Au douar Cheraga, les hwach (habitations) sont alignées le long d'une avenue-piste tortueuse, à deux mètres de la charTa (le "trait", frontière algéro-marocaine). A quatre mètres vers l'ouest, soit toujours à deux mètres de ladite charTa mais coté marocain, on a aussi des diar qui sont alignées en vis-à-vis. C'est donc cette avenue de quatre mètres de large qui sépare les constructions des demis-douar des deux pays. Le tout forme un ensemble urbanistique qui ne paie pas de mine mais d'allure haussmannienne et inter-national.
Le douar transfrontalier a connu une période de grande prospérité quand il était un haut lieu de la contrebande (carburant, textiles, produits alimentaires, etc. mais pas de zetla assuraient les habitants du coin, celle-ci passant par d'autres voies).
J'ai eu le plaisir de m'y rendre avec un proche il y a une dizaine d'années et d'y passer une petite heure. Un habitant du coté marocain nous a offert du thé à la menthe accompagné de matlou3 (pain) fait maison, de miel et de beurre. Un régal.
Même si je n'ai pas de nouvelles l'avenue séparatrice, elles ne doivent assurément pas être bonnes. Fort possible qu'elle a été transformée en profond fossé ou qu'on a érigé en son milieu un haut mur pour éviter que chacun des deux cotés ne soit frappé par le mauvais œil de l'autre. Cette barrière infranchissable a sûrement fait le bonheur d'époux, vivant des deux bords de la frontière, séparés ainsi de leurs envahissantes belles-mères respectives. Un aspect éminemment positif de la situation, à ne pas négliger surtout.
Les deux demis-douar ont le grand avantage de bénéficier de la couverture de la téléphonie mobile des opérateurs des deux pays.
L'autre avantage des agissements profondément perspicaces des autorités des deux lointaines capitales, c'est qu'une épouse qui veut aller passer quelques moments avec sa mère, son père, sa fratrie et autres proches, est obligée de faire, comme le petit navire, un long voyage par terre, air, rail et autre.
Ainsi, en partant du coté algérien, elle doit:
1./ Se rendre à Oran (230 km à partir du douar) pour prendre l'avion vers Casablanca (à près de 850 km)
2./ De là, aller à Oujda par n'importe quel moyen (près de 650 km)
3./ Prendre un taxi clandestin pour visiter le demi-douar Cheraga-MA (30 km)
4./ Y boire rapidement un verre d'eau sur le pas de porte
5./ Refaire le chemin inverse (1560 km).
Au total, au lieu de 4 mètres pour dire un bonjour à ses parents, emprunter à la maîtresse de la maison d'en face un oignon, faire goûter à quelques voisines un plat qu'elle vient de confectionner ou seulement échanger quelques mots avec des copines en cette terre officiellement à l'étranger et qui est portée de voix, elle aura le plaisir d'effectuer un coûteux périple de plus de 3100 km.
Voilà un douar qui vaut le détour(!). Visitez-le pour admirer la beauté de l'incommensurable bêtise des zouj bghal.
_____________________________________________
Notes
Zouj Bghal (les 2 mules) est le nom du poste frontière algéro-marocain en allant de Maghnia vers Oujda. A l'indépendance de l'Algérie, des habitants de Maghnia et d'Oujda ont suggéré de le rebaptiser Zouj Faqou (les 2 éveillés). Ils n'ont pas été entendus par les autorités des deux pays. Pour une fois, ces autorités n'ont pas fait preuve ni d'hypocrisie ni de vantardise: elles ont su qu'elles méritaient cette appellation et qu'elles la méritent toujours.
Par ailleurs, dès juillet 1962, les routes qui contournent le poste frontière de Zouj Bghal pour passer "clandestinement" d'un pays à l'autre ont été baptisées par les habitants de la bande frontière nord: "Triq el Ouahda" (Route de l'Unité).
Le douar transfrontalier a connu une période de grande prospérité quand il était un haut lieu de la contrebande (carburant, textiles, produits alimentaires, etc. mais pas de zetla assuraient les habitants du coin, celle-ci passant par d'autres voies).
J'ai eu le plaisir de m'y rendre avec un proche il y a une dizaine d'années et d'y passer une petite heure. Un habitant du coté marocain nous a offert du thé à la menthe accompagné de matlou3 (pain) fait maison, de miel et de beurre. Un régal.
Même si je n'ai pas de nouvelles l'avenue séparatrice, elles ne doivent assurément pas être bonnes. Fort possible qu'elle a été transformée en profond fossé ou qu'on a érigé en son milieu un haut mur pour éviter que chacun des deux cotés ne soit frappé par le mauvais œil de l'autre. Cette barrière infranchissable a sûrement fait le bonheur d'époux, vivant des deux bords de la frontière, séparés ainsi de leurs envahissantes belles-mères respectives. Un aspect éminemment positif de la situation, à ne pas négliger surtout.
Les deux demis-douar ont le grand avantage de bénéficier de la couverture de la téléphonie mobile des opérateurs des deux pays.
L'autre avantage des agissements profondément perspicaces des autorités des deux lointaines capitales, c'est qu'une épouse qui veut aller passer quelques moments avec sa mère, son père, sa fratrie et autres proches, est obligée de faire, comme le petit navire, un long voyage par terre, air, rail et autre.
Ainsi, en partant du coté algérien, elle doit:
1./ Se rendre à Oran (230 km à partir du douar) pour prendre l'avion vers Casablanca (à près de 850 km)
2./ De là, aller à Oujda par n'importe quel moyen (près de 650 km)
3./ Prendre un taxi clandestin pour visiter le demi-douar Cheraga-MA (30 km)
4./ Y boire rapidement un verre d'eau sur le pas de porte
5./ Refaire le chemin inverse (1560 km).
Au total, au lieu de 4 mètres pour dire un bonjour à ses parents, emprunter à la maîtresse de la maison d'en face un oignon, faire goûter à quelques voisines un plat qu'elle vient de confectionner ou seulement échanger quelques mots avec des copines en cette terre officiellement à l'étranger et qui est portée de voix, elle aura le plaisir d'effectuer un coûteux périple de plus de 3100 km.
Voilà un douar qui vaut le détour(!). Visitez-le pour admirer la beauté de l'incommensurable bêtise des zouj bghal.
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Notes
Zouj Bghal (les 2 mules) est le nom du poste frontière algéro-marocain en allant de Maghnia vers Oujda. A l'indépendance de l'Algérie, des habitants de Maghnia et d'Oujda ont suggéré de le rebaptiser Zouj Faqou (les 2 éveillés). Ils n'ont pas été entendus par les autorités des deux pays. Pour une fois, ces autorités n'ont pas fait preuve ni d'hypocrisie ni de vantardise: elles ont su qu'elles méritaient cette appellation et qu'elles la méritent toujours.
Par ailleurs, dès juillet 1962, les routes qui contournent le poste frontière de Zouj Bghal pour passer "clandestinement" d'un pays à l'autre ont été baptisées par les habitants de la bande frontière nord: "Triq el Ouahda" (Route de l'Unité).
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