La corruption politique a accompagné l'histoire humaine à travers les âges. Elle fut et continue d'être traitée et analysée sous ses différents traits juridiques, politiques, philosophiques et économiques voire anthropologiques.
Aristote considère la corruption comme "une caractéristique du pouvoir [i]" et non "pas un défaut naturel des hommes". Machiavel l'associe à une régression de la liberté car pour lui "une société corrompue est une société dans laquelle les hommes ne savent plus exercer leur liberté [ii]". Pour sa part, Max Weber [iii] distingue entre la corruption qui vise le personnel politico-administratif dans un système de domination rationnelle-légale et celle du despote qui distribue des faveurs pour entretenir la loyauté des "sujets", dans un système patrimonial.
Pour sa part, Montesquieu situe le commencement de la corruption "presque toujours par celle des principes [iv]". La corruption a également intéressé la création littéraire et artistique. Shakespeare en a fait un de ses sujets préférés sous forme de tragédies comme "Hamlet" et "Richard III" ou sous forme de comédie avec "Mesure pour mesure".
La corruption, dans ses formes les plus variées, ne se limite pas à une sphère géographique précise, ou à un régime politique déterminé et encore moins elle est conditionnée par des considérations culturalistes, comme certains essentialistes tendent de l'expliquer. Elle est assujettie plutôt à la nature du système de gouvernance, au degré de transparence et à la force des institutions.
State Capture ou la mainmise sur l'État
A l'instar d'autres économies en transition, la corruption en Algérie a pris une nouvelle image, loin des petits "kahoua" (café) ou "tchipa" (pots de vin) offerts ou plutôt soutirés pour accéder à un service public. Ainsi, la corruption en Algérie se manifeste sous deux formes qui se confondent parfois et interagissent souvent.
Son premier visage est la "grande corruption" à haut niveau, grande en raison des statuts du personnel impliqué, grande par le discrédit qu'elle jette sur les institutions et grande par son ampleur inquiétante.
C'est une forme agressive, complexe et sophistiquée de corruption des hauts décideurs qui utilisent leur position officielle pour promouvoir leur bien-être, leur statut et leur pouvoir personnel en violant les lois et les règles des marchés publics en contrepartie de juteuses et généreuses commissions et cela au détriment du Trésor public (scandales Autoroute, Sonatrach 1 et 2, SNC-Lavalin,) se soldant par des surévaluations des coûts des projets et une qualité douteuse des réalisations.
Le deuxième visage de la corruption en Algérie est cette forme de "State capture" [v] où les nouveaux oligarques détournent l'appareil administratif, politique voire judiciaire pour influencer l'élaboration et la conception de politiques et de lois avec des règles de jeux avantageuses à leurs intérêts, ce qui va à contre-sens du caractère impersonnel de la norme de droit.
C'est une forme de corruption prédatrice, de mainmise du pouvoir économico-financier sur les leviers des décisions politiques, soit en achetant le personnel public, ou en plaçant leurs protégés dans des postes névralgiques ou dans des institutions gouvernementales élues.
Cette captation de l'État algérien est d'autant plus facilitée par la collusion de l'élite politico-administrative avec les détenteurs de l'argent qui mettent au service des politiciens, lors de campagnes électorales, leurs moyens financiers dissuasifs.
En fait, le degré de captation de l'État est déterminé par la nature de la gouvernance et il est proportionnel à l'ampleur des réformes économiques et politiques. Il y a un lien de causalité entre la mauvaise gouvernance, la médiocrité du personnel politique et l'ampleur du contrôle des institutions par le pouvoir de l'argent. Plus les reformes sont timides, grande est l'emprise des oligarques sur le système étatique. Plus la mauvaise gouvernance est répandue, plus l'ampleur de la corruption est large.
Quand "la corruption est en force, le talent est rare. Ainsi, la corruption est l'arme de la médiocrité qui abonde, et vous en sentirez partout la pointe"[vii]. Par contre, une gouvernance démocratique est mieux armée pour résister à la pression de la puissance de l'argent, à la culture de patronage et aux pratiques de népotisme avec comme atout majeur la règle de droit.
Lobbyistes, rabatteurs et corrupteurs
La corruption politique engendre une catégorie d'intermédiaires qui jouent le rôle d'entremetteurs entre l'entreprise et l'administration. Ces rabatteurs, appelés pudiquement consultants, qui ont leurs entrées auprès des cabinets des décideurs assurent le contact, la négociation et les échanges avec le corrupteur et le corrompu. L'exemple le plus médiatisé est celui de Farid Bedjaoui et son présumé rôle dans les scandales Saipem- Eni/Sonatrach, SNC-Lavalin.
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Aristote considère la corruption comme "une caractéristique du pouvoir [i]" et non "pas un défaut naturel des hommes". Machiavel l'associe à une régression de la liberté car pour lui "une société corrompue est une société dans laquelle les hommes ne savent plus exercer leur liberté [ii]". Pour sa part, Max Weber [iii] distingue entre la corruption qui vise le personnel politico-administratif dans un système de domination rationnelle-légale et celle du despote qui distribue des faveurs pour entretenir la loyauté des "sujets", dans un système patrimonial.
Pour sa part, Montesquieu situe le commencement de la corruption "presque toujours par celle des principes [iv]". La corruption a également intéressé la création littéraire et artistique. Shakespeare en a fait un de ses sujets préférés sous forme de tragédies comme "Hamlet" et "Richard III" ou sous forme de comédie avec "Mesure pour mesure".
La corruption, dans ses formes les plus variées, ne se limite pas à une sphère géographique précise, ou à un régime politique déterminé et encore moins elle est conditionnée par des considérations culturalistes, comme certains essentialistes tendent de l'expliquer. Elle est assujettie plutôt à la nature du système de gouvernance, au degré de transparence et à la force des institutions.
State Capture ou la mainmise sur l'État
A l'instar d'autres économies en transition, la corruption en Algérie a pris une nouvelle image, loin des petits "kahoua" (café) ou "tchipa" (pots de vin) offerts ou plutôt soutirés pour accéder à un service public. Ainsi, la corruption en Algérie se manifeste sous deux formes qui se confondent parfois et interagissent souvent.
Son premier visage est la "grande corruption" à haut niveau, grande en raison des statuts du personnel impliqué, grande par le discrédit qu'elle jette sur les institutions et grande par son ampleur inquiétante.
C'est une forme agressive, complexe et sophistiquée de corruption des hauts décideurs qui utilisent leur position officielle pour promouvoir leur bien-être, leur statut et leur pouvoir personnel en violant les lois et les règles des marchés publics en contrepartie de juteuses et généreuses commissions et cela au détriment du Trésor public (scandales Autoroute, Sonatrach 1 et 2, SNC-Lavalin,) se soldant par des surévaluations des coûts des projets et une qualité douteuse des réalisations.
Le deuxième visage de la corruption en Algérie est cette forme de "State capture" [v] où les nouveaux oligarques détournent l'appareil administratif, politique voire judiciaire pour influencer l'élaboration et la conception de politiques et de lois avec des règles de jeux avantageuses à leurs intérêts, ce qui va à contre-sens du caractère impersonnel de la norme de droit.
C'est une forme de corruption prédatrice, de mainmise du pouvoir économico-financier sur les leviers des décisions politiques, soit en achetant le personnel public, ou en plaçant leurs protégés dans des postes névralgiques ou dans des institutions gouvernementales élues.
Cette captation de l'État algérien est d'autant plus facilitée par la collusion de l'élite politico-administrative avec les détenteurs de l'argent qui mettent au service des politiciens, lors de campagnes électorales, leurs moyens financiers dissuasifs.
En fait, le degré de captation de l'État est déterminé par la nature de la gouvernance et il est proportionnel à l'ampleur des réformes économiques et politiques. Il y a un lien de causalité entre la mauvaise gouvernance, la médiocrité du personnel politique et l'ampleur du contrôle des institutions par le pouvoir de l'argent. Plus les reformes sont timides, grande est l'emprise des oligarques sur le système étatique. Plus la mauvaise gouvernance est répandue, plus l'ampleur de la corruption est large.
Quand "la corruption est en force, le talent est rare. Ainsi, la corruption est l'arme de la médiocrité qui abonde, et vous en sentirez partout la pointe"[vii]. Par contre, une gouvernance démocratique est mieux armée pour résister à la pression de la puissance de l'argent, à la culture de patronage et aux pratiques de népotisme avec comme atout majeur la règle de droit.
Lobbyistes, rabatteurs et corrupteurs
La corruption politique engendre une catégorie d'intermédiaires qui jouent le rôle d'entremetteurs entre l'entreprise et l'administration. Ces rabatteurs, appelés pudiquement consultants, qui ont leurs entrées auprès des cabinets des décideurs assurent le contact, la négociation et les échanges avec le corrupteur et le corrompu. L'exemple le plus médiatisé est celui de Farid Bedjaoui et son présumé rôle dans les scandales Saipem- Eni/Sonatrach, SNC-Lavalin.
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