Le 8 mai 1945, le jour même où les Français de métropole fêtaient la libération de leur pays, des milliers d’Algériens furent massacrés par l’armée coloniale et les milices pieds-noirs, dans le Constantinois.
Leur tort : ils voulurent fêter la fin de la Deuxième Guerre mondiale en insérant des slogans qui exigeaient l’indépendance de leur pays. Bilan : plusieurs milliers de morts. La France, qui venait d’être délivrée du joug nazi, au nom du slogan Liberté/Egalité/Fraternité, n’admettait pas le droit pour les Algériens de disposer d’eux-mêmes. Il y a 61 ans, eut lieu l’ethnocide du 8 mai 1945 à Sétif, de même qu’à Guelma et à Kherrata les jours suivants. Ce massacre de populations civiles algériennes innocentes, c’est un peu l’histoire, un an plus tôt, du village d’Oradour-sur-Glane dans le Limousin (France). Sauf qu’à Sétif, Guelma, Kherrata et leur région, la sinistre besogne s’est répétée une bonne centaine de fois, avec en prime les bombardements de l’aviation et de la marine de guerre françaises, durant quinze jours et pratiquement sans discontinuité. Une extermination systématique à caractère ethnique de tout ce qui vivait dans l’arrière-pays de vastes régions de l’Est algérien s’ensuivit, à l’abri du regard des troupes alliées, (anglaises, américaines, canadiennes) qui venaient de sauver la France et les Français de la barbarie nazie. Parmi les soldats alliés, figuraient des dizaines de milliers de combattants algériens qui participèrent de leur chair et de leur sang à la libération de la France. Jusqu’à nos jours, des tombes jonchent par centaines les carrés des cimetières militaires de France. Ce sont celles des soldats algériens morts au champ d’honneur français, pour la défense des valeurs de ce pays. Le soldat inconnu, dont on ravive si souvent la flamme sous l’arc de triomphe des Champs-Elysée à Paris, est peut-être l’un d’entre eux. Rappelons qu’Oradour-sur-Glane est un village de la Haute-Vienne (France), dont la population fut massacrée par les soldats allemands le 10 juillet 1944. Il y eut 642 victimes, dont 443 femmes ainsi que des enfants qui furent brûlés vifs dans une église. Jamais il n’y eut aucun procès pour punir les auteurs du génocide de Sétif. Par contre, 25 Allemands furent accusés le 12 janvier 1953, pour leur participation à l’incendie d’Oradour-sur-Glane et au massacre des villageois français. Il y eut plusieurs condamnations à mort le 15 février 1953, des peines de travaux forcés furent prononcées pour « crimes contre l’humanité ». L’intention valorisante contenue dans un entretien qu’il accorda en 1984 à l’auteur Boucif Mekhaled, se souvient : « Très jeune, je sentais déjà, à partir de 1940, la montée du nationalisme et un changement dans nos rapports avec les Européens. Avant cette date, on craignait ces Européens qui nous paraissaient supérieurs ; mais la haine allait nous donner du courage et on arrivait même à les insulter. J’ai été frappé par cette attitude et ce changement dans notre état d’esprit ». Les soldats musulmans avaient appris à se battre dans un contexte international, avec des armes performantes et ils se rendaient enfin compte qu’ils avaient la même valeur et la même bravoure que les soldats canadiens ou américains. La guerre d’Indochine sera également une très bonne école de guerre pour les soldats algériens qui firent partie du corps expéditionnaire français en Asie. Au lieu de la reconnaissance de leurs droits, ils ne récoltèrent que le mépris ordinaire. La Charte de l’Atlantique, promulguée le 14 août 1941 par F. Roosevelt et W. Churchill, qui stipulait entre autres « le droit à l’autodétermination pour tous les peuples, ainsi que la libération de la peur et de la faim » fut ignorée par les Français. Le fruit était mûr, l’esprit du 1er novembre 1954 aussi. L’exemple de l’ex-président Ahmed Ben Bella - qui est aussi celui d’autres soldats musulmans de l’armée française - est assez édifiant, qui met en lumière l’engagement des soldats algériens dans la guerre qui opposa les Européens entre eux, avant de déchanter et d’engager la lutte contre le colonialisme, avec armes et bagages pour la libération de l’Algérie. Ben Bella fut rappelé par l’armée française à Tlemcen. C’est au côté d’un groupe d’engagés marocains qu’il commandait que l’ancien président algérien mena plusieurs batailles contre les soldats allemands en Italie, à Montano, à la Silva ou à Santa Corce. C’est Ahmed Ben Bella et son groupe qui attaquèrent la colline stratégique de Cassino en Italie, à 11 h un certain soir de l’hiver 1944, pour couper la retraite aux soldats allemands. L’ex-président algérien eut même le rare courage d’aller chercher à trois reprises consécutives plusieurs fusils mitrailleurs abandonnés par des soldats français dans un no man’s land infesté de soldats allemands. En rampant comme les héros des films d’Otto Preminger ou de R. Brooks. De Gaulle dit-on, lui accrocha une médaille à la poitrine pour hauts faits de guerre.
620 866 millions de francs de frais d’occupation
La France affaiblie par une autre guerre, celle de 1914-1918 voyait, impuissante, les Allemands envahir ses terres. L’idéologie conquérante allemande et la volonté d’Hitler de prendre sa revanche sur le traité de Versailles avaient, en très peu de temps, accaparé 45% du territoire français. Au nord et au nord-ouest de la France, les Allemands avaient expulsé quelque 2500 propriétaires terriens et 110 000 ha furent confisqués. 620 866 millions de francs de frais d’occupation furent exigés de la France par les Allemands. L’Allemagne accorda le droit à l’armée française dite d’armistice de fabriquer 600 avions, à la condition d’en faire 3000 pour les Allemands en zone nord. Outre Paris, un grand nombre de villes françaises étaient occupées par les forces allemandes, dont Lyon, Le Havre, Rennes, Metz, Strasbourg, Orléans, Cherbourg, Alençon, Bayeux. Les Algériens virent avec étonnement l’installation à Alger du Comité français de libération nationale dont la double présidence revint aux généraux de Gaulle et Giraud. Ce comité sera remplacé le 3 juin 1944 par le gouvernement provisoire de la République française. C’est ainsi qu’Alger devint, dès lors, la capitale de la France libre, dans un pays occupé par la France depuis plus d’un siècle. Ce paradoxe de nouveaux vaincus colonisant d’anciens vaincus n’échappera pas aux nationalistes algériens qui voulaient rétablir l’identité nationale. D’abord, au travers de revendications élémentaires légitimes. Les alliés algériens venaient de participer à la libération de la France et ils s’attendaient à un changement de comportement à leur égard de la part des Français, ne serait-ce qu’en souvenir des bienfaits reçus, confortés en cela par la situation humiliante faite aux Français par les Allemands, qui rejoignait la leur.
Leur tort : ils voulurent fêter la fin de la Deuxième Guerre mondiale en insérant des slogans qui exigeaient l’indépendance de leur pays. Bilan : plusieurs milliers de morts. La France, qui venait d’être délivrée du joug nazi, au nom du slogan Liberté/Egalité/Fraternité, n’admettait pas le droit pour les Algériens de disposer d’eux-mêmes. Il y a 61 ans, eut lieu l’ethnocide du 8 mai 1945 à Sétif, de même qu’à Guelma et à Kherrata les jours suivants. Ce massacre de populations civiles algériennes innocentes, c’est un peu l’histoire, un an plus tôt, du village d’Oradour-sur-Glane dans le Limousin (France). Sauf qu’à Sétif, Guelma, Kherrata et leur région, la sinistre besogne s’est répétée une bonne centaine de fois, avec en prime les bombardements de l’aviation et de la marine de guerre françaises, durant quinze jours et pratiquement sans discontinuité. Une extermination systématique à caractère ethnique de tout ce qui vivait dans l’arrière-pays de vastes régions de l’Est algérien s’ensuivit, à l’abri du regard des troupes alliées, (anglaises, américaines, canadiennes) qui venaient de sauver la France et les Français de la barbarie nazie. Parmi les soldats alliés, figuraient des dizaines de milliers de combattants algériens qui participèrent de leur chair et de leur sang à la libération de la France. Jusqu’à nos jours, des tombes jonchent par centaines les carrés des cimetières militaires de France. Ce sont celles des soldats algériens morts au champ d’honneur français, pour la défense des valeurs de ce pays. Le soldat inconnu, dont on ravive si souvent la flamme sous l’arc de triomphe des Champs-Elysée à Paris, est peut-être l’un d’entre eux. Rappelons qu’Oradour-sur-Glane est un village de la Haute-Vienne (France), dont la population fut massacrée par les soldats allemands le 10 juillet 1944. Il y eut 642 victimes, dont 443 femmes ainsi que des enfants qui furent brûlés vifs dans une église. Jamais il n’y eut aucun procès pour punir les auteurs du génocide de Sétif. Par contre, 25 Allemands furent accusés le 12 janvier 1953, pour leur participation à l’incendie d’Oradour-sur-Glane et au massacre des villageois français. Il y eut plusieurs condamnations à mort le 15 février 1953, des peines de travaux forcés furent prononcées pour « crimes contre l’humanité ». L’intention valorisante contenue dans un entretien qu’il accorda en 1984 à l’auteur Boucif Mekhaled, se souvient : « Très jeune, je sentais déjà, à partir de 1940, la montée du nationalisme et un changement dans nos rapports avec les Européens. Avant cette date, on craignait ces Européens qui nous paraissaient supérieurs ; mais la haine allait nous donner du courage et on arrivait même à les insulter. J’ai été frappé par cette attitude et ce changement dans notre état d’esprit ». Les soldats musulmans avaient appris à se battre dans un contexte international, avec des armes performantes et ils se rendaient enfin compte qu’ils avaient la même valeur et la même bravoure que les soldats canadiens ou américains. La guerre d’Indochine sera également une très bonne école de guerre pour les soldats algériens qui firent partie du corps expéditionnaire français en Asie. Au lieu de la reconnaissance de leurs droits, ils ne récoltèrent que le mépris ordinaire. La Charte de l’Atlantique, promulguée le 14 août 1941 par F. Roosevelt et W. Churchill, qui stipulait entre autres « le droit à l’autodétermination pour tous les peuples, ainsi que la libération de la peur et de la faim » fut ignorée par les Français. Le fruit était mûr, l’esprit du 1er novembre 1954 aussi. L’exemple de l’ex-président Ahmed Ben Bella - qui est aussi celui d’autres soldats musulmans de l’armée française - est assez édifiant, qui met en lumière l’engagement des soldats algériens dans la guerre qui opposa les Européens entre eux, avant de déchanter et d’engager la lutte contre le colonialisme, avec armes et bagages pour la libération de l’Algérie. Ben Bella fut rappelé par l’armée française à Tlemcen. C’est au côté d’un groupe d’engagés marocains qu’il commandait que l’ancien président algérien mena plusieurs batailles contre les soldats allemands en Italie, à Montano, à la Silva ou à Santa Corce. C’est Ahmed Ben Bella et son groupe qui attaquèrent la colline stratégique de Cassino en Italie, à 11 h un certain soir de l’hiver 1944, pour couper la retraite aux soldats allemands. L’ex-président algérien eut même le rare courage d’aller chercher à trois reprises consécutives plusieurs fusils mitrailleurs abandonnés par des soldats français dans un no man’s land infesté de soldats allemands. En rampant comme les héros des films d’Otto Preminger ou de R. Brooks. De Gaulle dit-on, lui accrocha une médaille à la poitrine pour hauts faits de guerre.
620 866 millions de francs de frais d’occupation
La France affaiblie par une autre guerre, celle de 1914-1918 voyait, impuissante, les Allemands envahir ses terres. L’idéologie conquérante allemande et la volonté d’Hitler de prendre sa revanche sur le traité de Versailles avaient, en très peu de temps, accaparé 45% du territoire français. Au nord et au nord-ouest de la France, les Allemands avaient expulsé quelque 2500 propriétaires terriens et 110 000 ha furent confisqués. 620 866 millions de francs de frais d’occupation furent exigés de la France par les Allemands. L’Allemagne accorda le droit à l’armée française dite d’armistice de fabriquer 600 avions, à la condition d’en faire 3000 pour les Allemands en zone nord. Outre Paris, un grand nombre de villes françaises étaient occupées par les forces allemandes, dont Lyon, Le Havre, Rennes, Metz, Strasbourg, Orléans, Cherbourg, Alençon, Bayeux. Les Algériens virent avec étonnement l’installation à Alger du Comité français de libération nationale dont la double présidence revint aux généraux de Gaulle et Giraud. Ce comité sera remplacé le 3 juin 1944 par le gouvernement provisoire de la République française. C’est ainsi qu’Alger devint, dès lors, la capitale de la France libre, dans un pays occupé par la France depuis plus d’un siècle. Ce paradoxe de nouveaux vaincus colonisant d’anciens vaincus n’échappera pas aux nationalistes algériens qui voulaient rétablir l’identité nationale. D’abord, au travers de revendications élémentaires légitimes. Les alliés algériens venaient de participer à la libération de la France et ils s’attendaient à un changement de comportement à leur égard de la part des Français, ne serait-ce qu’en souvenir des bienfaits reçus, confortés en cela par la situation humiliante faite aux Français par les Allemands, qui rejoignait la leur.
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