Notre expert en chute des corps saisit la balle au bond pour expliquer son expérimentation
Monsieur le Ministre a raison: une balle de tennis subit pratiquement la même résistance à l'air qu'une boule de pétanque de même diamètre. Il en déduit que les deux sphères mettent le même temps pour tomber de la même hauteur, comme dans le vide. C'est vrai tant que la hauteur de chute n'est pas trop grande.
Car Monsieur le Ministre semble oublier une chose: la résistance de l'air augmente quand augmente la vitesse du mobile. Or, un objet en chute libre va de plus en plus vite. L'air exerce donc sur lui une force de plus en plus grande, et il arrive un moment où la vitesse est telle que cette force de frottements compense le poids qui fait tomber le mobile. Dès lors, l'objet est soumis à deux forces d'intensité égale, de même direction mais de sens opposés (le poids vers le bas, la force de frottement vers le haut). Ces deux forces s'équilibrent et Monsieur le Ministre sait bien que, dans ce cas, l'objet poursuit sa chute à vitesse constante. On dit qu'il a atteint sa vitesse limite (l'objet, pas Monsieur le Ministre!) Et, on vient de le voir, la vitesse limite dépend du poids.
Résumons: deux sphères de poids différents et de même diamètre tombant à la même vitesse subissent la même résistance de l'air, mais leur différence de masse fait que la plus lourde subit une accélération plus grande (car l'accélération est le rapport entre la somme des forces par la masse!)
En d'autres termes: a = g - F/m où "a" est l'accélération de l'objet (comptée positivement vers le bas), "g" l'intensité du champ de pesanteur, "F" la force de frottements (qui dépend de la vitesse et de la forme de l'objet, mais pas de sa masse) et "m" la masse de l'objet.
Mais le destin des deux boules se sépare et Monsieur le Ministre se plante dès que la plus légère atteint sa vitesse limite car la plus lourde a une vitesse limite plus élevée et elle l'atteint plus tard. Pour peu que la hauteur de chute soit suffisante, la boule de pétanque, dont la vitesse limite est trois fois celle de la balle de tennis, distance sans mal cette dernière. Cet effet est encore plus marqué avec une balle de ping-pong et une bille d'acier de même taille.
Les moniteurs de parapente connaissent bien le phénomène car ils choisissent une surface de voile plus grande pour des pratiquants plus lourds. C'est dire qu'à surface égale, donc à résistance de l'air égale, le plus lourd tombe le plus vite. Sa chute se passe plus vite...
Calcul savant
Monsieur le Ministre a tout faux quand il prétend que la résistance de l'air est la même pour les boules de pétanque et les balles de tennis.
1- A vitesse égale, la résistance de l'air est de 13% plus forte pour la boule de pétanque, de diamètre plus élevé.
2- Même en admettant, pour faire plaisir à Monsieur le Ministre, qu'un écart de 13% est négligeable, il y a beaucoup plus grave: la vitesse limite de la boule de pétanque dans l'air de masse volumique 1,293g/Litre (au niveau de la mer sous la pression atmosphérique normale et à 0°C), c'est 174,2km/h, celle de la balle de tennis, c'est 56,7km/h. rapport des deux vitesses: 3,07. Ce rappotr ne change pas si la densité de l'air change, du moment que les deux boules sont à la même altitude au même instant et au même endroit.
3- Au bout de quelle hauteur de chute les boules atteignent-elles leurs vitesses limites respectives? Le calcul est assez compliqué, il faut des intégrales et tout le tremblement, car l'accélération des boules dépend de la vitesse et diminue à chaque instant jusqu'à s'annuler lorsque la vitesse limite est atteinte. Néanmoins, on peut avoir une idée très grossière de la différence de comportement des deux boules: dans le vide, et dans le champ de pesanteur g=9,81m/s², la balle de tennis atteint la vitesse de 56,7km/h (15,7m/s) au bout de 12,6m de chute, et la boule de pétanque atteint 174,2km/h (48,4m/s) en seulement 119,4m. Les distances sont différentes dans l'air puisque l'accélération diminue et les temps pour "atteindre" les vitesses limites sont plus longs, mais la différence entre les deux boules est de toute façon notable, et il est à craindre que, si on lâche en même temps une balle de tennis et une boule de pétanque du haut de la Tour Eiffel sur la tronche de Monsieur le Ministre, il n'ait intérêt à dégager plus d'un dixième de seconde avant l'arrivée de la balle de tennis, sinon cela ferait un petit moment qu'il aurait pris la boule de péatnque sur l'occiput.
4- Ce qui serait une perte irréparable pour la mammouthologie et la prévision vulcanologique en Guadeloupe. (Note: ceci est une allusion à la controverse entre Haroum Tazieff et Claude Allègre sur l'oportunité d'une évacuation de la population en Guadeloupe, les faits ayant donné raison à Haroum Tazieff...)
Renseignements fournis par:
- la fédération française de tennis pour les masse et diamètre des balles de tennis;
- la magasin "Go Sport" du coin pour les masse et diamètre des boules de pétanque:
Balle de tennis: masse comprise entre 56,7g et 58,5g; diamètre compris entre 6,54cm et 6,86cm; moyennes arithmétiques: 57,6g et 6,70cm.
Boule de pétanque: masse 700g; diamètre 7,6cm.
Articles du Canard Enchaîné, mercredi 10/03/1999:
Les grandes polémiques scientifiques: Allègre se met en boule et se déballonne
"Le Canard a tort!" a lancé sur la radio Europe 1 (5 mars) Claude Allègre, interrogé sur notre polémique de haut vol à propos des boules et des balles. Et d'ajouter que nous avions "tronqué" la réponse du Prix Nobel de physique Georges Charpak, qui, rappelons-le, a décerné la note de "14/20" au Canard et avait déclaré que son ami Allègre "aurait dû nous féliciter". Sur sa lancée, le Minsitre ajoutait au micro qu'il allait nous envoyer illico une réponse commune avec Charpak, et que nous allions voir ce que nous allions voir. Or nous avons peu vu...
La chute du courrier est-elle plus lente que la chute des corps? Le donneur de leçons de physique ne nous a rien envoyé. Seul Georges Charpak, qui ne s'estime en rien "tronqué" nous a adressé, outre une invitation à deviser "devant un pichet de rouge de qualité honorable" (voir ci-dessous la lettre de Georges Charpak) un commentaire personnel sur "la perturbation exercée par la résistance de l'air sur nos relations avec Allègre", dans lequel il dit son bonheur de voir "Le Canard mener une bénéfique croisade pour l'alphabétisation scientifique des Français."
En revanche, on ne compte plus les lettres de lecteurs beaucoup plus "scientifiquement alphébitisés" que nous. L'un d'eux, responsable d'un laboratoire scientifique, nous a, en plus de ses calculs, fait parvenir une citation de Paul Valéry qui résume assez bien ce débat: "Ce qui est simple est toujours faux. Ce qui ne l'est pas est inutilisable"...
C'est pourquoi, pour faire simple et utilisable à la fois, nous vous épargnerons une harassante bataille d'équations... Et, pour éviter de jouer au tennis avec des boules de pétanque, ce qui serait un peu lourd, ou de jouer à la pétanque avec des balles de tennis, ce qui passerait pour un peu léger, nous admettrons qu'avec sa réforme des lycées le dégraisseur de mammouth a d'autres motifs d'avoir les boules. D'autres problèmes de frottements comme ironise dans "Libération" du 7 mars une sommité de l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm (un autre Prix Nobel de Physique?), interrogée après un physicien du Collège de France, qui "confirme la version du palmipède".
Bref, même s'il refusait d'admettre que la réalité ne dépasse pas les frictions, nous ne saurions en vouloir au Ministre de choisir dans cette polémique sur la chute des corps de... laisser tomber.
Monsieur le Ministre a raison: une balle de tennis subit pratiquement la même résistance à l'air qu'une boule de pétanque de même diamètre. Il en déduit que les deux sphères mettent le même temps pour tomber de la même hauteur, comme dans le vide. C'est vrai tant que la hauteur de chute n'est pas trop grande.
Car Monsieur le Ministre semble oublier une chose: la résistance de l'air augmente quand augmente la vitesse du mobile. Or, un objet en chute libre va de plus en plus vite. L'air exerce donc sur lui une force de plus en plus grande, et il arrive un moment où la vitesse est telle que cette force de frottements compense le poids qui fait tomber le mobile. Dès lors, l'objet est soumis à deux forces d'intensité égale, de même direction mais de sens opposés (le poids vers le bas, la force de frottement vers le haut). Ces deux forces s'équilibrent et Monsieur le Ministre sait bien que, dans ce cas, l'objet poursuit sa chute à vitesse constante. On dit qu'il a atteint sa vitesse limite (l'objet, pas Monsieur le Ministre!) Et, on vient de le voir, la vitesse limite dépend du poids.
Résumons: deux sphères de poids différents et de même diamètre tombant à la même vitesse subissent la même résistance de l'air, mais leur différence de masse fait que la plus lourde subit une accélération plus grande (car l'accélération est le rapport entre la somme des forces par la masse!)
En d'autres termes: a = g - F/m où "a" est l'accélération de l'objet (comptée positivement vers le bas), "g" l'intensité du champ de pesanteur, "F" la force de frottements (qui dépend de la vitesse et de la forme de l'objet, mais pas de sa masse) et "m" la masse de l'objet.
Mais le destin des deux boules se sépare et Monsieur le Ministre se plante dès que la plus légère atteint sa vitesse limite car la plus lourde a une vitesse limite plus élevée et elle l'atteint plus tard. Pour peu que la hauteur de chute soit suffisante, la boule de pétanque, dont la vitesse limite est trois fois celle de la balle de tennis, distance sans mal cette dernière. Cet effet est encore plus marqué avec une balle de ping-pong et une bille d'acier de même taille.
Les moniteurs de parapente connaissent bien le phénomène car ils choisissent une surface de voile plus grande pour des pratiquants plus lourds. C'est dire qu'à surface égale, donc à résistance de l'air égale, le plus lourd tombe le plus vite. Sa chute se passe plus vite...
Calcul savant
Monsieur le Ministre a tout faux quand il prétend que la résistance de l'air est la même pour les boules de pétanque et les balles de tennis.
1- A vitesse égale, la résistance de l'air est de 13% plus forte pour la boule de pétanque, de diamètre plus élevé.
2- Même en admettant, pour faire plaisir à Monsieur le Ministre, qu'un écart de 13% est négligeable, il y a beaucoup plus grave: la vitesse limite de la boule de pétanque dans l'air de masse volumique 1,293g/Litre (au niveau de la mer sous la pression atmosphérique normale et à 0°C), c'est 174,2km/h, celle de la balle de tennis, c'est 56,7km/h. rapport des deux vitesses: 3,07. Ce rappotr ne change pas si la densité de l'air change, du moment que les deux boules sont à la même altitude au même instant et au même endroit.
3- Au bout de quelle hauteur de chute les boules atteignent-elles leurs vitesses limites respectives? Le calcul est assez compliqué, il faut des intégrales et tout le tremblement, car l'accélération des boules dépend de la vitesse et diminue à chaque instant jusqu'à s'annuler lorsque la vitesse limite est atteinte. Néanmoins, on peut avoir une idée très grossière de la différence de comportement des deux boules: dans le vide, et dans le champ de pesanteur g=9,81m/s², la balle de tennis atteint la vitesse de 56,7km/h (15,7m/s) au bout de 12,6m de chute, et la boule de pétanque atteint 174,2km/h (48,4m/s) en seulement 119,4m. Les distances sont différentes dans l'air puisque l'accélération diminue et les temps pour "atteindre" les vitesses limites sont plus longs, mais la différence entre les deux boules est de toute façon notable, et il est à craindre que, si on lâche en même temps une balle de tennis et une boule de pétanque du haut de la Tour Eiffel sur la tronche de Monsieur le Ministre, il n'ait intérêt à dégager plus d'un dixième de seconde avant l'arrivée de la balle de tennis, sinon cela ferait un petit moment qu'il aurait pris la boule de péatnque sur l'occiput.
4- Ce qui serait une perte irréparable pour la mammouthologie et la prévision vulcanologique en Guadeloupe. (Note: ceci est une allusion à la controverse entre Haroum Tazieff et Claude Allègre sur l'oportunité d'une évacuation de la population en Guadeloupe, les faits ayant donné raison à Haroum Tazieff...)
Renseignements fournis par:
- la fédération française de tennis pour les masse et diamètre des balles de tennis;
- la magasin "Go Sport" du coin pour les masse et diamètre des boules de pétanque:
Balle de tennis: masse comprise entre 56,7g et 58,5g; diamètre compris entre 6,54cm et 6,86cm; moyennes arithmétiques: 57,6g et 6,70cm.
Boule de pétanque: masse 700g; diamètre 7,6cm.
Articles du Canard Enchaîné, mercredi 10/03/1999:
Les grandes polémiques scientifiques: Allègre se met en boule et se déballonne
"Le Canard a tort!" a lancé sur la radio Europe 1 (5 mars) Claude Allègre, interrogé sur notre polémique de haut vol à propos des boules et des balles. Et d'ajouter que nous avions "tronqué" la réponse du Prix Nobel de physique Georges Charpak, qui, rappelons-le, a décerné la note de "14/20" au Canard et avait déclaré que son ami Allègre "aurait dû nous féliciter". Sur sa lancée, le Minsitre ajoutait au micro qu'il allait nous envoyer illico une réponse commune avec Charpak, et que nous allions voir ce que nous allions voir. Or nous avons peu vu...
La chute du courrier est-elle plus lente que la chute des corps? Le donneur de leçons de physique ne nous a rien envoyé. Seul Georges Charpak, qui ne s'estime en rien "tronqué" nous a adressé, outre une invitation à deviser "devant un pichet de rouge de qualité honorable" (voir ci-dessous la lettre de Georges Charpak) un commentaire personnel sur "la perturbation exercée par la résistance de l'air sur nos relations avec Allègre", dans lequel il dit son bonheur de voir "Le Canard mener une bénéfique croisade pour l'alphabétisation scientifique des Français."
En revanche, on ne compte plus les lettres de lecteurs beaucoup plus "scientifiquement alphébitisés" que nous. L'un d'eux, responsable d'un laboratoire scientifique, nous a, en plus de ses calculs, fait parvenir une citation de Paul Valéry qui résume assez bien ce débat: "Ce qui est simple est toujours faux. Ce qui ne l'est pas est inutilisable"...
C'est pourquoi, pour faire simple et utilisable à la fois, nous vous épargnerons une harassante bataille d'équations... Et, pour éviter de jouer au tennis avec des boules de pétanque, ce qui serait un peu lourd, ou de jouer à la pétanque avec des balles de tennis, ce qui passerait pour un peu léger, nous admettrons qu'avec sa réforme des lycées le dégraisseur de mammouth a d'autres motifs d'avoir les boules. D'autres problèmes de frottements comme ironise dans "Libération" du 7 mars une sommité de l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm (un autre Prix Nobel de Physique?), interrogée après un physicien du Collège de France, qui "confirme la version du palmipède".
Bref, même s'il refusait d'admettre que la réalité ne dépasse pas les frictions, nous ne saurions en vouloir au Ministre de choisir dans cette polémique sur la chute des corps de... laisser tomber.
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