Les spectateurs français le regardent à la télévision quand leurs homologues, en Israël ou aux Etats-Unis – The Gatekeepers (Israel Confidential) était nommé à l'Oscar du meilleur documentaire —, l'ont découvert au cinéma. Mais la taille de l'écran ne retirera rien de l'impact du film de Dror Moreh. Le tour de force constituant à réunir devant une caméra six des sept responsables, entre 1980 et 2011, de la Sécurité intérieure en Israël, le Shin Beth, chargés de protéger leur pays contre le terrorisme, est évident. Ces six hommes, Avraham Shalom (1980-1986), Yaakov Peri (1988-1994), Carmi Gillon (1994-1996), Ami Ayalon (1996-2000), Avi Dichter (2000-2005), Yuval Diskin (2005-2011), sont réputés pour leur discrétion et leur sens du secret à la tête d'une organisation dont la mission est d'être un "bouclier invisible" destiné à la protection du citoyen israélien.
D'un strict point de vue journalistique, The Gatekeepers ("les gardiens") ne nous apprend rien de fondamentalement nouveau sur le conflit israélo-palestinien depuis l'occupation israélienne, en 1967, de la Cisjordanie, de Gaza, où plus d'un million de Palestiniens habitaient. En revanche, la franchise avec laquelle s'expriment ces six responsables, avec une liberté rare, même dans une autre démocratie, est autrement plus surprenante. Qu'il s'agisse des ravages de l'occupation ; des méthodes d'interrogatoires des prisonniers palestiniens ; de la technique des assassinats ciblés ; du manque de vision à long terme des différents premiers ministres israéliens, à l'exception d'Itzhak Rabin ; ou du prix à payer pour exercer une violence d'Etat dans la lutte antiterroriste. "Nous n'avions aucune directive des gouvernements successifs, nous ne savions pas dans quelle direction aller, explique Yaakov Peri. C'était toujours de la tactique, jamais de la vision stratégique."
Remporter des batailles sans gagner la guerre
Le dispositif cinématographique mis en place par Dror Moreh permet de comprendre les ressorts de ce conflit avec une tout autre acuité, ce qui explique sa qualité et sa singularité. Le modèle du documentariste israélien était The Fog of War (2003), d'Errol Morris, dans lequel l'ancien secrétaire d'Etat à la défense, Robert McNamara, évoquait son rôle pendant la seconde guerre mondiale, l'accession au pouvoir du président John Fitzgerald Kennedy en 1961, la crise des missiles de Cuba et le déploiement de l'armée américaine au Vietnam. Le documentaire ne comportait aucune révélation, mais proposait beaucoup plus : le visage d'un homme qui se trouvait au centre du pouvoir.
The Gatekeepers propose un dispositif comparable : six hommes assis séparément devant des écrans de contrôle, presque en situation de travail, expliquant calmement en quoi consiste la lutte contre le terrorisme, de quelle manière on suit, en temps réel, un assassinat ciblé sur un moniteur, l'impossibilité de s'habituer à cet exercice, et l'impression toujours renouvelée de remporter à chaque fois ses batailles sans gagner la guerre.
Samuel Blumenfeld, Le Monde
D'un strict point de vue journalistique, The Gatekeepers ("les gardiens") ne nous apprend rien de fondamentalement nouveau sur le conflit israélo-palestinien depuis l'occupation israélienne, en 1967, de la Cisjordanie, de Gaza, où plus d'un million de Palestiniens habitaient. En revanche, la franchise avec laquelle s'expriment ces six responsables, avec une liberté rare, même dans une autre démocratie, est autrement plus surprenante. Qu'il s'agisse des ravages de l'occupation ; des méthodes d'interrogatoires des prisonniers palestiniens ; de la technique des assassinats ciblés ; du manque de vision à long terme des différents premiers ministres israéliens, à l'exception d'Itzhak Rabin ; ou du prix à payer pour exercer une violence d'Etat dans la lutte antiterroriste. "Nous n'avions aucune directive des gouvernements successifs, nous ne savions pas dans quelle direction aller, explique Yaakov Peri. C'était toujours de la tactique, jamais de la vision stratégique."
Remporter des batailles sans gagner la guerre
Le dispositif cinématographique mis en place par Dror Moreh permet de comprendre les ressorts de ce conflit avec une tout autre acuité, ce qui explique sa qualité et sa singularité. Le modèle du documentariste israélien était The Fog of War (2003), d'Errol Morris, dans lequel l'ancien secrétaire d'Etat à la défense, Robert McNamara, évoquait son rôle pendant la seconde guerre mondiale, l'accession au pouvoir du président John Fitzgerald Kennedy en 1961, la crise des missiles de Cuba et le déploiement de l'armée américaine au Vietnam. Le documentaire ne comportait aucune révélation, mais proposait beaucoup plus : le visage d'un homme qui se trouvait au centre du pouvoir.
The Gatekeepers propose un dispositif comparable : six hommes assis séparément devant des écrans de contrôle, presque en situation de travail, expliquant calmement en quoi consiste la lutte contre le terrorisme, de quelle manière on suit, en temps réel, un assassinat ciblé sur un moniteur, l'impossibilité de s'habituer à cet exercice, et l'impression toujours renouvelée de remporter à chaque fois ses batailles sans gagner la guerre.
Samuel Blumenfeld, Le Monde
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