Instinct maternel. Derrière cette expression un peu fourre-tout se cachent sans doute nombre de mécanismes biologiques. Au premier rang de ceux-ci pourrait bien figurer l’accroissement du volume du cerveau maternel, comme vient pour la première fois de le montrer une étude américaine publiée dans Behavioral Neuroscience. Pour le faire court, le ventre de la future maman grossit et son cerveau aussi.
En se basant sur de nombreuses études menées sur des animaux (essentiellement des rats), qui avaient mis en évidence la “suractivation” de nombreuses zones du cerveau chez les mères, les auteurs de l’étude se sont demandé si des changements structurels du même ordre se produisaient dans l’encéphale féminin après l’accouchement. Pour le savoir, ils ont tout simplement observé, par IRM, le cerveau de 19 femmes qui venaient de donner la vie. La première fois entre deux et quatre semaines après la naissance de leur bébé, la seconde deux mois et demi plus tard. Les analyses ont montré une augmentation du volume de matière grise dans le cortex préfrontal, les lobes pariétaux et le mésencéphale. Détail amusant : avant l’expérience, les mères avaient toutes répondu à un questionnaire sur la perception qu’elles avaient de leur nouveau-né. Or, les chercheurs ont constaté par la suite que plus leurs sentiments envers leur bébé étaient forts (avec l’emploi d’adjectifs positifs comme “beau”, “parfait”, “idéal” ou “spécial”), plus leur cerveau avait grossi…
La réorganisation du cerveau post-partum, nouvel indice de la plasticité de notre ordinateur central et de la neurogénèse à l’âge adulte, pourrait donc bien expliquer l’instinct maternel. Une amélioration des performances de la mère constitue en effet une chance supplémentaire pour que ses rejetons grandissent et pour la survie de l’espèce. Ainsi, dans un commentaire accompagnant l’étude, Craig Kinsley et Elizabeth Meyer (université de Richmond) rappellent-ils une expérience qu’ils avaient effectuée en 1999 : des rates étaient placées dans des labyrinthes où de la nourriture était cachée. Celles qui avaient eu des petits se souvenaient plus vite de l’emplacement des récompenses que les autres. Une manière de souligner qu’avec des fonctions cognitives améliorées, les mères passaient moins de temps à chercher à manger et donc moins de temps loin de leur vulnérable portée. Une autre étude va dans le même sens, qui a montré, toujours chez l’animal, que les mères voyaient renforcée leur capacité à résister au stress et à l’anxiété.
Deux causes pourraient bien être à l’origine de ces modifications. Tout d’abord le puissant cocktail d’hormones auquel les femmes sont soumises pendant la grossesse, la naissance et la lactation. Ensuite, l’afflux tout aussi puissant de nouvelles informations sensorielles émanant du bébé : images, sons, contacts physiques et surtout odeurs nouvelles qui sont un moyen très fin de reconnaître sa progéniture et déterminent (c’est du moins ce qui est prouvé chez l’animal) la force des relations entre la mère et son petit.
Les auteurs de l’étude, première du genre, proposent d’explorer plus à fond ce nouveau domaine et de réaliser d’autres expériences : ajouter une IRM pendant la grossesse pour voir à quel stade l’évolution du cerveau commence ; comparer les mères avec des femmes du même âge n’ayant pas eu d’enfants ; mieux cerner le sens de la causalité (est-ce l’augmentation de la taille de certaines zones du cerveau qui entraîne le comportement maternel ou le contraire ?) ; accroître l’échantillon en l’ouvrant notamment aux femmes ayant des facteurs “de risques”, qu’ils soient génétiques, psychologiques ou socio-économiques, ce afin de voir si l’absence du fameux “instinct maternel” peut être corrélée à l’absence des modifications cérébrales décrites dans cette étude.
Personnellement, j’irais encore plus loin en étendant cette recherche… aux pères. Que se passe-t-il dans le cerveau paternel ? Pourquoi, chez certains de mes congénères, l’arrivée de bébé se traduit-elle par une incapacité à entendre le petit pleurer la nuit, à changer une couche et à faire chauffer le biberon ? Alors que dans le même temps, le mâle prête une attention décuplée aux bruits qui émanent de sa télévision, acquiert une dextérité sans pareille pour décapsuler les canettes de bière devant les matches de foot et fait cuire comme un dieu des pizzas surgelées à ses potes. Il y a là un mystère sur lequel la science devrait rapidement se pencher…
Pierre Barthélémy
En se basant sur de nombreuses études menées sur des animaux (essentiellement des rats), qui avaient mis en évidence la “suractivation” de nombreuses zones du cerveau chez les mères, les auteurs de l’étude se sont demandé si des changements structurels du même ordre se produisaient dans l’encéphale féminin après l’accouchement. Pour le savoir, ils ont tout simplement observé, par IRM, le cerveau de 19 femmes qui venaient de donner la vie. La première fois entre deux et quatre semaines après la naissance de leur bébé, la seconde deux mois et demi plus tard. Les analyses ont montré une augmentation du volume de matière grise dans le cortex préfrontal, les lobes pariétaux et le mésencéphale. Détail amusant : avant l’expérience, les mères avaient toutes répondu à un questionnaire sur la perception qu’elles avaient de leur nouveau-né. Or, les chercheurs ont constaté par la suite que plus leurs sentiments envers leur bébé étaient forts (avec l’emploi d’adjectifs positifs comme “beau”, “parfait”, “idéal” ou “spécial”), plus leur cerveau avait grossi…
La réorganisation du cerveau post-partum, nouvel indice de la plasticité de notre ordinateur central et de la neurogénèse à l’âge adulte, pourrait donc bien expliquer l’instinct maternel. Une amélioration des performances de la mère constitue en effet une chance supplémentaire pour que ses rejetons grandissent et pour la survie de l’espèce. Ainsi, dans un commentaire accompagnant l’étude, Craig Kinsley et Elizabeth Meyer (université de Richmond) rappellent-ils une expérience qu’ils avaient effectuée en 1999 : des rates étaient placées dans des labyrinthes où de la nourriture était cachée. Celles qui avaient eu des petits se souvenaient plus vite de l’emplacement des récompenses que les autres. Une manière de souligner qu’avec des fonctions cognitives améliorées, les mères passaient moins de temps à chercher à manger et donc moins de temps loin de leur vulnérable portée. Une autre étude va dans le même sens, qui a montré, toujours chez l’animal, que les mères voyaient renforcée leur capacité à résister au stress et à l’anxiété.
Deux causes pourraient bien être à l’origine de ces modifications. Tout d’abord le puissant cocktail d’hormones auquel les femmes sont soumises pendant la grossesse, la naissance et la lactation. Ensuite, l’afflux tout aussi puissant de nouvelles informations sensorielles émanant du bébé : images, sons, contacts physiques et surtout odeurs nouvelles qui sont un moyen très fin de reconnaître sa progéniture et déterminent (c’est du moins ce qui est prouvé chez l’animal) la force des relations entre la mère et son petit.
Les auteurs de l’étude, première du genre, proposent d’explorer plus à fond ce nouveau domaine et de réaliser d’autres expériences : ajouter une IRM pendant la grossesse pour voir à quel stade l’évolution du cerveau commence ; comparer les mères avec des femmes du même âge n’ayant pas eu d’enfants ; mieux cerner le sens de la causalité (est-ce l’augmentation de la taille de certaines zones du cerveau qui entraîne le comportement maternel ou le contraire ?) ; accroître l’échantillon en l’ouvrant notamment aux femmes ayant des facteurs “de risques”, qu’ils soient génétiques, psychologiques ou socio-économiques, ce afin de voir si l’absence du fameux “instinct maternel” peut être corrélée à l’absence des modifications cérébrales décrites dans cette étude.
Personnellement, j’irais encore plus loin en étendant cette recherche… aux pères. Que se passe-t-il dans le cerveau paternel ? Pourquoi, chez certains de mes congénères, l’arrivée de bébé se traduit-elle par une incapacité à entendre le petit pleurer la nuit, à changer une couche et à faire chauffer le biberon ? Alors que dans le même temps, le mâle prête une attention décuplée aux bruits qui émanent de sa télévision, acquiert une dextérité sans pareille pour décapsuler les canettes de bière devant les matches de foot et fait cuire comme un dieu des pizzas surgelées à ses potes. Il y a là un mystère sur lequel la science devrait rapidement se pencher…
Pierre Barthélémy
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