriétaire du Faqra Club, qui arrive au volant de sa Bentley. « Raymond se gare, raconte un témoin, on lui ouvre la porte, il se met au premier rang à la messe dans l’église. »

    Avec son frère Teddy, Raymond Rahme a racheté en 2019 le village de vacances pour l’équivalent de 32 millions d’euros. Pour ces fils d’un serrurier du Liban-Nord, c’était leur ticket d’entrée dans la jet-set libanaise.

    Entre le Sushi Bar, le restaurant branché Le Paname et les chantiers sur lesquels travaillent des ouvriers syriens, les villas cossues défilent dans une harmonie architecturale discutable : celles raffinées en vieilles pierres de Camille Chamoun, l’ancien président du Liban, qui fonda Faqra dans les années 1950 aux côtés du banquier Raymond Audé, et dont la famille vient de vendre son joyau ; celles beaucoup moins stylées avec leurs miradors du général-président Émile Lahoud, de Fares Boueiz, un ancien ministre des Affaires étrangères, d’un riche Saoudien actionnaire d’une banque libanaise ou de l’homme d’affaires sunnite engagé en politique Fouad Marzoumi.

    Ici, personne ne vient vous inquiéter
    Guide anonyme
    Trône enfin au sommet du piton rocheux le nid d’aigle de feu Rafic Hariri, l’ancien premier ministre tué dans l’explosion de sa voiture en 2005 à Beyrouth, qui était venu s’y reposer après avoir été agressé en Syrie, quelques mois avant sa mort. Une croix géante a été hissée au-dessus. « Juste pour rappeler qu’ici on est en région chrétienne », sourit un voisin. En contrebas de ce que l’on imagine être un héliport s’étendent trois pistes de ski privées, pour ne pas se mélanger avec la station voisine de Faraya.

    À Faqra, le confinement n'existait pas

    Derrière les murs, on devine de somptueuses piscines. La Piscina Pool Club, elle, est accessible. « C’est la piscine-champagne », sourit notre guide, en montrant le bar flottant qui permet de savourer une tequila les pieds dans l’eau, face aux doubles matelas loués 500 dollars la journée. « 800 dollars la bouteille de Tequila Azul et, au coucher de soleil sur la mer, les gens se l’arrachent », se félicite un gérant.

    Pendant la période Covid, les « happy few » ont migré à Faqra, où le confinement n’existait pas. « Ici, personne ne vient vous inquiéter », assure le guide. Encore plus qu’ailleurs au Liban, l’autorité d’un État failli est une vue de l’esprit.

    « Faqra était plein à craquer en 2020 », se souvient notre accompagnateur. Il fallait fuir la terrible explosion au port de Beyrouth, qui fit plus de 200 morts. Les yeux encore pleins d’étoiles, un visiteur raconte le défilé de mode virtuel auquel il assista dans la maison du créateur de mode franco-libanais Elie Saab : « Dans son jardin d’érables où l’on entendait le murmure des oiseaux, on a vu surgir de vrais-faux mannequins d’immenses placards-miroirs. C’était surréaliste, mais très beau, à 50 km de la balafre de Beyrouth. »

    Faqra est un microcosme. « Tout le monde se connaît, tout se sait, y compris lorsque la fortune d’un tel est le fruit du blanchiment d’argent », assure le guide. Portable en main, il nous conduit sur les traces de l’un des rois de la frime libanaise, qui se met copieusement en scène sur son compte Instagram : « MMchendab ».

    M, comme Mike, se fait filmer, par exemple, sortant de l’Hôtel de Paris, à Monaco, deux téléphones portables en main, montre Richard Mille au poignet (environ 400.000 euros), avant de monter dans sa Lamborghini rouge vif à plaque monégasque (un demi-million).

    Propriétaire lui aussi d’un chalet à Faqra, Mike, qui aurait fait fortune dans les télécoms en Australie dans les années 2000, est référencé sur les comptes « Billionnaires classies » ou « Luxury life magazine ». Il adore les Lamborghini : il en a sept, en plus de deux Ferrari.

    « Regardez la Revuelto jaune dans mon showroom, Mike l’a réservée », confie Michel Trad, l’heureux concessionnaire Lamborghini de Beyrouth. Comme chaque année, Mike se rendra cet été sur la Côte d'Azur avec une de ses voitures. « Ce n’est pas très cher, pas plus de 4000 à 5000 euros le convoyage », selon un autre propriétaire d’un chalet de Faqra. Une broutille pour Mike Chendab, qui rappelle sur WhatsApp l’envoyé spécial du Figaro.

    « Devinez d’où je vous appelle ? », lance-t-il en anglais. « Je suis à Monaco à un défilé de voitures de luxe », dit-il, avant de demander à poursuivre la conversation à son retour à Beyrouth.

    Une cravate de la couleur de sa Lamborghini

    Mike Chendab ? « Mais non, ce n’est pas Mike, c’est Mohammad Chendab », rectifie quelques minutes après un ancien proche de l’actuel premier ministre Najib Mikati, croisé dans un hôtel de Beyrouth. « La famille Chendab, sunnite, est originaire de Denieh, dans le Nord », précise ce proche, lui-même originaire du Liban-Nord. Denieh s’était fait connaître en 1999 par des manifestations de violence de la part de militants proches des Frères musulmans.
    Les frères Rahme, eux, m'ont acheté plusieurs Bentley mais je ne vais pas voir d'où vient leur argent
    Michel Trad concessionnaire Lamborghini à Beyrouth
    « Attendez, j’ai trouvé quelque chose en cherchant sur Google en arabe, poursuit notre informateur. En fait, MMchendab, son compte sur Instagram, c’est Mujahed Mohammad
    Chendab.
    » Traduction : le combattant Mohammad Chendab. Plus adapté en effet au rigorisme du Liban-Nord !

    Avec d’autres nouveaux riches, on l’aperçoit le jeudi soir parader devant les derniers restaurants à la mode près de Zeytounah Bay, à Beyrouth, où mouille une poignée de yachts, tandis que des réfugiés syriens font la manche.

    Très tendance également, faire tourner leurs engins durant les nuits de ramadan, ou prendre la pose accoudés aux terrasses pour que leurs montres à un demi-million d’euros ne passent pas inaperçues. Mais de l’avis d’experts, le nec plus ultra reste le port d’une cravate de la même couleur - jaune ou rouge, par exemple - que sa Porsche, sa Jaguar ou sa Lamborghini !

    Qu’il s’agisse des villas de Faqra ou des voitures de luxe, tout s’acquiert en « fresh money », comme on dit au Liban, c’est-à-dire en cash. Michel Trad, qui a vendu quatorze Lamborghini l’an dernier, confesse avoir « plusieurs machines pour compter les billets et détecter les faux ». « Les frères Rahme, eux, m’ont acheté plusieurs Bentley, ajoute-t-il, mais je ne vais pas voir d’où vient leur argent. »

    Une richesse ostentatoire

    La famille sent le soufre. Leur fortune s’est faite dans l’Irak post-Saddam Hussein, à partir de 2003, dans des conditions troubles. À tel point qu’elle s’est retrouvée inscrite sur la liste noire du Trésor aux États-Unis. Depuis, les frères Rahme se font discrets, même si on peut apercevoir Raymond et sa Bentley devant le magasin Hermès, près des souks de Beyrouth.

    Pour se protéger, ils ont des appuis politiques : Raymond est proche de Sleiman Frangieh, candidat à la présidence de la République, Teddy et son épouse sont des soutiens du couple Samir et Setrida Geagea, à la tête des Forces libanaises.

    Avec Mike et d’autres nouveaux riches - des Libanais d’Afrique aux intermédiaires financiers qui ont remplacé les banques en passant par les profiteurs du trading pétrolier et du trafic de générateurs -, ils ont supplanté les vieilles familles à l’opulence moins ostentatoire. L’esbroufe levantine n’est plus ce qu’elle était. « L’ambiance a changé, maintenant c’est du pur show off, un business orienté luxe pour parvenus », regrette un nostalgique du Liban d’antan.
    Dernière modification par HADJRESS, 31 août 2024, 19h55.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
Chargement...
X