Huit candidats, privés de leurs libertés et soumis à l'autorité d'un dictateur virtuel, ont été choisis pour être les visages d'une télé-réalité polémique.
Les yeux bandés et les oreilles bouchées, huit jeunes Suédois ont été enfermés il y a quelques semaines dans un hôpital désaffecté, dont aucun d'entre eux ne connaissait l'emplacement exact. Scrupuleusement sélectionnés pour leurs profils et opinions marqués, ils y ont découvert leur minimaliste lieu de vie pour huit jours, et le sombre décor d'un programme de télé-réalité baptisé Diktatorn ("Le dictateur"). Le concept, diffusé par la chaîne de télévision publique SVT2, propose une réflexion sur les fondements de la démocratie et le besoin vital de la défendre. Il met donc en scène un despote invisible, secondé par un "guide", qui exerce son autorité via des messages manuscrits et des signaux lumineux.
Privés de leurs libertés individuelles, les quatre jeunes filles et quatre garçons âgés de 18 à 24 ans ont d'entrée été soumis à des règles strictes. Lors de la première émission, ils ont dû sélectionner cinq objets de la vie quotidienne, et cinq seulement, qui leur paraissaient vitaux. La décision, collégiale, devait prendre en considération les besoins de chacun. "Le dictateur leur a soumis une liste de quinze produits qui comprenait du savon, des brosses à dents, des cigarettes ou encore des lunettes, raconte Lars Wickström, producteur de l'émission. L'un des candidats en portait, et le groupe s'est montré solidaire en les choisissant. Mais, plus surprenant, ils ont préféré le maquillage au papier toilette. L'intérêt du programme réside dans ce genre de décisions."
La liberté d'expression et ses limites
Imaginé au printemps dernier, le programme se pose en réaction à une récente étude, menée auprès de jeunes Suédois (18-29 ans). "Elle a révélé que pour un quart d'entre eux, l'intérêt de vivre en démocratie n'est pas essentiel. La dictature ne leur fait pas peur, elle les intrigue", regrette Charlotte Sifvert, productrice exécutive. Diktatorn, violemment critiqué par les médias scandinaves avant sa diffusion, a pour but de démontrer le contraire. Chaque jour, les candidats passent plusieurs heures à exécuter des tâches répétitives et sans utilité. Par exemple, classer par couleur des centaines de trombones disposés sur une table. "À l'écran, le spectateur voit dans le même temps défiler des images des conditions de travail dans les goulags ou les mines de diamant africaines. Il peut se rendre compte à quel point, dans la vraie vie, la dictature peut être un cauchemar", poursuit Charlotte Sifvert.
Le maigre pactole promis au vainqueur, 11 000 euros, est presque anecdotique. Ni les candidats ni les spectateurs ne savent comment l'empocher. "La somme mise en jeu peut motiver certains candidats pour surmonter ces conditions extrêmes, commente la productrice exécutive. Mais celui qui se conforme pour remporter le jeu n'est-il pas la parfaite victime de la dictature ?" Preuve que les candidats ne sont pas prêts à tout pour l'argent, deux d'entre eux ont déjà été exclus, pour avoir remis en question les décisions arbitraires de leur leader. "Il n'envoie qu'une lettre par jour, et même parfois aucune, détaille Lars Wickström. Il contrôle la société par le silence. Cela en perturbe certains, qui ne peuvent ni lui parler ni le rencontrer."
Jimmy Byström a quitté l'émission lors du troisième et dernier épisode diffusé à ce jour. Sympathisant des Démocrates suédois, parti nationaliste anti-immigration et troisième force du pays depuis les législatives de septembre dernier (12%), il a été au centre d'une vive polémique ces dernières semaines. Une photo du candidat de 24 ans, vêtu d'un uniforme nazi, a en effet été retrouvée sur les réseaux sociaux. "Nous savions à quel parti il était affilié, commente Charlotte Sifvert. Nous avions besoin d'opinions variées pour créer des débats, et c'est la raison même pour laquelle nous l'avons convaincu de participer. Nous n'avions en revanche pas connaissance de cette photo, il va de soi de très mauvais goût. Pour autant, Jimmy a été un personnage important de notre émission, l'un des plus gentils et des plus populaires. Ses opinions ne font pas de lui une mauvaise personne."
le point.
Les yeux bandés et les oreilles bouchées, huit jeunes Suédois ont été enfermés il y a quelques semaines dans un hôpital désaffecté, dont aucun d'entre eux ne connaissait l'emplacement exact. Scrupuleusement sélectionnés pour leurs profils et opinions marqués, ils y ont découvert leur minimaliste lieu de vie pour huit jours, et le sombre décor d'un programme de télé-réalité baptisé Diktatorn ("Le dictateur"). Le concept, diffusé par la chaîne de télévision publique SVT2, propose une réflexion sur les fondements de la démocratie et le besoin vital de la défendre. Il met donc en scène un despote invisible, secondé par un "guide", qui exerce son autorité via des messages manuscrits et des signaux lumineux.
Privés de leurs libertés individuelles, les quatre jeunes filles et quatre garçons âgés de 18 à 24 ans ont d'entrée été soumis à des règles strictes. Lors de la première émission, ils ont dû sélectionner cinq objets de la vie quotidienne, et cinq seulement, qui leur paraissaient vitaux. La décision, collégiale, devait prendre en considération les besoins de chacun. "Le dictateur leur a soumis une liste de quinze produits qui comprenait du savon, des brosses à dents, des cigarettes ou encore des lunettes, raconte Lars Wickström, producteur de l'émission. L'un des candidats en portait, et le groupe s'est montré solidaire en les choisissant. Mais, plus surprenant, ils ont préféré le maquillage au papier toilette. L'intérêt du programme réside dans ce genre de décisions."
La liberté d'expression et ses limites
Imaginé au printemps dernier, le programme se pose en réaction à une récente étude, menée auprès de jeunes Suédois (18-29 ans). "Elle a révélé que pour un quart d'entre eux, l'intérêt de vivre en démocratie n'est pas essentiel. La dictature ne leur fait pas peur, elle les intrigue", regrette Charlotte Sifvert, productrice exécutive. Diktatorn, violemment critiqué par les médias scandinaves avant sa diffusion, a pour but de démontrer le contraire. Chaque jour, les candidats passent plusieurs heures à exécuter des tâches répétitives et sans utilité. Par exemple, classer par couleur des centaines de trombones disposés sur une table. "À l'écran, le spectateur voit dans le même temps défiler des images des conditions de travail dans les goulags ou les mines de diamant africaines. Il peut se rendre compte à quel point, dans la vraie vie, la dictature peut être un cauchemar", poursuit Charlotte Sifvert.
Le maigre pactole promis au vainqueur, 11 000 euros, est presque anecdotique. Ni les candidats ni les spectateurs ne savent comment l'empocher. "La somme mise en jeu peut motiver certains candidats pour surmonter ces conditions extrêmes, commente la productrice exécutive. Mais celui qui se conforme pour remporter le jeu n'est-il pas la parfaite victime de la dictature ?" Preuve que les candidats ne sont pas prêts à tout pour l'argent, deux d'entre eux ont déjà été exclus, pour avoir remis en question les décisions arbitraires de leur leader. "Il n'envoie qu'une lettre par jour, et même parfois aucune, détaille Lars Wickström. Il contrôle la société par le silence. Cela en perturbe certains, qui ne peuvent ni lui parler ni le rencontrer."
Jimmy Byström a quitté l'émission lors du troisième et dernier épisode diffusé à ce jour. Sympathisant des Démocrates suédois, parti nationaliste anti-immigration et troisième force du pays depuis les législatives de septembre dernier (12%), il a été au centre d'une vive polémique ces dernières semaines. Une photo du candidat de 24 ans, vêtu d'un uniforme nazi, a en effet été retrouvée sur les réseaux sociaux. "Nous savions à quel parti il était affilié, commente Charlotte Sifvert. Nous avions besoin d'opinions variées pour créer des débats, et c'est la raison même pour laquelle nous l'avons convaincu de participer. Nous n'avions en revanche pas connaissance de cette photo, il va de soi de très mauvais goût. Pour autant, Jimmy a été un personnage important de notre émission, l'un des plus gentils et des plus populaires. Ses opinions ne font pas de lui une mauvaise personne."
le point.
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