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Syndrome aérotoxique : l’omerta continue

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  • Syndrome aérotoxique : l’omerta continue

    Le problème de la contamination de l’air dans les avions de ligne, qui peut rendre gravement malades des personnels navigants, est connu depuis des décennies. Mais les compagnies aériennes minorent toujours les risques pour la santé et la sécurité.

    Patricia Oudit et Eliane Patriarca


    nEn mars dernier, devant le siège de la compagnie Jetblue à New York, des dizaines de stewards et d’hôtesses de l’air scandent : « Fume events are real ! » Une manifestation inédite, pour lancer l’alerte sur les incidents d’émanation – les fume events – qui se produisent à bord des avions. Générant de mauvaises odeurs, ils contaminent l’air et provoquent, comme Mediapart l’a détaillé, chez les navigant·es un ensemble de symptômes neurologiques et respiratoires et des troubles invalidants, regroupés sous le nom de syndrome aérotoxique.

    « La Fédération américaine de l’aviation et les avionneurs ignorent ce risque pour la santé, même après qu’on leur a signalé des équipages tombés malades ! », s’insurge le sénateur démocrate du Connecticut, Richard Blumenthal, qui, en mars aussi, présentait pour la troisième fois un projet de loi réclamant formation et protection pour les passagers.

    31 octobre 2023Lire + tard
    Les fume events restent un phénomène méconnu du grand public tant l’industrie aéronautique entretient le silence autour de ces incidents. Depuis près de soixante-dix ans, les compagnies aériennes et les constructeurs, qui ne peuvent nier le problème, s’attachent à minimiser les conséquences pour la santé des navigant·es et la sécurité des vols. D’abord en invoquant la « rareté » de ces événements : un sur deux mille vols, selon l’industrie aéronautique. Ensuite, en réfutant systématiquement les effets à long terme d’une exposition à l’air contaminé.

    L’omerta règne sur ce que les navigant·es désignent comme le « petit secret honteux » de l’aviation mondiale. La source des fume events est pourtant bien identifiée : c’est le système de pressurisation et de climatisation utilisé sur quasiment tous les avions commerciaux. L’air qui circule à bord est prélevé via les compresseurs des moteurs à réaction et arrive non filtré en cabine. Or les défauts d’étanchéité ou l’usure des joints moteur provoquent inévitablement des fuites d’huile, laquelle, portée à très haute température, dégage nombre de substances toxiques.

    Agrandir l’image : Illustration 1Dans un vol de nuit entre Delhi en Inde et Paris, en avril 2022. © Photo Maxime Gruss / Hans Lucas via AFP

    Au fil des années, et des victimes, la préoccupation est allée grandissant parmi les syndicats de pilotes et de personnels navigants commerciaux un peu partout dans le monde. Dès 1997en Australie,le Sénat reprend un rapport de la médecine du travail de l’aéroport de Melbourne confirmant l’existence d’un problème sanitaire majeur. En 2009, en France, deux CHSCT d’Air France ont exigé la réalisation d’une expertise, qui confirme le risque d’atteinte à la santé des salarié·es et des passagers et passagères.

    Mais c’est seulement en 2015 que le scandale éclate publiquement, avec le dépôt de quatre plaintes de navigant·es d’Alaska Airlines contre Boeing, qui se sont soldées par des accords financiers confidentiels. Dans la foulée, l’Organisation internationale de l’avion civile (OACI) émet une circulaire, non contraignante, à l’attention des compagnies préconisant « la formation des personnels aux fume events et le signalement systématique de ceux-ci ». Airbus publie pour sa part un rapport, assorti d’une procédure de décontamination-maintenance.

    « Une preuve de l’hypocrisie qui règne dans le milieu sur le sujet ! », dénonce Lucien*, 40 ans, ex-pilote du groupe Air France, privé de 48 % de sa capacité respiratoire et licencié pour inaptitude en 2020. « Cette procédure nécessite deux jours d’immobilisation de l’appareil, ce qui est totalement incompatible avec le besoin de rentabilité du secteur. Dans la réalité, elle n’est pas appliquée ! »

    En 2016 en France, Éric Bailet, alors pilote d’EasyJet, crée l’Association des victimes du syndrome aérotoxique (Avsa). En 2015, alors qu’il effectue le dernier des quatre vols de sa journée, il est pris de malaise, comme son copilote. Licencié en 2018 pour inaptitude, il a porté plainte contre « X » devant le parquet de Paris pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

    En octobre dernier, c’est au tour de la Fédération internationale des pilotes de ligne (Ifalpa), qui regroupe 110 000 pilotes de près de cent pays, d’alerter sur le fait que « les expositions à ces émanations peuvent entraîner, outre des troubles ponctuels, des effets à long terme sur la santé ».
    Les alternatives techniques écartées



    Malgré ces alertes, l’industrie aéronautique persiste, selon Éric Bailet, dans une stratégie qui rappelle la « fabrique du doute » utilisée par l’industrie du tabac ou celle des pesticides, pour gagner du temps et faire échec à toute réglementation de santé publique ou environnementale. L’industrie dégaine toujours les mêmes éléments de langage, à l’instar d’Airbus, selon qui l’air des cabines est « souvent plus propre que celui d’autres environnements intérieurs tels que les habitations ».

    Techniquement, il existe pourtant une alternative au système du bleed air. Le « Dreamliner », un Boeing 787 mis en service en 2009, utilise des compresseurs électriques captant directement l’air extérieur sans passer par les moteurs. Mais il reste le seul à ce jour et ne représente que 0,03 % de la flotte mondiale (chiffres 2020).

    Parallèlement, l’industrie accumule des manœuvres discrètes, comme pour anticiper le jour où une réglementation plus contraignante s’imposera. Ainsi, des brevets pour réduire les fuites d’huile moteur ont été déposés par Airbus en 2017 et Boeing en 2018. Sans aucune concrétisation. De même, certaines compagnies ont fini par opter pour des huiles moteur réputées moins dangereuses, mais de manière tardive.

    Par exemple EasyJet qui, en 2017, a remplacé son fournisseur d’huile par la société Nyco. Ce fabricant français avait alerté dès 2019 l’Agence européenne de sécurité aérienne (EASA) sur le risque d’exposition « des passagers et des membres d’équipage aux organophosphates (neurotoxicité), similaires aux symptômes des agriculteurs exposés aux pesticides », et développé des huiles moins toxiques.

    Les filtres et les capteurs réclamés par l’Ifalpa ou par le Global Cabin Air Quality Executive, une organisation internationale créée en 2006 au Royaume-Uni regroupant navigant·es, ingénieur·es, scientifiques, restent lettre morte. Ce qui n’empêche pas les compagnies de vanter dans leurs brochures l’efficacité des filtres équipant la majorité des avions des vols commerciaux, qui garantiraient « un air aussi sain que dans un bloc opératoire ».

    Personnels et passagers sans protection


    « Pourtant, ces filtres sont inefficaces contre les nanoparticules », tacle Lucien, le pilote d’Air France licencié pour inaptitude. Steward chez HOP, Lionel déplore le manque d’information du personnel : « Nous n’avons pas de réelle sensibilisation à ce phénomène, qui s’inscrit dans la continuité des autres facteurs d’exposition aux risques (rythmes décalés, travail de nuit, rayonnements ionisants…) de notre profession. »

    Le syndrome aérotoxique n’étant reconnu ni par les compagnies aériennes ni par les autorités sanitaires, les navigant·es ne disposent pas de protection individuelle. Chez Air France, le médecin du travail coordonnateur du service médical, Michel Klerlein, assure que « toutes les études menées jusqu’ici sur les avions n’ayant pas démontré la moindre présence de produits neurotoxiques dans l’air de la cabine », il n’y a pas de nécessité d’équipement spécifique.
    Il n’existe pas de suivi médical systématique après une exposition, alors qu’il est recommandé dans de nombreux documents officiels.

    « Les pilotes sont au moindre doute invités à porter leur masque à oxygène prévu en cas de dépressurisation de l’appareil, rappelle-t-il. Les navigants commerciaux disposent d’une cagoule à oxygène qui permet d’agir durant vingt minutes pour stopper un départ de feu. »

    Inadapté, soulignent les pilotes. « En cas de fume event, la procédure nous impose d’atterrir d’urgence, explique Éric Bailet. Mais sur un vol long-courrier, l’autonomie en oxygène du masque est insuffisante pour pouvoir le faire ! »

    Il n’existe pas non plus de suivi médical systématique après une exposition, alors qu’il est recommandé dans de nombreux documents officiels. Un rapport de 2017 du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) relatant un fume event ayant entraîné une incapacité partielle de l’équipage de conduite, indique que « la mise en œuvre d’accords locaux préalables entre exploitants d’aéronefs, autorités aéroportuaires et structures médicales d’urgence présentes sur les aéroports » faciliterait « la réalisation d’examens médicaux à vocation étiologique à la suite immédiate d’incidents liés à la qualité de l’air en cabine ».

    Cette absence d’accompagnement, Julie en a fait la douloureuse expérience. En juin dernier, cette hôtesse de l’air expérimentée, en CDD chez Air France, travaille sur un vol entre Paris et Athènes lorsque se produit un fume event particulièrement aigu. « Rentrée chez moi, je me sens mourir. » Pertes de connaissance, nausées, tremblements, épuisement… Elle perd 8 kilos en une semaine. Après un arrêt maladie d’un mois, Air France met fin à son contrat.

    Durant le fume event, ni Julie ni ses collègues n’ont enfilé de cagoule à oxygène. « Par peur de créer la panique et parce que se protéger, ce serait reconnaître qu’il y a un problème », regrette-t-elle. Une loi du silence qui la révolte : « Je pense aux deux cents passagers [qui étaient sur son vol]. Il y en a peut-être qui ont été ou sont malades. Ils ne savent même pas pourquoi. »
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2
    N'attends pas que les Américains fassent quelque chose contre les compagnies aériennes ou les entreprises aéronautiques.
    tu tombe je tombe car mane e mane
    après avoir rien fait ...on a souvent le sentiment d'avoir faillie faire ....un sentiment consolateur

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