Martin Untersinger | Journaliste
Internet, c’est le mal : à Sciences-Po, un agent du contre-espionnage m’a expliqué pourquoi Facebook ou Copains d’avant étaient les meilleurs amis des espions.
Q (Ben Whishaw), geek des services de renseignement britanniques dans le dernier James Bond, « Skyfall » (Francois Duhamel/Danjaq, LLC, United Artists Corporation, Columbia Pictures Industries, Inc.)
En mai, l’Elysée a été piraté et les ordinateurs de plusieurs conseillers haut placés infiltrés, révèle L’Express de ce mercredi.
Hasard du calendrier : le jour de la sortie de l’hebdomadaire, j’ai assisté à un séminaire de formation en sécurité informatique dispensé par un policier de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, le service de contre-espionnage français, issu en 2008 de la fusion entre RG et DST).
Ce séminaire, qui se déroulait dans les locaux de Sciences-Po à Paris, n’était ouvert qu’à certains étudiants de l’école, pas aux journalistes (mais voilà, je suis l’un et l’autre).
Le but : sensibiliser les futurs fonctionnaires (ou cadres) aux enjeux de la protection de leurs données et celles de leur employeur. Comment ? En nourrissant la paranoïa vis-à-vis d’Internet, en faisant bien comprendre que le Web, c’est sale et plein de dangers.
« Je connais déjà certains d’entre vous »
Il commence, se présente :
« C’est la dernière fois que je vous dis mon nom. »
On se contentera donc du petit panonceau qu’il y a devant son bureau : « DCRI » (plus tard dans la matinée, son nom réapparaîtra dans un logiciel utilisé pour une démonstration). Monsieur DCRI est « spécialiste des réseaux sociaux » et, logiquement :
« Hier soir, j’ai fait vos réseaux sociaux. On verra plus tard ce que j’ai trouvé. Je connais déjà certains d’entre vous visuellement. »
Un léger froid s’installe parmi la trentaine de participants et je me crispe un peu à l’idée d’un espion fouinant sur ma page Facebook.
La DCRI aime Facebook (et Copains d’avant)
On le savait plus ou moins, mais là, ça se confirme : les services secrets adorent les réseaux sociaux.
« Avant les réseaux sociaux, on devait faire des planques. Avec Facebook, on gagne du temps et on n’a plus besoin de sortir. Sur vos pages Facebook et sur Twitter, vous donnez vos goûts et vos opinions. C’est grâce à ça qu’on se fait une idée de la psychologie de la personne. »
Situation professionnelle, goûts, désirs, habitudes : tout est bon dans les réseaux pour établir le profil d’un suspect ou d’une personne à approcher.
Parmi les réseaux sociaux, la DCRI a un petit faible : Copains d’avant, « le Facebook du vieux ».
LE BON CONSEIL DE LA DCRI POUR VOTRE PAGE FACEBOOK
Entre « les naturistes du numérique », qui affichent toute leur vie sur Internet, et les phobiques du numérique, il faut adopter « une position intermédiaire » pour maîtriser ce que l’on dit de vous. Cela nous semble également une bonne idée.
Il faut dire que certains en ont une utilisation particulièrement légère : ils détaillent leurs compétences et leurs responsabilités dans leurs entreprises de manière bien trop précise, par exemple.
Mention spéciale à ce technicien qui a posté sur Copains d’avant une photo de lui... et de matériels spatiaux classés « confidentiel défense », son badge et ses autorisations de sécurité bien en évidence. La DCRI n’a pas trop aimé.
« C’est comme dans les films ! »
Le policier est là pour marquer les esprits, alors il se vante un peu :
« On a des pros qui peuvent ouvrir toutes les portes : c’est vraiment comme dans les films. »
On le savait depuis la parution de « L’Espion du Président » (le fameux livre sur la DCRI), mais cela fait son petit effet.
Et d’enchaîner sur les petites techniques des services, grandement facilitées par les réseaux sociaux et toutes les informations qu’on y trouve :
« Quelqu’un renverse son café sur vous. Très gentil, il vous rembourse les frais de teinturier. Quelques semaines plus tard, vous le croisez, par hasard évidemment, sur un tapis de course dans votre salle de sport. Il vous propose de vous offrir un verre. Etrangement, vous vous découvrez des tas de points communs, vous venez de la même région, vous êtes allés dans la même école. Vous vous dites : “C’est incroyable, le monde est petit !” »
Ces opérations, destinées à obtenir des informations en se rapprochant d’une cible, sont courantes. La plus longue a duré quinze ans : « Quinze ans de mise en place d’une amitié. Quinze ans de repas de couples ! »
« Un système développé pour nous coincer »
Paradoxalement, notre policier, s’il utilise beaucoup les réseaux sociaux, n’aime pas trop les géants américains du Web, quitte à verser dans un brin de paranoïa :
« Ce genre de jouet [les smartphones, ndlr] ont des applications de traduction. Gratuites. Pourquoi ? Pour généraliser l’installation de l’application. Pour récolter de grandes masses de données. Quand on utilise Google Traduction pour traduire une documentation technique, ça envoie les données sur un serveur américain. »
nférence.
Internet, c’est le mal : à Sciences-Po, un agent du contre-espionnage m’a expliqué pourquoi Facebook ou Copains d’avant étaient les meilleurs amis des espions.
Q (Ben Whishaw), geek des services de renseignement britanniques dans le dernier James Bond, « Skyfall » (Francois Duhamel/Danjaq, LLC, United Artists Corporation, Columbia Pictures Industries, Inc.)
En mai, l’Elysée a été piraté et les ordinateurs de plusieurs conseillers haut placés infiltrés, révèle L’Express de ce mercredi.
Hasard du calendrier : le jour de la sortie de l’hebdomadaire, j’ai assisté à un séminaire de formation en sécurité informatique dispensé par un policier de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, le service de contre-espionnage français, issu en 2008 de la fusion entre RG et DST).
Ce séminaire, qui se déroulait dans les locaux de Sciences-Po à Paris, n’était ouvert qu’à certains étudiants de l’école, pas aux journalistes (mais voilà, je suis l’un et l’autre).
Le but : sensibiliser les futurs fonctionnaires (ou cadres) aux enjeux de la protection de leurs données et celles de leur employeur. Comment ? En nourrissant la paranoïa vis-à-vis d’Internet, en faisant bien comprendre que le Web, c’est sale et plein de dangers.
« Je connais déjà certains d’entre vous »
Il commence, se présente :
« C’est la dernière fois que je vous dis mon nom. »
On se contentera donc du petit panonceau qu’il y a devant son bureau : « DCRI » (plus tard dans la matinée, son nom réapparaîtra dans un logiciel utilisé pour une démonstration). Monsieur DCRI est « spécialiste des réseaux sociaux » et, logiquement :
« Hier soir, j’ai fait vos réseaux sociaux. On verra plus tard ce que j’ai trouvé. Je connais déjà certains d’entre vous visuellement. »
Un léger froid s’installe parmi la trentaine de participants et je me crispe un peu à l’idée d’un espion fouinant sur ma page Facebook.
La DCRI aime Facebook (et Copains d’avant)
On le savait plus ou moins, mais là, ça se confirme : les services secrets adorent les réseaux sociaux.
« Avant les réseaux sociaux, on devait faire des planques. Avec Facebook, on gagne du temps et on n’a plus besoin de sortir. Sur vos pages Facebook et sur Twitter, vous donnez vos goûts et vos opinions. C’est grâce à ça qu’on se fait une idée de la psychologie de la personne. »
Situation professionnelle, goûts, désirs, habitudes : tout est bon dans les réseaux pour établir le profil d’un suspect ou d’une personne à approcher.
Parmi les réseaux sociaux, la DCRI a un petit faible : Copains d’avant, « le Facebook du vieux ».
LE BON CONSEIL DE LA DCRI POUR VOTRE PAGE FACEBOOK
Entre « les naturistes du numérique », qui affichent toute leur vie sur Internet, et les phobiques du numérique, il faut adopter « une position intermédiaire » pour maîtriser ce que l’on dit de vous. Cela nous semble également une bonne idée.
Il faut dire que certains en ont une utilisation particulièrement légère : ils détaillent leurs compétences et leurs responsabilités dans leurs entreprises de manière bien trop précise, par exemple.
Mention spéciale à ce technicien qui a posté sur Copains d’avant une photo de lui... et de matériels spatiaux classés « confidentiel défense », son badge et ses autorisations de sécurité bien en évidence. La DCRI n’a pas trop aimé.
« C’est comme dans les films ! »
Le policier est là pour marquer les esprits, alors il se vante un peu :
« On a des pros qui peuvent ouvrir toutes les portes : c’est vraiment comme dans les films. »
On le savait depuis la parution de « L’Espion du Président » (le fameux livre sur la DCRI), mais cela fait son petit effet.
Et d’enchaîner sur les petites techniques des services, grandement facilitées par les réseaux sociaux et toutes les informations qu’on y trouve :
« Quelqu’un renverse son café sur vous. Très gentil, il vous rembourse les frais de teinturier. Quelques semaines plus tard, vous le croisez, par hasard évidemment, sur un tapis de course dans votre salle de sport. Il vous propose de vous offrir un verre. Etrangement, vous vous découvrez des tas de points communs, vous venez de la même région, vous êtes allés dans la même école. Vous vous dites : “C’est incroyable, le monde est petit !” »
Ces opérations, destinées à obtenir des informations en se rapprochant d’une cible, sont courantes. La plus longue a duré quinze ans : « Quinze ans de mise en place d’une amitié. Quinze ans de repas de couples ! »
« Un système développé pour nous coincer »
Paradoxalement, notre policier, s’il utilise beaucoup les réseaux sociaux, n’aime pas trop les géants américains du Web, quitte à verser dans un brin de paranoïa :
« Ce genre de jouet [les smartphones, ndlr] ont des applications de traduction. Gratuites. Pourquoi ? Pour généraliser l’installation de l’application. Pour récolter de grandes masses de données. Quand on utilise Google Traduction pour traduire une documentation technique, ça envoie les données sur un serveur américain. »
nférence.
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