Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Langue(s) et origine(s) : « l’arabe et moi »

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Langue(s) et origine(s) : « l’arabe et moi »


    Par Ramdan Bezine
    Le 02/06/2023

    Pourquoi en France un certain nombre de parents n'ont pas ou peu transmis leur langue maternelle à leurs enfants ? Pour tenter de répondre à cette question, nos blogueuses et nos blogueurs explorent leur histoire familiale. Ramdan nous parle, ici, de son rapport à l’arabe.


    Ma fratrie est divisée en deux : les plus âgés ont grandi à la campagne, et les deux derniers garçons ont passé leur enfance dans un quartier populaire. Les premiers s’en sortent bien en arabe, les seconds, un peu moins. « Nous, on a appris naturellement, en écoutant Papa. On a ça dans le sang », m’a dit ma sœur, issue des aînés. À la maison, mon père parlait son dialecte natal et ma mère français. Chez nous, comme chez tous les Algériens, semble-t-il, les deux langues ont toujours été liées.

    L’arabe de mon père en était la version ouest-algérienne typique. Le français de ma mère : un mélange d’héritage historique et d’adaptation à la vie rurale. « Pendant la colonisation, notre grand-mère avait dû travailler comme femme de ménage chez un médecin français », m’a raconté ma sœur. « Elle y a appris la langue, et c’est sans doute elle qui l’a transmis à notre mère. Une fois en France, Papa travaillait à l’usine avec des collègues arabes et Maman restait au village ».

    Arabes des villes, arabes des champs


    Dans ce bled loin du Bled, pas de ghettoïsation, mais une majorité de Français pour une poignée d’immigrés italiens ou algériens. Pour s’y implanter, donc, pas d’autre choix que de parler local. « Il y avait très peu de familles arabes. Il fallait s’intégrer, ne pas faire de vagues. Mais ce n’était pas explicite, c’était comme ça. Et ça passait d’abord par la langue ». Mon grand frère confirme. « Dans les années 80, et surtout à la campagne, on n’était pas dans la revendication des origines comme ça peut être le cas maintenant ».
    « Tonton du Bled », pour moi, c’est de la fiction



    Les enfants se sont vite retrouvés en supériorité numérique. Le français de l’école a supplanté l’arabe du patriarche, à l’oral et à l’écrit. « C’est nous qui lisions le courrier aux parents. Ça nous arrivait d’arnaquer une phrase ou deux sur un bulletin », m’a confié mon frère.« Ils étaient dans un processus d’intégration, mais on n’a jamais été forcés à parler en français à la maison. Il s’est imposé naturellement ».

    Conséquence logique : chez nous, plus on est jeunes, moins on maîtrise la langue de nos ancêtres. Et le plus jeune, c’est moi. Mon niveau d’arabe est donc le plus faible de ma famille. Les raisons : une configuration familiale singulière, et des rapports compliqués avec l’Algérie. Je n’y ai passé aucun été de mon enfance. « Tonton du Bled », pour moi, c’est de la fiction.

    Répondre « Bonjour » à un « Salam »


    Pour mon frère et moi, qui avons grandi à la Côte des Roses (un contrat tacite avec la rue m’oblige à citer ma cité), le rapport à la langue a été plus complexe que pour le reste de la famille. Le français avait définitivement grand-remplacé l’arabe à la maison. « Quand j’avais 13, 14 ans, tout le monde parlait arabe au quartier, et moi je ne captais rien. J’en avais presque honte », m’a-t-il glissé.

    Les voisins causaient dans leurs langues d’origine, nous, non. Cette précarité langagière a été, pour nous deux, matière à complexes. La honte qu’il évoque, je l’ai ressentie moi aussi. Comme une instabilité, un pilier manquant à mes fondations. Dans les années 2000, j’avais plus ou moins la dégaine classique du maghrébin de quartier. Les cheveux frisés et le dégradé à blanc : check. La peau ambrée, les yeux marron : check. Le jogging Lacoste de mon frère dans mes chaussettes : check.

    Les vendeuses qui me pistaient aux Galeries me le confirmaient, j’avais une gueule d’Arabe. Mais ma langue demeurait irrémédiablement française. Dans ma tête, j’étais bilingue, mais dans ma gorge, blocage. « Désolé, je ne parle pas arabe », je répondais, les yeux baissés. « Désolé », un euphémisme. Ce que je ressentais tenait plutôt du déshonneur. Chaque jour me rappelait mes lacunes avec plus ou moins d’ardeur. Une formule de politesse incomprise, une parole religieuse opaque, la langue arabe m’entourait et m’échappait.
    Je ne me sentais tout simplement pas à la hauteur de mon arabité



    Aller faire des achats à la boucherie, par exemple : l’angoisse. Je savais d’avance que le boucher allait s’adresser à moi en arabe, et moi en français. Sur le chemin, j’imaginais des scènes insensées. Il me dirait « Salam » et je lui soufflerais un timide « bonjour ». Il continuerait dans sa langue, et je serais obligé d’admettre à voix haute mon handicap verbal devant les clients médusés. Je me voyais soudain tout petit, en contre-plongée, tous les yeux rivés sur moi. « Il est arabe et il ne parle pas la langue ? Hchouma ! » La honte, humilié au milieu des merguez.

    Cette scène, évidemment, n’a jamais eu lieu autre part que dans ma tête. Aucun enfant n’a jamais été rabaissé dans une boucherie halal parce qu’il a parlé français. Mais dans mon imagination fertile, ma langue morte prenait du haut de mes 13 ans l’apparence d’une trahison à mes origines. Je ne me sentais tout simplement pas à la hauteur de mon arabité. Pas légitime en tant qu’Arabe.

    Apprendre par amour, pas par contrainte


    Ce sentiment d’imposture a persisté toute mon adolescence. Je voyais mon identité ethnique comme une suite de cases à cocher, dont celle de la langue. La multiplicité des manières de vivre ses origines ne m’était pas parvenue. Je n’avais que le quartier et la télé pour me dire comment incarner ce que j’étais supposé être. Inconsciemment, j’avais internalisé cette essentialisation creuse qui niait toute la richesse de ma culture.

    Il m’a fallu réfléchir, lire, grandir, pour enfin me débarrasser de ces injonctions (intra et extracommunautaires) à être comme il faut. Pour pouvoir enfin juste être, et me rendre compte que ce n’est pas la langue, ni une quelconque autre caractéristique qui définit mon identité. J’ai pu alors faire la seule chose qu’il aurait fallu faire depuis toujours. Apprendre. Mais apprendre pour la bonne raison : par Amour, et non par convention.
    L’arabe algérien, c’est uniquement par le contact qu’il s’apprend. Par capillarité. Par la confrontation à la rue, à la famille



    Si à l’époque la technologie ne pouvait pas m’apporter d’aide (je vous parle d’un temps que les utilisateurs de Tiktok ne peuvent pas connaître). Aujourd’hui, elle est une source inépuisable pour qui (se) cherche. Je lui dois mes premières syllabes tremblotantes en arabe littéraire. Entre applications dédiées, cours sur les réseaux ou formations gratuites, les voies vers la connaissance sont nombreuses. Mais l’arabe algérien, c’est uniquement par le contact qu’il s’apprend. Par capillarité. Par la confrontation à la rue, à la famille, à l’embarras causé par un accent trop français. Il s’enseigne par la rencontre avec l’Autre, et avec soi.

    Aucun de mes frères et sœurs n’a transmis la langue arabe à ses enfants. Mais eux aussi finiront par vouloir se réapproprier leurs racines « Regarde, tes neveux et nièces essaient quand même tous de tisser des liens avec leur culture, d’une manière ou d’une autre », positive mon frère. C’est vrai. Alors peut-être que comme moi, ils finiront par vouloir adopter les mots de leurs ancêtres. Sans doute qu’ils vont tâtonner, galérer, user leurs gorges avec le « kha », le « Ha » et le « qa ». Et sûrement qu’à ce moment-là, ce sera moi qui serai en mesure de leur léguer quelques phrases. Au moins de quoi aller à la boucherie l’esprit tranquille, in sha Allah.

    Ramdan Bezine

  • #2
    Si deux parents sont immigrés, ils parleront beaucoup en dialecte algérien. Le français s'imposera toujours pour les enfants logiquement. Et à l'écrit rare en France, c'est pas le dialecte algérien, mais l'arabe tout court que les parents ne pratiquent pas à l'oral. Des immigrés espagnols ou portugais ou italiens, leur langue est la même à l'écrit et à l'oral, meilleure transmission.

    Y a surtout l'accent qui diffère pour les enfants d'émigrés maghrébins même si les parents parlent algérien par exemple puis incompréhension très forte sensibilité au bled si un mot est mal prononcé. Il faut que l'enfant aille souvent en Algérie pour cela. De même en Algérie d'une région à une autre, en dialecte la prononciation des mots varie beaucoup, chacun pense prononcer mieux que l'autre.

    Pour la langue maternelle, il est surtout question de plusieurs dialectes algériens et non l'arabe. Les parents transmettent oralement une langue algérienne mais certainement pas l'arabe, mis à part des mots comme "salem" et formules religieuses, comme pour un sénégalais musulman. L'algérien n'est pas arabe mais plus berbère et arabophone à l'écrit. A la tv algérienne ce n'est pas les langues maternelles, mais 2 langues officielles, sauf les sketches de rue par exemple.....

    Comme pour le français moderne, langue orale et écrite d'origine latine qui a remplacé tous les dialectes en France campagne ou ville, l'arabe moderne doit être uniformisée à l'oral, langue maternelle comme à l'écrit en Algérie et non "tomobile" ou "partagi".
    Dernière modification par panshir, 06 juin 2023, 18h08.

    Commentaire


    • #3
      panshir

      Lorsque j'était gosse et que je faisais mine de ne pas écouter ou ne pas comprendre ce que me disait le Vieux, il finissait par s'énerver et de cracher la formule d'usage : rāni nahdar m3āk b l-3arbiyya yā rāç e-ch'ham ! Il ne lisait pourtant pas l'arabe mon Vieux ....

      Arrêtes donc de te contorsioner dans tous les sens juste pour avoir entendu le mot "arabe" dans une phrase, et arrête surtout de dicter aux gens quoi et comment et ils devraient parler. Le monde sera bien plus cool ainsi, crois-moi ...
      "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

      Commentaire


      • #4
        J ai bien aimé le récit de benzine

        mais juste après la nausée est montée. Chez moi
        J'ai horreur des antiarabes de chez nous
        Panshir peut raconter ce qu il veut mais de grâce
        Foutez la paix aux arabes et aux arabophones

        PS ON" veut toujours nous rappeler la berberite

        A force ça va marcher dans le sens inverse

        S éloigner de la berberite
        De grâce in peu de repos
        Gone with the Wind.........

        Commentaire


        • #5
          Harrachi78

          Merci de m'avoir lu. Je ne savais pas qu'un simple point de vue avait une influence sur ce monde pas cool..
          Faut pas s'énerver. Discute calmement, c'est qu'un petit forum. C'est un forum de discussion. Je ne dicte rien. Le mot "arabe" est en titre du topic et un peu partout. J'exprime un point de vue en répondant surtout à la question dans le topic " la darja et moi" qui n'est pas le mien:
          "Pourquoi en France un certain nombre de parents n'ont pas ou peu transmis leur langue maternelle à leurs enfants ?"

          Désolé si ça ne te plait pas, langues maternelles algériennes "darja" n'est pas égale à langue arabe. Au bac en France l'option dialecte algérien ou langue arabe au choix est proposée.. Tu choisis de parler la ou les langues maternelles ou hyper mélange que tu veux. C'est chacun son point de vue. Le forum ne t'appartient pas. Tu n'as aucun ordre à me donner. Exprime toi en ton nom surtout, donne ton point de vue par rapport au topic, et pas besoin de t'exciter pour rien.
          Dernière modification par panshir, 08 juin 2023, 20h17.

          Commentaire


          • #6
            panshir

            ... Je ne savais pas qu'un simple point de vue avait une influence sur ce monde pas cool ...

            Cela va de soit PANSHIR, une Naima Salhi ou un Matoub Lounès ne sont que des "points de vue", et les gens régissent naturellement aux propos des uns et des autres puisque c'est leur identité que ces uns et ces autres prétendent leur enseigner.

            ... Faut pas s'énerver. Discute calmement ...

            Je ne me souviens pas avoir mordu quelqu'un ou mes propres doigts. Quelque chose à pu te donner cette impression peut-être ?

            ... Le mot "arabe" est en titre du topic et un peu partout ...

            Soit. Et alors ? Une bonne partie des Algériens sont Arabes, comme l'auteur de cet article. C'est notre identité et notre langue et on en parles. Tu penses qu'il faudra rationer l'utilisation du mot en question peut-être ?

            ... J'exprime un point de vue en répondant surtout à la question dans le topic " la darja et moi" qui n'est pas le mien ...

            Ton point de vue sur le fait que sois arabe ou pas ? En quoi es-tu concerné par ce que je suis moi ? Je comprendrais que tu ais des opinions sur ce que tu es toi-même. Par-contre, je ne peux pas comprendre que tu prétende savoir l'identité des gens mieux qu'eux-mêmes. Ça n'a pas de sens.

            ... langues maternelles algériennes "darja" n'est pas égale à langue arabe ...

            Pas plus que le kabyle ou le mozabite ne sont identiques à ce qui est appelé "Tamazight". Pourtant, je ne t'ai jamais entendu objecter sur le fait que les uns et les autres soient identifiés en "Berbères" ? Et même que, dans ton propre propos ici, tu qualifie de "berbère" des gens qui ne parlent aucune langue berbère puisque leur parler maternel est appelé 3arbiyya dārja chez-eux ?

            ... Au bac en France l'option dialecte algérien ou langue arabe au choix est proposée ...

            Soit, tout comme apprendre le "kabyle" n'est pas apprendre "tamazight". Dira-tu qu'un kabyle n'est pas un berbère pour autant ?

            ... Le forum ne t'appartient pas. Tu n'as aucun ordre à me donner. Exprime toi en ton nom surtout, donne ton point de vue par rapport au topic, et pas besoin de t'exciter pour rien.

            Oh là là ! Ça se permet de dicter leur propre identité éthnique à 80% des Algériens, et ça s'offusque qu'on lui dénie un non-droit. J'ai peur ... lol
            Dernière modification par Harrachi78, 08 juin 2023, 22h13.
            "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

            Commentaire

            Chargement...
            X