Chiche ! Sucrez Abdekka !Par Hakim Laâlam
Malgré un très vaste mouvement dans le corps des walis, la…
J’ai une pensée émue pour le journal télévisé de l’Unique. Fidèle d’entre les fidèles, soldat jamais fatigué de servir, présent sur tous les fronts de batailles qui n’ont jamais vraiment eu lieu, chevalier servant ne rechignant pas à la tâche, celle de promouvoir par monts et par vaux l’image du Prince, le voilà aujourd’hui vilipendé par le Prince en personne. Entre une nuit agitée par les cauchemars et un réveil miné par la gueule de bois, le JT du Boulevard est soudain-tout-à-coup devenu mauvais, nul et à revoir complètement. Le ministre de l’information en exercice vient même de lancer le cri de guerre pour la refonte du JT : «Désormais, ne seront couvertes que les activités importantes !» Mon cœur se déchire ! Mon âme vacille. Mes membres flageolent. Mes oreilles bourdonnent. Et mes esprits m’abandonnent. On va toucher à mon JT ! On va mutiler mon JT ! On va atrophier mon JT ! On va castrer mon JT ! Que leur arrive-t-il donc ? Les hommes sont-ils devenus soudain fous ? Que vont devenir ces si longs et si délicieux communiqués dans lesquels Abdekka félicitait le sultan de tel émirat lilliputien, mais gorgé de pétrole pour l’anniversaire de son cheval préféré ou pour la circoncision de son premier palefrenier ? Que vais-je faire sans les interminables réceptions de nouveaux ambassadeurs présentant tous des tonnes, des tombereaux de lettres de créance jamais vraiment lues, mais remises avec tellement de délicatesse, de sourires mielleux et de courbettes grinçantes ? Osera-t-on vraiment aller jusqu’à me priver de ces messages du raïs envoyés de son avion aux homologues dont il traverse l’espace aérien ? Non ! Non ! Nooooooon ! S’il vous plaît ! Faites toutes les révolutions que vous voudrez ! Enfourchez toutes les montures du changement révolutionnaire qu’il vous siéra d’enfourcher, mais ne touchez pas à mes ouvertures de JT. Demain, un journal qui n’ouvrirait pas sur les félicitations d’Abdekka à son homologue vénézuélien réélu pour la 2 245e fois à la tête du pays, et c’est moi qui défaille, qui tombe en catalepsie. Mais je sais, au fond de moi-même, que vous ne me ferez pas ce coup-là, que, malgré le souffle révolutionnaire, impétueux qui agite soudainement vos crinières, vous n’irez pas jusqu’à sucrer Boutef’ de mes JT. Ou alors… chiche ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.
Le Soir d'Algérie
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Malgré un très vaste mouvement dans le corps des walis, la…
…ligne bleue reste à Alger !
J’ai une pensée émue pour le journal télévisé de l’Unique. Fidèle d’entre les fidèles, soldat jamais fatigué de servir, présent sur tous les fronts de batailles qui n’ont jamais vraiment eu lieu, chevalier servant ne rechignant pas à la tâche, celle de promouvoir par monts et par vaux l’image du Prince, le voilà aujourd’hui vilipendé par le Prince en personne. Entre une nuit agitée par les cauchemars et un réveil miné par la gueule de bois, le JT du Boulevard est soudain-tout-à-coup devenu mauvais, nul et à revoir complètement. Le ministre de l’information en exercice vient même de lancer le cri de guerre pour la refonte du JT : «Désormais, ne seront couvertes que les activités importantes !» Mon cœur se déchire ! Mon âme vacille. Mes membres flageolent. Mes oreilles bourdonnent. Et mes esprits m’abandonnent. On va toucher à mon JT ! On va mutiler mon JT ! On va atrophier mon JT ! On va castrer mon JT ! Que leur arrive-t-il donc ? Les hommes sont-ils devenus soudain fous ? Que vont devenir ces si longs et si délicieux communiqués dans lesquels Abdekka félicitait le sultan de tel émirat lilliputien, mais gorgé de pétrole pour l’anniversaire de son cheval préféré ou pour la circoncision de son premier palefrenier ? Que vais-je faire sans les interminables réceptions de nouveaux ambassadeurs présentant tous des tonnes, des tombereaux de lettres de créance jamais vraiment lues, mais remises avec tellement de délicatesse, de sourires mielleux et de courbettes grinçantes ? Osera-t-on vraiment aller jusqu’à me priver de ces messages du raïs envoyés de son avion aux homologues dont il traverse l’espace aérien ? Non ! Non ! Nooooooon ! S’il vous plaît ! Faites toutes les révolutions que vous voudrez ! Enfourchez toutes les montures du changement révolutionnaire qu’il vous siéra d’enfourcher, mais ne touchez pas à mes ouvertures de JT. Demain, un journal qui n’ouvrirait pas sur les félicitations d’Abdekka à son homologue vénézuélien réélu pour la 2 245e fois à la tête du pays, et c’est moi qui défaille, qui tombe en catalepsie. Mais je sais, au fond de moi-même, que vous ne me ferez pas ce coup-là, que, malgré le souffle révolutionnaire, impétueux qui agite soudainement vos crinières, vous n’irez pas jusqu’à sucrer Boutef’ de mes JT. Ou alors… chiche ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.
Le Soir d'Algérie
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