- il arrive! lança Ouelid en s'avançant vers le bord de la voie ferrée.
la masse de gens fit de même, et bientôt une chaine vivante s'est formée au milieu de la quelle je me tenais, mains dans les poches, exécutant des petits pas pour rester en contact avec mes deux compagnons dont seules les têtes demeuraient visibles.
dans le train, Ouelid me fit face, depuis peu on prenait le train presque quotidiennement ensembles, il ne me connaissait pas et je ne le connaissais pas, mais les usages nous forçaient tout les deux à cesser les vouvoiement et à entreprendre un tutoiement timide.
notre ami commun, ayant fait les présentations depuis peu, s’efforçait de créer une ambiance décontractée, et alors que le train accélérait en produisant un bruit fracassant, je vis une expression d'étonnement apparaitre sur le visage de ouelid, expression accentuée par l'enflement de la boule de tabac coincée entre la molaire et la lèvre... ses yeux m'épiaient suscitant en moi un soudain intérêt pour la discussion silencieuse qu'ils étaient entrain d'avoir à quelques pas de moi... je m'avançais donc vers eux en forçant mes oreilles à capter les quelques mots qui s'échappaient avant que le bruit ambiant ne les dévore.
notre ami commun, qu'on appellera rochdi, semblait répéter la dernière phrase qui avait provoqué la surprise de welid:
- oui c'est un kabyle...
- ah bon, refit Welid en souriant
- oui je suis kabyle et alors? un mécanisme de défense s’enclenchait malgré moi, je sentis mes sens entrain de se mettre en alerte, un tas de réflexions que mon interlocuteur allait probablement faire sur-brillaient dans mon esprit, dont l'une, que je craignais particulièrement et qui semblait se maintenir au-dessus des autres.
- alors, il est comme eux, déduit Welid de ma réponse en regardant vers rochdi
- comme qui? , fis-je
- vous vous prenez toujours pour des gens à part , welid souriait
- qui ca nous? - mon sang commençait à bouillir, mais il fallait comme toujours faire la part des chose, distinguer le premier du second degrés ce qui impliquait du sang froid, du tact et beaucoup d'effort.
- les kabyles
- et vous vous êtes ....? demandai-je à mon tour
- moi je suis chaouis
- les chaouis sont donc un exemple de modestie
- l'autre jour, j'étais à tizi, je demandais à un boulanger le prix du millefeuille, il me répondit: a matchi lélbii3 avec un rire sarcastique
- l'autre jour -répondis-je - j'ai vu un djijli entrain de dépouiller une jeune femme de son sac
en suite, welid se plaça devant moi, me pointa du doigt avec dédain et dit:
- même vous les kabyle d’Alger, vous soutenez les séparatistes, puis il ajouta en regardant rochdi:
- même ceux qui prétendent ne pas être d'accord avec les séparatistes, sont d'accord avec eux dans leur fond
il me fallut un moment pour formuler une remarque capable de le faire taire, me doutant partiellement de son inefficacité, je l'en fit part en riant:
- toi aussi tu es d'accord avec ces ... séparatistes
- moi? fit welid incrédule
- bah oui, qui veux tu que ce soit
il laissa échapper un rire sincère, puis se tut en me fixant comme pour me dire de continuer, ce que je fis immédiatement.
- es-tu avec ou contre ces séparatistes?
- n'importe quoi comme question, pardon mais tu devrais consulter
- oui mais tu ne répond pas à la question - j'insistais en prenant une expression sérieuse sans le vouloir
- bien sur que non, je suis algérien moi, algérien chaoui - fièrement, il bomba le torse
- tu mens
incrédule, il chercha dans le regard de rochdi un soutien qu'il ne trouva pas, celui restais silencieux attendant une réponse de sa part ... probablement, il se ressaisi et me dit:
- tu raconte n'importe quoi
- oui mais tu mens
- saha, comment tu le sais?
- j'ai fait comme toi, tu peux connaitre l'intention des gens, tu peux affirmer que je suis un pro séparatistes kabyles même si je dis que je n'en suis pas un
- pourquoi vous vivez parmi les arabes si vous ne les aimez pas?, changement de sujet
- parce que nous sommes chez nous
- tu es à alger khou, pas à tizi , me dit t-il après avoir repris le contrôle sur lui même
- parce que tu es chez toi toi le chaoui?
- je suis né ici
- moi aussi
- non mais sérieusement, les kabyles sont racistes.
je pris une pause en regardant l'heure qu'il était, bientôt la voix robotique suave et douce annoncerait la prochaine station, rochdi regardait ailleurs, perdu dans ses pensées
- regarde notre cas, j'étais peinard dans mon coins, et tu es venu à la charge avec une avalanche d'accusations
- vous être trop arrogant, mais vous n'avez rien ni personne, sauf lellakoum fatma nsoumer
cette fois-ci, j'ai vu le feu rouge disparaitre et céder la place au feu vert, j'avais carte blanche
- il faut se résigner à accepter la réalité, tu es sous l'emprise d'un complexe persistant, les kabyles sont syadék que tu le veuille ou non, une fois que tu auras admis cette réalité indiscutable, tu auras beaucoup moins mal
un éclat de rire le soulagea, mais le train venait de s'arrêter, en sortant il me promit de régler la discussion la prochaine fois.
une semaine plus tard, nous nous retrouvions au même endroit, je demandais si l'état de sa fillette s'était amélioré, il me répondit qu'elle allait mieux.
non je ne crois pas que les kabyles sont mieux que le reste des algériens, et oui, fatma nsoumer est une source de fierté pour moi.
la masse de gens fit de même, et bientôt une chaine vivante s'est formée au milieu de la quelle je me tenais, mains dans les poches, exécutant des petits pas pour rester en contact avec mes deux compagnons dont seules les têtes demeuraient visibles.
dans le train, Ouelid me fit face, depuis peu on prenait le train presque quotidiennement ensembles, il ne me connaissait pas et je ne le connaissais pas, mais les usages nous forçaient tout les deux à cesser les vouvoiement et à entreprendre un tutoiement timide.
notre ami commun, ayant fait les présentations depuis peu, s’efforçait de créer une ambiance décontractée, et alors que le train accélérait en produisant un bruit fracassant, je vis une expression d'étonnement apparaitre sur le visage de ouelid, expression accentuée par l'enflement de la boule de tabac coincée entre la molaire et la lèvre... ses yeux m'épiaient suscitant en moi un soudain intérêt pour la discussion silencieuse qu'ils étaient entrain d'avoir à quelques pas de moi... je m'avançais donc vers eux en forçant mes oreilles à capter les quelques mots qui s'échappaient avant que le bruit ambiant ne les dévore.
notre ami commun, qu'on appellera rochdi, semblait répéter la dernière phrase qui avait provoqué la surprise de welid:
- oui c'est un kabyle...
- ah bon, refit Welid en souriant
- oui je suis kabyle et alors? un mécanisme de défense s’enclenchait malgré moi, je sentis mes sens entrain de se mettre en alerte, un tas de réflexions que mon interlocuteur allait probablement faire sur-brillaient dans mon esprit, dont l'une, que je craignais particulièrement et qui semblait se maintenir au-dessus des autres.
- alors, il est comme eux, déduit Welid de ma réponse en regardant vers rochdi
- comme qui? , fis-je
- vous vous prenez toujours pour des gens à part , welid souriait
- qui ca nous? - mon sang commençait à bouillir, mais il fallait comme toujours faire la part des chose, distinguer le premier du second degrés ce qui impliquait du sang froid, du tact et beaucoup d'effort.
- les kabyles
- et vous vous êtes ....? demandai-je à mon tour
- moi je suis chaouis
- les chaouis sont donc un exemple de modestie
- l'autre jour, j'étais à tizi, je demandais à un boulanger le prix du millefeuille, il me répondit: a matchi lélbii3 avec un rire sarcastique
- l'autre jour -répondis-je - j'ai vu un djijli entrain de dépouiller une jeune femme de son sac
en suite, welid se plaça devant moi, me pointa du doigt avec dédain et dit:
- même vous les kabyle d’Alger, vous soutenez les séparatistes, puis il ajouta en regardant rochdi:
- même ceux qui prétendent ne pas être d'accord avec les séparatistes, sont d'accord avec eux dans leur fond
il me fallut un moment pour formuler une remarque capable de le faire taire, me doutant partiellement de son inefficacité, je l'en fit part en riant:
- toi aussi tu es d'accord avec ces ... séparatistes
- moi? fit welid incrédule
- bah oui, qui veux tu que ce soit
il laissa échapper un rire sincère, puis se tut en me fixant comme pour me dire de continuer, ce que je fis immédiatement.
- es-tu avec ou contre ces séparatistes?
- n'importe quoi comme question, pardon mais tu devrais consulter
- oui mais tu ne répond pas à la question - j'insistais en prenant une expression sérieuse sans le vouloir
- bien sur que non, je suis algérien moi, algérien chaoui - fièrement, il bomba le torse
- tu mens
incrédule, il chercha dans le regard de rochdi un soutien qu'il ne trouva pas, celui restais silencieux attendant une réponse de sa part ... probablement, il se ressaisi et me dit:
- tu raconte n'importe quoi
- oui mais tu mens
- saha, comment tu le sais?
- j'ai fait comme toi, tu peux connaitre l'intention des gens, tu peux affirmer que je suis un pro séparatistes kabyles même si je dis que je n'en suis pas un
- pourquoi vous vivez parmi les arabes si vous ne les aimez pas?, changement de sujet
- parce que nous sommes chez nous
- tu es à alger khou, pas à tizi , me dit t-il après avoir repris le contrôle sur lui même
- parce que tu es chez toi toi le chaoui?
- je suis né ici
- moi aussi
- non mais sérieusement, les kabyles sont racistes.
je pris une pause en regardant l'heure qu'il était, bientôt la voix robotique suave et douce annoncerait la prochaine station, rochdi regardait ailleurs, perdu dans ses pensées
- regarde notre cas, j'étais peinard dans mon coins, et tu es venu à la charge avec une avalanche d'accusations
- vous être trop arrogant, mais vous n'avez rien ni personne, sauf lellakoum fatma nsoumer
cette fois-ci, j'ai vu le feu rouge disparaitre et céder la place au feu vert, j'avais carte blanche
- il faut se résigner à accepter la réalité, tu es sous l'emprise d'un complexe persistant, les kabyles sont syadék que tu le veuille ou non, une fois que tu auras admis cette réalité indiscutable, tu auras beaucoup moins mal
un éclat de rire le soulagea, mais le train venait de s'arrêter, en sortant il me promit de régler la discussion la prochaine fois.
une semaine plus tard, nous nous retrouvions au même endroit, je demandais si l'état de sa fillette s'était amélioré, il me répondit qu'elle allait mieux.
non je ne crois pas que les kabyles sont mieux que le reste des algériens, et oui, fatma nsoumer est une source de fierté pour moi.
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