Kimo, Hakim de son vrai nom, fils du voisin de mon frère, est entrain de re-re-reprendre son cours de français...
- Comme ça Kimo, t'as de la misère en français LOL ?
- Aya ba3adni kho (laisse-moi tranquille).
- LOL, OK Kimo, sérieusement, pourquoi t'as coulé ta session.
- Ben, c'est à cause du zéro que la prof m'a donné... Franchement, j'étais pas le seul à avoir plagié un peu. Fallait lire Camus et répondre à la question : Peut-on dire que les personnages de -Les Justes- d'Albert Camus sont prêts à tout pour atteindre leur idéal ?
- Et alors ?
- Pffff, c'est plate à mort man, l'as-tu lu toi ?
- Non, de quoi il parle au juste ?
- Ch'ai pas, y'a pas d'histoire man, y se passe rien.
- LOL. Bien.
C'est pas évident comme sujet de rédaction quand t'as 18 ans, étudiant dans un collège de Montréal ou t'as coulé ta 1ère année et que tu re-re-recoules ton cours de français... Atteindre son idéal, tu sais pas c'est quoi, Camus pas trop non plus, et si en plus t'es allophone, d'origine algérienne, issu de l'école fondamentale, et que tu massacres le français depuis tout petit, oh la la, c'est mal parti comme on dit.
À moins que...
La rédaction de ce travail devait se faire à la maison. Si vous voulez mon avis, c'était tenter le diable. Dans l'intervalle, Kimo l'algérien s'est débrouillé pour dégoter la copie d'un élève qui avait obtenu un 94 sur cent pour le même travail l'an passé, Kimo a payé le service d'un trio Humberger chez le McDonald du coin où il travaille à temps partiel les fin de semaine, et ni vu ni connu, il a remis un travail presque parfait. Dans la marge, la prof a écrit ses commentaires: français impeccable, analyse fine et approfondie de la question posée. Bravo. Et zéro. Parce que faudrait quand même pas me prendre pour une conne !
Ben quoi, yanâal dine babak el-kelb ya rkhissa yalli matesouèche ? s'est offusqué Kimo. C'est de l'algérien, ça veut dire : « Je ne vous permets pas, madame, de m'accuser de plagiat ». Kimo était outré. On l'accusait d'être un tricheur. Bon OK, c'est vrai un peu, a-t-il admis, mais c'est pas une question de vérité, c'est une question d'honneur, de Nif. Notons que chez le jeune Algérien mâle, tout est question de Nif et d'honneur. Et de tout son Nif, Kimo refusait ce zéro infamant. La prof lui offre alors de se prêter à un petit exercice qui confirmera sa soudaine et miraculeuse maîtrise du français. Kimo accepte, puis refuse, puis menace, et accepte de nouveau le test, mais oublie de s'y présenter, et c'est ici que l'histoire devient drôle, il menacera plutôt d'aller voir un avocat pour défendre sa cause, comme l'a fait déjà un autre élève de l'école et qui a eu gain de cause. Ben quoi, pour 50$, l'avocat envoie une mise en demeure de régler l'affaire avant qu'elle ne prenne une tournure légale.
Du côté du bureau de la direction du collège, on n'aime pas du tout la tournure légale que risque de prendre l'incident. Un avocat ? Des poursuites ? Des tribunaux ? Et la prof qui doit s'absenter pour se présenter au tribunal comme la dernière fois, et, et... La directrice convoque la prof et le père de Kimo :
Zéro, c'est bien peu, chuchote la directrice...
C'est la note convenue pour un plagiat dans tous les établissements scolaires, répond la prof en rappelant que le plagiat est la négation même de l'école, du moins de l'une des valeurs qui fondent sa mission : l'honnêteté intellectuelle.
Plagiat, plagiat c'est vous qui le dites, rétorque le père... La directrice opine du bonnet et semble appuyer le père.
Comment cela, c'est moi qui le dis ? Vous n'êtes plus d'accord tout à coup ? Vous avez constaté, comme moi, l'énorme écart qui sépare les copies antérieures de Kimo et son dernier travail...
Bien sûr, concède la directrice, bien sûr le contraste est patent...
Faut le prouver devant la cour, dit le père, ce sera plus difficile à prouver...
Quelle cour ?
Qui sait si le juge qui entendra notre affaire...
Quel juge ? Quelle affaire ?
Finalement, la directrice évoque la possibilité de changer le zéro en note de passage, bref elle suggère d'enterrer cet incident dérangeant.
La prof exprime sa stupeur. Ébranlée. Bref, suite et fin de l'incident : avec l'appui de ses collègues du département de français, la prof a finalement obtenu que Kimo se soumette à un test le 13 décembre dernier. Le 15, le comité de révision rendait sa décision : la note zéro est irrévocablement maintenue. Voilà pourquoi Kimo est entrain de reprendre son cours de français... Mais non, y'a pas eu de poursuites, c'était rien que du bluff.
Ce matin, j'ai petit-déjeuné au McDo, là où travaille Kimo... Deux oeufs tournés avec saucisse Kimo, et fais-moi quatre toasts au lieu de deux, oui un gros café avec... Pis, comment qu'elle va ta prof de français lol ? Aya, baraket man, lâche moi les baskets... Kimo, bougre de con, je te lâcherai pas, pas avant que tu ne réponde à ma question... De quessé ?... Ben, je te l'ai déjè posée 15 fois, as-tu oui ou non lu ce putain de livre lol ?... Quessé tu mets dans ton café, crème ou lait ?
Il a fini par avouer : Pffff, j'ai arrêté à la page 12 ou 13, j'ai jamais été capable d'aller plus loin, trop mal à la tête...
Je le savais lol.
- Comme ça Kimo, t'as de la misère en français LOL ?
- Aya ba3adni kho (laisse-moi tranquille).
- LOL, OK Kimo, sérieusement, pourquoi t'as coulé ta session.
- Ben, c'est à cause du zéro que la prof m'a donné... Franchement, j'étais pas le seul à avoir plagié un peu. Fallait lire Camus et répondre à la question : Peut-on dire que les personnages de -Les Justes- d'Albert Camus sont prêts à tout pour atteindre leur idéal ?
- Et alors ?
- Pffff, c'est plate à mort man, l'as-tu lu toi ?
- Non, de quoi il parle au juste ?
- Ch'ai pas, y'a pas d'histoire man, y se passe rien.
- LOL. Bien.
C'est pas évident comme sujet de rédaction quand t'as 18 ans, étudiant dans un collège de Montréal ou t'as coulé ta 1ère année et que tu re-re-recoules ton cours de français... Atteindre son idéal, tu sais pas c'est quoi, Camus pas trop non plus, et si en plus t'es allophone, d'origine algérienne, issu de l'école fondamentale, et que tu massacres le français depuis tout petit, oh la la, c'est mal parti comme on dit.
À moins que...
La rédaction de ce travail devait se faire à la maison. Si vous voulez mon avis, c'était tenter le diable. Dans l'intervalle, Kimo l'algérien s'est débrouillé pour dégoter la copie d'un élève qui avait obtenu un 94 sur cent pour le même travail l'an passé, Kimo a payé le service d'un trio Humberger chez le McDonald du coin où il travaille à temps partiel les fin de semaine, et ni vu ni connu, il a remis un travail presque parfait. Dans la marge, la prof a écrit ses commentaires: français impeccable, analyse fine et approfondie de la question posée. Bravo. Et zéro. Parce que faudrait quand même pas me prendre pour une conne !
Ben quoi, yanâal dine babak el-kelb ya rkhissa yalli matesouèche ? s'est offusqué Kimo. C'est de l'algérien, ça veut dire : « Je ne vous permets pas, madame, de m'accuser de plagiat ». Kimo était outré. On l'accusait d'être un tricheur. Bon OK, c'est vrai un peu, a-t-il admis, mais c'est pas une question de vérité, c'est une question d'honneur, de Nif. Notons que chez le jeune Algérien mâle, tout est question de Nif et d'honneur. Et de tout son Nif, Kimo refusait ce zéro infamant. La prof lui offre alors de se prêter à un petit exercice qui confirmera sa soudaine et miraculeuse maîtrise du français. Kimo accepte, puis refuse, puis menace, et accepte de nouveau le test, mais oublie de s'y présenter, et c'est ici que l'histoire devient drôle, il menacera plutôt d'aller voir un avocat pour défendre sa cause, comme l'a fait déjà un autre élève de l'école et qui a eu gain de cause. Ben quoi, pour 50$, l'avocat envoie une mise en demeure de régler l'affaire avant qu'elle ne prenne une tournure légale.
Du côté du bureau de la direction du collège, on n'aime pas du tout la tournure légale que risque de prendre l'incident. Un avocat ? Des poursuites ? Des tribunaux ? Et la prof qui doit s'absenter pour se présenter au tribunal comme la dernière fois, et, et... La directrice convoque la prof et le père de Kimo :
Zéro, c'est bien peu, chuchote la directrice...
C'est la note convenue pour un plagiat dans tous les établissements scolaires, répond la prof en rappelant que le plagiat est la négation même de l'école, du moins de l'une des valeurs qui fondent sa mission : l'honnêteté intellectuelle.
Plagiat, plagiat c'est vous qui le dites, rétorque le père... La directrice opine du bonnet et semble appuyer le père.
Comment cela, c'est moi qui le dis ? Vous n'êtes plus d'accord tout à coup ? Vous avez constaté, comme moi, l'énorme écart qui sépare les copies antérieures de Kimo et son dernier travail...
Bien sûr, concède la directrice, bien sûr le contraste est patent...
Faut le prouver devant la cour, dit le père, ce sera plus difficile à prouver...
Quelle cour ?
Qui sait si le juge qui entendra notre affaire...
Quel juge ? Quelle affaire ?
Finalement, la directrice évoque la possibilité de changer le zéro en note de passage, bref elle suggère d'enterrer cet incident dérangeant.
La prof exprime sa stupeur. Ébranlée. Bref, suite et fin de l'incident : avec l'appui de ses collègues du département de français, la prof a finalement obtenu que Kimo se soumette à un test le 13 décembre dernier. Le 15, le comité de révision rendait sa décision : la note zéro est irrévocablement maintenue. Voilà pourquoi Kimo est entrain de reprendre son cours de français... Mais non, y'a pas eu de poursuites, c'était rien que du bluff.
Ce matin, j'ai petit-déjeuné au McDo, là où travaille Kimo... Deux oeufs tournés avec saucisse Kimo, et fais-moi quatre toasts au lieu de deux, oui un gros café avec... Pis, comment qu'elle va ta prof de français lol ? Aya, baraket man, lâche moi les baskets... Kimo, bougre de con, je te lâcherai pas, pas avant que tu ne réponde à ma question... De quessé ?... Ben, je te l'ai déjè posée 15 fois, as-tu oui ou non lu ce putain de livre lol ?... Quessé tu mets dans ton café, crème ou lait ?
Il a fini par avouer : Pffff, j'ai arrêté à la page 12 ou 13, j'ai jamais été capable d'aller plus loin, trop mal à la tête...
Je le savais lol.
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