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La grande précarité des médecins étrangers en France .

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  • La grande précarité des médecins étrangers en France .


    Sous-payés, contraints de passer par des évaluations qui les sanctionnent, parfois obligés de quitter le territoire, les praticiens d’origine étrangère ont protesté jeudi 18 janvier devant le ministère de la santé. Mediapart détaille leurs situations inextricables.

    Caroline Coq-Chodorge et Manuel Magrez

    Depuis cinq ans, Halim porte une blouse semblable à celle de ses collègues, arpente les mêmes couloirs et soigne les mêmes patient·es. Ce praticien à diplôme hors Union européenne (Padhue) est spécialisé en diabétologie dans un hôpital de banlieue parisienne. Et il est aujourd’hui en sursis – son contrat a pris fin le 17 janvier – et n’a pas de nouvelles de la préfecture concernant son titre de séjour.

    Il se retrouve dans cette situation après avoir été recalé aux épreuves de vérification des connaissances (EVC). L’examen est devenu obligatoire pour les Padhue, qui exercent déjà dans les hôpitaux français mais ne sont pas encore considéré·es par la France comme des soignants de plein exercice.

    Dans son établissement, Halim est pourtant devenu indispensable : « J’ai été seniorisé dès mon arrivée dans ce service il y a deux ans après mon passage par l’Est. J’ai été tout de suite mis sur le tableau des astreintes assurées par des médecins encadrants », explique celui qui a obtenu son diplôme en Algérie. Lui qui a « même [ses] propres patients en consultation » assure que son établissement veut continuer de travailler avec lui et ne digère pas le sort qui lui est réservé.

    Agrandir l’image : Illustration 1Un rassemblement de médecins devant le ministère de la santé, en janvier 2019. © Photo Aurelien Morissard / IP3 PRESS via MAXPPP

    Certes, le président de la République a évoqué le sort de ces médecins étrangers et reconnu leur « précarité administrative complètement inefficace », lors de sa conférence de presse du 16 janvier (à 26 min 40 s). Et pour le médecin de nationalité algérienne, par ailleurs vice-président de l’association Ipadecc (Intégration des praticiens à diplôme étranger engagés contre la crise), le fait qu’un président évoque leur cas est « historique ». Cependant, Halim ne voit pas l’ombre d’une amélioration à venir.

    Son association a donc appelé à manifester devant le ministère de la santé jeudi 18 janvier, aux côtés de la CGT, de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), du Syndicat national des médecins hospitaliers (SNMH) et du Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne (SNPADHUE).

    Comme lui, ils seraient, selon la CGT, 2 000 Padhue à avoir été poussés vers la sortie en fin d’année 2023, après les résultats des épreuves de vérification des connaissances.

    Le cas de la docteure Yasmine Zitouni est un autre exemple de la précarité absolue de ces Padhue. Originaire d’Alger, cette chirurgienne orale qui exerçait à Carhaix (Finistère) souhaite que son « aventure continue en France ». Son titre de séjour expirant le 18 janvier, elle a quitté la France pour éviter une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

    En août 2021, elle avait été recrutée, sur CV, par la professeure de chirurgie orale Sylvie Boisramé au CHU de Brest. Elle s’est « très rapidement intégrée à l’équipe », assure la professeure Bosiramé. En parallèle, la docteure Zitouni a approfondi ses compétences en passant un diplôme universitaire. Et grâce à elle, le CHU de Brest a pu ouvrir, sur son site périphérique de Carhaix, un service d’odontologie et de chirurgie orale. La docteure Zitouni y a formé, avec une chirurgienne-dentiste, « un binôme de praticiennes qui fonctionne très bien ». Le lieu attire « des étudiants en odontologie de dernière année », assure sa cheffe de service.

    Ce parcours parfait d’intégration, dans un service hospitalo-universitaire et dans un territoire déserté par les médecins, a été fauché net. Comme celui de tou·tes les Padhue, l’avenir de la docteure Yasmine Zitouni était suspendu aux épreuves de vérification des connaissances.

    Un salaire de 1 500 euros net


    « J’ai bossé deux ans, non-stop, au statut de stagiaire associée, pour 1 500 euros net par mois. Du jour au lendemain, la préfecture m’a prévenue que je devais rentrer chez moi. Tout le monde est en colère », regrette la docteure Zitouni. La professeure Boisramé multiplie les courriers aux « maires, députés », avec un argument qui devrait faire mouche : « Sans la docteure Zitouni, le service est menacé, alors que la demande est très forte. On a besoin d’elle. »

    Pour souligner l’absurdité de la situation, Sylvie Boisramé rappelle le manque dramatique de chirurgiens-dentistes en France : « On en a un pour 1 600 habitants en France, alors qu’un dentiste ne peut suivre que 1 200 patients, au maximum. Beaucoup de Français restent sur le carreau. »

    La docteure Zitouni pratique des chirurgies des maxillaires, des dents et des mâchoires. Elle espère encore revenir travailler en France, avec un contrat de 13 mois, renouvelable une fois. Mais sa présence en France restera suspendue à sa réussite aux épreuves de vérification des compétences.

    « Ces EVC, il ne faut pas se mentir, ce n’est pas une évaluation des compétences, c’est un concours », affirme Éric Alban-Giroux, directeur de l’hôpital de Château-Gontier-sur-Mayenne (Mayenne). Et là serait le nœud du problème. Car pour les professionnel·les, ce n’est pas qu’une question de connaissances.

    Par exemple, pour les EVC 2023, toutes spécialités confondues, 2 700postes avaient été ouverts en amont de l’épreuve, pour plus de vingt millecandidat·es. « J’ai une Padhue qui n’a pas été reçue et qui est pourtant très appréciée professionnellement par mes médecins », s’attriste le directeur de l’établissement mayennais, inquiet pour la suite. Et de poursuivre, agacé : « Un autre, avec 15,7 de moyenne,a été recalé. » Un paradoxe quand on sait que le fameux « numerus clausus », qui régulait drastiquement le nombre de médecins formés dans les facs françaises, a été sérieusement revu pour faire face à la pénurie de praticien·nes.

    Dans le cas de Yasmine Zitouni, la Padhue rattachée au CHU de Brest dont les compétences sont louées par sa hiérarchie, 17 postes avaient été ouverts dans sa spécialité de chirurgie orale, pour 680 candidat·es.
    Les Padhue évoluent dans un imbroglio administratif, sans cesse mouvant.

    En 2023, 30 % des candidat·es ont été reçu·es après les EVC, selon les chiffres communiqués aux syndicats par le ministère de la santé. Et dans certaines spécialités, les places sont bien plus chères : en médecine générale, 12,5 % seulement des candidat·es ont été reçu·es.

    « Et en plus, on a retiré des postes », s’étrangle Mathias Wargon, chef de service des urgences de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Le jury dévolu aux candidates et candidats en médecine générale a cette année attribué 300 postes de moins que ce qui avait été d’abord annoncé. De quoi agacer dans les couloirs des hôpitaux, qui comptaient sur la pérennisation de ces renforts.

    Pour ajouter de la précarité à l’incertitude, les Padhue évoluent dans un imbroglio administratif, sans cesse mouvant. En 2019, en raison du grand nombre de Padhue travaillant sur le territoire, les autorités ont ouvert une voie de régularisation plus simple que l’examen des EVC. Les médecins étrangers qui travaillaient sur le territoire avant 2019 devaient alors justifier de leurs compétences devant des commissions régionales et nationales.

    Depuis la fin de l’année 2023, les critères se sont durcis : seul·es peuvent rester sur le territoire les Padhue lauréat·es des EVC. « Et la consigne a été donnée aux préfectures de ne pas renouveler les titres de séjour des médecins qui n’ont pas réussi l’examen. Ils sont nombreux à être rentrés dans leur pays, d’autres se battent, travaillent, mais dans le flou », explique le docteur Smati, anesthésiste réanimateur à l’hôpital de Saint-Maurice (Val-de-Marne) et président de l’association de médecins Padhue Ipadecc. Il rappelle que « nombre de Padhue ont été recrutés en 2020, pendant le Covid, quand les hôpitaux avaient besoin de bras ».

    Des médecins indispensables


    Éric Tron de Bouchony représente les médecins au sein du syndicat des cadres hospitaliers CGT-UFMICT. Il égrène les histoires dramatiques : « Des Padhue se retrouvent au chômage et voient arriver l’heure du RSA. C’est scandaleux. Ce turn-over fragilise des services, met à mal des familles. Et cela accroît encore la désertification médicale. » En plus, « les médecins étrangers sont très présents dans des spécialités que les Français ne veulent pas faire : l’anesthésie, les urgences, la gériatrie, la médecine générale, la psychiatrie, la gynéco-obstétrique, la pharmacie hospitalière », complète le docteur Smati, de l’Ipadecc. Lui a obtenu la validation de ses compétences.

    Pour celles et ceux qui ne seraient pas reçus, la loi dite Valletoux, adoptée le 27 décembre, prévoit une autorisation d’exercice de 13 mois supplémentaires, à condition de s’inscrire à la prochaine session d’EVC. Mais son application est suspendue à la parution de décrets d’application. Frédéric Valletoux, député Horizons à l’origine du texte, dit ne pas savoir quand ces décrets tomberont. Il défend auprès de Mediapart son texte « qui donne un cadre clair à leur exercice ». Pas de quoi convaincre les Padhue interrogé·es, qui n’y voient qu’un prolongement de leur situation instable.

    « Le problème, quand même, c’est que ça nous laisse dans une grande précarité », répond Halim, vice-président d’Ipadecc. Ce qui le choque le plus, c’est le fossé entre leur importance dans le système de santé français et leur considération. « Je prenais 15 gardes par mois pendant le Covid », se souvient-il.

    Un constat avec lequel François Braun, ministre de la santé de 2022 à 2023, interrogé par Mediapart, dit être « tout à fait d’accord ». Et le son de cloche est le même en Mayenne. « Moi, je ne suis pas dans le XVIe arrondissement de Paris ou à Cannes, alors je n’ai aucun ophtalmologue pour prendre en charge la population des environs », explique Éric Alban-Giroux, directeur d’hôpital mayennais, qui a pu pallier cette demande avec des Padhue. « Parce que je ne peux même pas investir pour l’avenir sur les internes français, ils ne viennent pas », se désole-t-il.

    « Sur le site de la Fédération hospitalière de France (FHF), de nombreux hôpitaux continuent de déposer un très grand nombre d’offres d’emploi à destination des médecins étrangers », constate Éric Tron de Bouchony, de la CGT. En effet, actuellement, plusieurs centaines d’offres d’emploi leur sont ouvertes. De quoi interroger sur le durcissement des règles.

    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2
    Des médecins indispensables
    Si demain ces médecins quittent la France, le systeme de santé coule. Déja qu’actuellement c’est la.merde, des horaires de zinzin et gros risques de burnout pour la plupart.

    Leur demande est totalement légitime...

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    • #3
      Les professions libérales sont tjs protégées par des organismes et cartels qui ne veulent pas les partager avec les autres.

      Souvent c'est le college des médecins ou l'ordre des médecins qui compliquent l'intégration des médecins étrangers.

      Pour l'argent, l'humain est égoïste. Meme les Taxieurs sont entrain de poursuivre Uber au Canada pour plusieurs milliards de dollars de perte. Un médecin Français ne veut pas partager sa recette avec un médecin étranger. C'est aussi simple que ça.

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