Lille, (Correspondance).
"Si tu veux décrocher ton bac, va chez Averroès !" La petite phrase d'Amar Lasfar claque comme un bon slogan publicitaire. Tout sourire, le recteur de la mosquée de Lille et président du lycée Averroès vend le bon bulletin scolaire de son établissement aux journalistes venus moins nombreux qu'en 2003 : "A notre ouverture, il y avait 34 journalistes, dont un du Japon. Pour seulement 11 élèves et 19 enseignants !"
Dix ans plus tard, le premier lycée d'enseignement privé musulman en France a dépassé la barre des 330 élèves et a quitté la mosquée de Lille-Sud en septembre 2012 pour les anciens locaux du Centre de formation et d'apprentissage. Un bâtiment de 5 000 m2 qui pourrait accueillir jusqu'à 600 élèves.
"Nous avons ouvert deux classes de 6e en 2012, explique le directeur, El Hassane Oufker. Nous avons déjà 250 demandes en attente pour la rentrée prochaine mais pas de financements suffisants pour tous les accueillir." Amar Lasfar espère que le bon classement d'Averroès dans le palmarès des meilleurs lycées de France va permettre une issue positive à sa demande de contrat d'association avec l'Etat pour le futur collège.
"DES BAROUDEURS, QUI VONT AU CHARBON"
En attendant, il dévoile le secret de sa réussite : "Avoir la foi. Pas la foi religieuse. Mais croire au projet. Et j'ai ici des perles rares parmi les enseignants. Des baroudeurs, qui vont au charbon." Le succès du lycée repose surtout sur l'encadrement. "Le vrai dégât dans l'éducation nationale, c'est l'absentéisme, insiste le directeur El Hassane Oufker. Si l'élève est présent, s'il travaille et si l'on offre un cadre de travail sérieux, on réussit."
Assya, 18 ans, en première année de licence d'économie-gestion, a "passé trois merveilleuses années au lycée Averroès". Diplômée en 2012 d'un bac économique et social mention bien, la jeune femme raconte avec nostalgie "l'ambiance studieuse", les "effectifs réduits dans les classes", "les séjours linguistiques", et surtout cette "équipe éducative très investie". "A l'approche du bac, les profs restaient très tard le soir pour nous faire réviser, dit-elle. Si j'ai eu 19 en maths et en économie, c'est grâce à eux."
"BONNES VALEURS"
Le directeur compte également sur l'implication des familles. Younes Wadah préside l'Association des parents d'élèves du lycée Averroès (Apelav). "Nous n'avons pas encore de cantine, mais les parents assurent bénévolement la restauration", dit-il à titre d'exemple.
Cet enseignant, père de deux élèves au lycée Averroès, donne aussi de son temps pour encadrer des cours de soutien scolaire, optionnels ou obligatoires, proposés lors des vacances scolaires et qui favorisent ce taux de 100 % de réussite au bac.
Un enseignement qui a de quoi séduire les parents. "On est venu inscrire une de nos filles en 2de et l'autre au collège pour toutes les bonnes valeurs qu'on inculque ici et que l'on ne trouve pas ailleurs, explique Radija Kadrine, prête à débourser entre 800 à 1 200 euros de frais de scolarité pour assurer leur réussite. Il y a un respect d'autrui, de l'enseignement, des professeurs et des élèves entre eux." Le cours d'éthique religieux n'était pas le premier critère pour ses enfants inscrits auparavant dans un établissement privé catholique.
Quant aux non-musulmans, difficile de savoir s'ils fréquentent Averroès : la religion ne figure pas dans le dossier des élèves. Mais Amar Lasfar a de grandes ambitions : "Le jour où j'aurai 50 % de musulmans et 50 % de non-musulmans, je dirai 'Amar Lasfar, tu as réussi ton coup'." Presque un slogan.
Le monde
Commentaire