Une mission d’information souligne les failles de la prévention et préconise des contrôles plus stricts, notamment pour les personnes travaillant en contact avec la jeunesse.
Jean Chichizola
CINQUANTE-TROIS auditions, 60 heures d’enregistrements, sept mois de travail parlementaire… Et au final, une véritable plongée dans « les ser*vices publics face à la radicalisation » réalisée par une mission d’information de l’Assemblée nationale. Ses deux corapporteurs, les députés LR Éric Diard et LREM Éric Poulliat, en appellent à une plus grande vigilance et à un meilleur « criblage » des professions à risque afin d’éviter tout dérapage. En toile de fond de leur travail, un simple constat : la progression de l’islam radical en France depuis des décennies avec, au 29 mai, 21 039 personnes inscrites au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, dont 10 092 fiches actives. Parmi eux, plus de 1 500 « individus exerçant ou ayant exercé une ou plusieurs professions qualifiées de “sensibles” en raison notamment soit de la nature de l’activité exercée (transport terrestre, aérien, activités privées de sécurité…), soit de l’accueil du public ».
Polices municipales et sécurité privée : des contrôles moins stricts
« Si les rapporteurs, précise le texte de la mission, dressent un constat plutôt rassurant du traitement de la radicalisation dans le personnel des forces de sécurité et de la justice, ils tiennent en revanche à faire part de leurs préoccupations en ce qui concerne les polices municipales et, plus encore, la sécurité privée. Ces secteurs font l’objet de contrôles moins stricts, alors même que leurs membres remplissent des missions de sécurité et peuvent être armés ». « Il y a là matière à vigilance, notent les rapporteurs, d’autant plus que des milliers d’agents de sécurité vont être recrutés en vue des Jeux olympiques de Paris en 2024. » Un renforcement des contrôles et la création « d’un corps d’inspection » des po*lices municipales sont proposés.
Santé : des référents radicalisation à mi-temps
Le rapport constate « que la politique de prévention et de détection de la radicalisation reste encore peu développée au sein du service public de santé ». Il est ainsi proposé de « prévoir des postes dédiés à temps plein pour les référents “radicalisation” des agences régionales de santé » et de les faire bénéficier « de remontées d’informations concernant des éventuels cas de radicalisation d’usagers ou d’agents ». Selon les députés, il faudrait aussi « réaliser des enquêtes administratives au moment du recrutement des personnels soignants ».
Universités : la prévention, terra incognita
À titre d’exemple, le rapport note que, lors de son audition, le préfet de police Michel Delpuech soulignait « que, concernant l’enseignement supérieur, aucun protocole institutionnel n’avait été défini entre les universités parisiennes et la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) ». « Il y a, selon lui, poursuit le texte, une cer*taine frilosité à communiquer auprès des services de police, la DRPP n’ayant *jamais à ce jour été destinataire d’un *signalement provenant d’une université. Tout juste existe-t-il quelques contacts informels avec la vice-chancellerie des Universités de Paris, une université et un IUT. » Le rapport souligne l’intérêt d’un dispositif mis en place à Toulon pour « détecter les signaux faibles concernant les étudiants aussi bien que les agents et, le cas échéant, (…) passer le relais aux services de renseignement. Le référent radicalisation est ainsi en lien avec la préfecture et avec le renseignement territorial ». Les rapporteurs proposent que dans chaque université soit mis en place « un dispositif de vigilance, reposant notamment sur la nomination d’un référent radicalisation et la création d’un comité de sûreté ».
Sport : une radicalisation mal mesurée et contrôlée
Selon les rapporteurs, « la radicalisation islamiste dans le cadre de la pratique sportive est susceptible de revêtir diverses formes. Celles-ci peuvent aller de la prière collective dans les vestiaires, voire pendant les compétitions, à la nourriture exclusivement halal et à l’obligation du port du caleçon dans la douche. Certains individus refusent de s’incliner devant leur adversaire au motif qu’on ne s’incline que devant Allah. En ce qui concerne les tenues vestimentaires, les leggings qui couvrent toutes les parties du corps, les hidjabs et les voiles se répandent dans la pratique sportive et compétitive. Certains règlements interdisent ce type de vêtements. À l’inverse, il semblerait que des fédérations délégataires avalisent certaines de ces tenues (port de legging autorisé, par exemple). En cas de conflit, le voile est parfois remplacé par un bandana. Certains clubs ne sont pas ouverts aux femmes ou bien celles-ci ne peuvent s’y entraîner en même temps que les hommes ». Une « fédération de sports de combat aurait même demandé à son directeur technique national de prendre en compte les fêtes religieuses pour établir le calendrier des compétitions ».
Dans ce contexte, « la radicalisation des encadrants est particulièrement dangereuse, compte tenu de l’influence que ceux-ci peuvent avoir, notamment auprès des plus jeunes ». « Les sports les plus concernés par cette dérive sont les sports de combat (la lutte, les différentes boxes, le MMA, le jiu-jitsu brésilien…), la musculation, le football (…), le “foot en salle” ou encore le tir sportif. »
Les rapporteurs appellent à « une prise de conscience urgente » du problème…
Des surveillants radicalisés dans un centre pour mineurs
Jean Chichizola
EN PLEINE alerte antiterroriste ininterrompue depuis 2015, après des années d’efforts déployés sur la prévention et la lutte contre la radicalisation, l’affaire est pour le moins déconcertante. Il y a quelques jours, l’Administration pénitentiaire a été destinataire d’un message d’alerte des services de renseignement des Bouches-du-Rhône. Un message qui illustre les difficultés liées à la prévention de la radicalisation dans l’administration. Selon cette alerte, trois surveillants doivent être prochainement affectés à un établissement pénitentiaire pour mineurs du département. Or leur profil pose problème. Ils sont en effet inscrits au fichier de traitement des signalements pour la pré*vention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT, qui comptait 482 inscrits dans les Bouches-du-Rhône fin 2018). L’un d’eux aurait par ailleurs été impliqué dans une affaire de contrefaçon. Enfin, ces trois surveillants ont été, avec deux de leurs collègues, au cœur de l’affaire dite « des barbus des Baumettes », du nom de la prison marseillaise bien connue.
« Le gang de barbus »
L’histoire remonte à 2015 après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. À l’époque, ce petit groupe avait été surnommé par des collègues « le gang de barbus » et « l’équipe à Daech ». Des tensions se développent même avec certains responsables hiérarchiques. Les surveillants mis en cause dénoncent une « islamophobie » rampante, mais l’Administration pénitentiaire, garante de la laïcité, mais aussi et surtout de la sécurité, s’intéresse quant à elle à la compatibilité de certains comportements. Les intéressés sont convoqués, puis font l’objet en 2016 d’une inspection interne sur ces soupçons de radicalisation. Avec une difficulté classique : les éléments recueillis par les services de renseignement ne peuvent être rendus publics ou communiqués aux intéressés. De facto, les cinq des Baumettes ont été maintenus au sein de l’Administration pénitentiaire, mais « dispersés » plus ou moins volontairement dans d’autres établissements des régions Paca et Corse. Avant que l’Administration n’ait l’idée, visiblement peu appréciée des services de renseignement, de regrouper trois d’entre eux dans un centre pour mineurs… Une affaire rendue encore plus sensible après les soupçons de radicalisation islamiste révélés début 2019, cette fois dans la région voisine d’Occitanie (Lavaur et Seysses), contre deux autres surveillants inscrits au *FSPRT et faisant partie d’un groupe de plusieurs autres fonctionnaires au comportement suspect… J. C.
Jean Chichizola
CINQUANTE-TROIS auditions, 60 heures d’enregistrements, sept mois de travail parlementaire… Et au final, une véritable plongée dans « les ser*vices publics face à la radicalisation » réalisée par une mission d’information de l’Assemblée nationale. Ses deux corapporteurs, les députés LR Éric Diard et LREM Éric Poulliat, en appellent à une plus grande vigilance et à un meilleur « criblage » des professions à risque afin d’éviter tout dérapage. En toile de fond de leur travail, un simple constat : la progression de l’islam radical en France depuis des décennies avec, au 29 mai, 21 039 personnes inscrites au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, dont 10 092 fiches actives. Parmi eux, plus de 1 500 « individus exerçant ou ayant exercé une ou plusieurs professions qualifiées de “sensibles” en raison notamment soit de la nature de l’activité exercée (transport terrestre, aérien, activités privées de sécurité…), soit de l’accueil du public ».
Polices municipales et sécurité privée : des contrôles moins stricts
« Si les rapporteurs, précise le texte de la mission, dressent un constat plutôt rassurant du traitement de la radicalisation dans le personnel des forces de sécurité et de la justice, ils tiennent en revanche à faire part de leurs préoccupations en ce qui concerne les polices municipales et, plus encore, la sécurité privée. Ces secteurs font l’objet de contrôles moins stricts, alors même que leurs membres remplissent des missions de sécurité et peuvent être armés ». « Il y a là matière à vigilance, notent les rapporteurs, d’autant plus que des milliers d’agents de sécurité vont être recrutés en vue des Jeux olympiques de Paris en 2024. » Un renforcement des contrôles et la création « d’un corps d’inspection » des po*lices municipales sont proposés.
Santé : des référents radicalisation à mi-temps
Le rapport constate « que la politique de prévention et de détection de la radicalisation reste encore peu développée au sein du service public de santé ». Il est ainsi proposé de « prévoir des postes dédiés à temps plein pour les référents “radicalisation” des agences régionales de santé » et de les faire bénéficier « de remontées d’informations concernant des éventuels cas de radicalisation d’usagers ou d’agents ». Selon les députés, il faudrait aussi « réaliser des enquêtes administratives au moment du recrutement des personnels soignants ».
Universités : la prévention, terra incognita
À titre d’exemple, le rapport note que, lors de son audition, le préfet de police Michel Delpuech soulignait « que, concernant l’enseignement supérieur, aucun protocole institutionnel n’avait été défini entre les universités parisiennes et la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) ». « Il y a, selon lui, poursuit le texte, une cer*taine frilosité à communiquer auprès des services de police, la DRPP n’ayant *jamais à ce jour été destinataire d’un *signalement provenant d’une université. Tout juste existe-t-il quelques contacts informels avec la vice-chancellerie des Universités de Paris, une université et un IUT. » Le rapport souligne l’intérêt d’un dispositif mis en place à Toulon pour « détecter les signaux faibles concernant les étudiants aussi bien que les agents et, le cas échéant, (…) passer le relais aux services de renseignement. Le référent radicalisation est ainsi en lien avec la préfecture et avec le renseignement territorial ». Les rapporteurs proposent que dans chaque université soit mis en place « un dispositif de vigilance, reposant notamment sur la nomination d’un référent radicalisation et la création d’un comité de sûreté ».
Sport : une radicalisation mal mesurée et contrôlée
Selon les rapporteurs, « la radicalisation islamiste dans le cadre de la pratique sportive est susceptible de revêtir diverses formes. Celles-ci peuvent aller de la prière collective dans les vestiaires, voire pendant les compétitions, à la nourriture exclusivement halal et à l’obligation du port du caleçon dans la douche. Certains individus refusent de s’incliner devant leur adversaire au motif qu’on ne s’incline que devant Allah. En ce qui concerne les tenues vestimentaires, les leggings qui couvrent toutes les parties du corps, les hidjabs et les voiles se répandent dans la pratique sportive et compétitive. Certains règlements interdisent ce type de vêtements. À l’inverse, il semblerait que des fédérations délégataires avalisent certaines de ces tenues (port de legging autorisé, par exemple). En cas de conflit, le voile est parfois remplacé par un bandana. Certains clubs ne sont pas ouverts aux femmes ou bien celles-ci ne peuvent s’y entraîner en même temps que les hommes ». Une « fédération de sports de combat aurait même demandé à son directeur technique national de prendre en compte les fêtes religieuses pour établir le calendrier des compétitions ».
Dans ce contexte, « la radicalisation des encadrants est particulièrement dangereuse, compte tenu de l’influence que ceux-ci peuvent avoir, notamment auprès des plus jeunes ». « Les sports les plus concernés par cette dérive sont les sports de combat (la lutte, les différentes boxes, le MMA, le jiu-jitsu brésilien…), la musculation, le football (…), le “foot en salle” ou encore le tir sportif. »
Les rapporteurs appellent à « une prise de conscience urgente » du problème…
Des surveillants radicalisés dans un centre pour mineurs
Jean Chichizola
EN PLEINE alerte antiterroriste ininterrompue depuis 2015, après des années d’efforts déployés sur la prévention et la lutte contre la radicalisation, l’affaire est pour le moins déconcertante. Il y a quelques jours, l’Administration pénitentiaire a été destinataire d’un message d’alerte des services de renseignement des Bouches-du-Rhône. Un message qui illustre les difficultés liées à la prévention de la radicalisation dans l’administration. Selon cette alerte, trois surveillants doivent être prochainement affectés à un établissement pénitentiaire pour mineurs du département. Or leur profil pose problème. Ils sont en effet inscrits au fichier de traitement des signalements pour la pré*vention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT, qui comptait 482 inscrits dans les Bouches-du-Rhône fin 2018). L’un d’eux aurait par ailleurs été impliqué dans une affaire de contrefaçon. Enfin, ces trois surveillants ont été, avec deux de leurs collègues, au cœur de l’affaire dite « des barbus des Baumettes », du nom de la prison marseillaise bien connue.
« Le gang de barbus »
L’histoire remonte à 2015 après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. À l’époque, ce petit groupe avait été surnommé par des collègues « le gang de barbus » et « l’équipe à Daech ». Des tensions se développent même avec certains responsables hiérarchiques. Les surveillants mis en cause dénoncent une « islamophobie » rampante, mais l’Administration pénitentiaire, garante de la laïcité, mais aussi et surtout de la sécurité, s’intéresse quant à elle à la compatibilité de certains comportements. Les intéressés sont convoqués, puis font l’objet en 2016 d’une inspection interne sur ces soupçons de radicalisation. Avec une difficulté classique : les éléments recueillis par les services de renseignement ne peuvent être rendus publics ou communiqués aux intéressés. De facto, les cinq des Baumettes ont été maintenus au sein de l’Administration pénitentiaire, mais « dispersés » plus ou moins volontairement dans d’autres établissements des régions Paca et Corse. Avant que l’Administration n’ait l’idée, visiblement peu appréciée des services de renseignement, de regrouper trois d’entre eux dans un centre pour mineurs… Une affaire rendue encore plus sensible après les soupçons de radicalisation islamiste révélés début 2019, cette fois dans la région voisine d’Occitanie (Lavaur et Seysses), contre deux autres surveillants inscrits au *FSPRT et faisant partie d’un groupe de plusieurs autres fonctionnaires au comportement suspect… J. C.
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