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La régression féconde à la française

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  • La régression féconde à la française

    Le coup de poker de Macron vu à travers l’expérience algérienne des années noires et l’ascension des islamistes.

    «Meloniser », mais sans Giorgia Meloni. C’est l’une des clés que l’on propose pour expliquer le grand retournement de Macron : il dissout l’Assemblée pour provoquer (presque) une accession du RN au pouvoir. Pourquoi ? Pour les forcer à pratiquer une euthanasie en direct. D’usage, l’on sait que les extrémistes sont très bons dans l’opposition, très mauvais une fois aux manettes – leur vertu est celle du parasite. Le seul moyen de les démonter et de démanteler leur illusion, c’est de leur donner le volant mais façon auto-école, avec une pédale de frein côté passager.

    Cependant, le RN au pouvoir, c’est un peu la « théorie algérienne », plus ou moins expérimentée depuis des décennies par les régimes arabes face à l’islamisme. Ces derniers permettent aux islamistes un accès suicidaire aux commandes, puis, progressivement, leur enjoignent de reconnaître le « réel », les font sortir du « forfait » facile de l’opposition.

    Un effet de Gaulle

    En France, le jeu aurait un triple avantage : dissoudre le RN dans la vérité, l’utiliser pour réveiller l’électorat de contrepoids et promulguer des lois « dures » que la gauche ne voudra jamais et que l’opinion n’accepte pas encore publiquement.

    En Algérie, on se souvient de la victoire du Front islamique du salut et de la recette du président algérien de l’époque, Chadli Bendjedid, qui a veillé sur cette accession pour « absorber » les islamistes et faire équilibre au parti unique du FLN. On est au début des années 1990. Mais le 11 janvier 1992, à la télévision d’État, Chadli lit d’une voix tremblante sa démission, rédigée pour lui par les généraux de l’armée. Il dissout le Parlement et plonge le pays dans le chaos. La conséquence, ce fut une guerre civile atroce, mais également la rêverie facile sur une uchronie : si on les avait autorisés à gouverner, les islamistes se seraient-ils assagis ? Sont-ils solvables dans la démocratie ?

    Comment s’appelle cette théorie ? C’est celle de la « régression féconde ». Laisser les islamistes passer, les voir se fracasser sur le mur de la réalité, et revenir dans l’habit d’un « président sauveur » – un peu du de Gaulle mais sans effet de scène, un peu de messianisme, avec un gros risque cependant. La solution, formulée ainsi par un sociologue algérien aujourd’hui tombé dans l’oubli, aurait été pratiquée dans le monde dit « arabe ». En Jordanie, avec les Frères musulmans ; au Maroc, où Mohammed VI s’est révélé plus rusé que ne le laissait deviner son image publique : le PJD marocain, islamiste, perdit tout en 2021 après avoir tout promis. Cet exemple illustre la vertu de cette ruse dangereuse.

    La régression féconde, c’est laisser venir, laisser se faire élire, laisser gouverner les radicaux. Puis les voir s’émietter, se rendre à l’évidence, se « meloniser ».

    Voter RN avec un masque de « gauche »

    Machiavélique ? C’est le nouveau titre que l’on prête ces jours-ci à Macron. Avec celui d’aventurier, d’idiot utile à l’extrême droite, de dangereux ou d’ambitieux fanatique. On gardera l’adjectif « machiavélique ». C’est peut-être une errance, peut-être un traitement de choc pour l’électorat français, qui serait appelé à assumer son vote secrètement RN avec un masque de gauche pour la bonne conscience publique. La régression féconde fonctionne-t-elle toujours ? Non. En Algérie, elle fut un échec sanguinaire ; au Maroc, une réussite ; en Jordanie, une expérience toujours en cours ; en Égypte, un crash, etc.

    L’électorat français se trompe probablement lui-même, lui qui est préoccupé par l’immigration, la mollesse de la République et l’islamisme concomitant, mais qui exige une prise en charge sociale absolue, tout en récusant son pouvoir d’attraction sur les migrants, et se positionne à gauche par refus de la culpabilité coloniale et à droite face à la délinquance. Macron, lui, veut la vérité. Mais ne hâtons pas les analyses élogieuses. La régression féconde est une piste sérieuse, hasardeuse, dure. Elle consiste à laisser gouverner le « Mal » pour le voir mal gouverner. Un coup de poker.

    On verra.

    KAMEL DAOUD
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2
    Je trouve qu'on s'alarme trop avec la possibilité du RN au pouvoir.
    L'Italie n'a pas été l'enfer qu'on attendait avec Méloni.
    Le pouvoir assagit.
    ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément

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    • #3
      Kamel Daoud fait l’éloge de la "régression féconde" de Houari Addi....Je n'en reviens pas!

      La solution, formulée ainsi par un sociologue algérien aujourd’hui tombé dans l’oubli,
      Il n'ose même pas le nommer , quelle malhonnêteté !
      Dernière modification par sako, 13 juin 2024, 16h59.

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      • #4
        Je ne pense pas qu'il en fait l'éloge mais s'en moque.
        Kamel Daoud s'y connait en regression féconde, il l'a pratiqué personnellement.
        ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément

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        • #5
          La régression féconde est une piste sérieuse, hasardeuse, dure. Elle consiste à laisser gouverner le « Mal » pour le voir mal gouverner. Un coup de poker.

          On verra.

          Il n'est pas contre ,

          Implicitement il est favorable au... "coup poker"
          Dernière modification par sako, 13 juin 2024, 17h05.

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