Il est à peine 7 h 30, Anaheim s'éveille tranquillement en ce samedi d'avril. Cette banale banlieue de Los Angeles somnole encore quand 80 adolescents débarquent sur le parking de leur école privée, certains en Porsche, d'autres en BMW. Pour ces élèves de la Fairmont Preparatory Academy, le spring break, la pause des vacances de printemps, peut attendre : c'est bientôt l'heure de leur cours de mathématiques. Rien d'obligatoire, juste un cours d'approfondissement.
A peine arrivés, les élèves, âgés de 14 à 18 ans, se dépêchent de vider la classe de ses chaises et de ses bureaux. Un assistant du professeur inscrit, au feutre noir, sur la main de chacun, un chiffre (de 1 à 80). Ceux qui ont déjà été marqués papotent devant la porte d'entrée sur laquelle est collée une grande étoile dorée. Une étoile pour la star de l'école : le professeur de maths, Sam Calavitta, "Mister Cal" pour ses élèves.
La quarantaine passée, cheveux courts façon militaire, yeux couleur lagon, gueule de boxeur, ce prof au sourire immuable est un ovni de l'enseignement "made in USA". 8 heures. Après avoir salué ses élèves, il lâche : "C'est bon d'être champion du monde." Les élèves répètent la réplique en choeur. "Cette formule est un outil de motivation, explique le professeur. C'est une métaphore parce que je veux que mes élèves s'efforcent d'être les meilleurs."
Ce matin-là, le cours va commencer, comme souvent, par une compétition : la "Cal-competition". "Les numéros pairs à gauche, les impairs à droite", débite le prof. Ça hurle, ça rigole... "J'appelle d'abord les numéros 1 à 20, les deux équipes en ligne devant moi", clame-t-il. La règle est simple : deux élèves doivent résoudre une équation ou répondre à une question. Le gagnant va à l'arrière de sa file, le perdant est éliminé et va s'asseoir. Armé d'une pile de papiers à la main, Sam enchaîne les questions : "Dites-moi les trois noms des dérivés ?" Un élève se montre le plus rapide. "Yeahhhh, tu l'as...", crie le prof de sa voix rocailleuse. Tout le monde applaudit.
Enième question. Silence. Aucune des deux filles ne trouve la réponse. La tension monte, les cerveaux chauffent. "Maison", hurle le professeur. C'est une manière d'appeler Robert Shelton, 39 ans. Chargé de la sécurité de l'établissement, il aime participer à cette compétition pour "le plaisir". Robert tient un saut en fer rempli de jetons numérotés, y plonge la main, touille. "45 !", tonne-t-il. "45 ?", demande Sam. Un élève, qui lui montre sa main où y est inscrit ce numéro, répond à la question. Le 45 vient de sauver sa camarade, qui reste en jeu. On applaudit encore : d'ailleurs, c'est une obligation.
La Cal-competition se déroule en trois manches : une équation simple à résoudre ; le "flash", où le prof montre une formule qui doit être complétée ; des équations plus complexes. "Cette compétition a pour but de confronter les élèves, explique l'enseignant. S'ils veulent gagner, ça les oblige à être les meilleurs." Les vainqueurs de la compétition reçoivent comme récompense des "Cal bucks", sortes de faux dollars : des rouges, des verts, des gris. En cas de mauvaise note, avec ces billets, ils peuvent s'en acheter une meilleure. Le prof sourit : "C'est une bonne source de motivation. Ils sont plus impliqués quand on crée des situations où ils peuvent réussir."
9 heures. Les garçons et les filles ont rendu à la classe ses chaises et ses tables. On sort les trousses : au programme, le calcul des volumes. Et pour illustrer la leçon, le professeur utilise en guise de compas ou d'équerre du... pain de mie, du fromage et du salami. "Ahhhhhh !", se dégoûtent en choeur les élèves quand il colle le salami sur le tableau pour démontrer une formule. Tous sont concentrés, hypnotisés, boivent les théorèmes comme du soda. 10 heures, c'est la fin. Normalement. "J'ai besoin encore de quinze minutes, mais on arrête si vous voulez ?", raconte M. Calavitta. "On reste", crie la classe. Et au bout de ce quart d'heure, avant de quitter l'établissement, tous les ados lâchent d'une même voix : "Quelle merveilleuse journée M. Cal !"
Drôle de méthode ? Dans cette école (qui coûte près de 13 000 euros l'année), les élèves de la Fairmont Preparatory Academy obtiennent l'un des meilleurs résultats du pays aux examens de mathématiques de l'Advanced Placement. En 2008, les 81 élèves de l'école a qui ont passé ces tests ont été reçus avec une moyenne de 4,79 sur 5. Soixante-neuf ont obtenu la note maximale quand la moyenne nationale fut de 3,03.
Sam Calavitta a reçu, le 19 février, le prix Siemens qui récompense chaque année 50 professeurs aux Etats-Unis (un par Etat) pour "l'excellence de leur travail". Dans sa classe, aux côtés de photos d'anciens élèves, de sa famille, de poèmes, d'un tee-shirt jaune du Tour de France (Sam en est fan), de posters aux slogans bienveillants ("Ne jamais, jamais abandonner"), une lettre de 2006 du... président des Etats-Unis, George Bush, qui le félicite pour sa méthode d'enseignement.
"Dans les autres cours, on regarde la montre, assure Richal Asija, 17 ans, mais avec lui, le temps passe trop vite. On ne s'ennuie jamais !" "J'ai trop hâte d'être en cours de maths, jure Anar Bhansali, 18 ans. M. Cal ne s'énerve jamais, il fait tout pour qu'on puisse comprendre : avec lui, les maths, c'est facile." "Il a changé ma vie", souffle Stephen Whitlock, 22 ans, un ancien de l'école devenu son assistant, qui se prépare à être professeur de mathématiques. Tout comme Elisabeth Thaï, 19 ans, une ancienne élève de Fairmont. "Un jour, se souvient-elle, il a mis une chaise sur la table, et s'est assis dessus pour faire cours : c'était fou ! On se demande toujours ce qu'il va inventer." "L'enthousiasme est contagieux", rigole leur prof. La clé de son enseignement ? Chasser l'ennui, faire preuve de considération pour ses élèves, capter sans cesse leur attention.
A peine arrivés, les élèves, âgés de 14 à 18 ans, se dépêchent de vider la classe de ses chaises et de ses bureaux. Un assistant du professeur inscrit, au feutre noir, sur la main de chacun, un chiffre (de 1 à 80). Ceux qui ont déjà été marqués papotent devant la porte d'entrée sur laquelle est collée une grande étoile dorée. Une étoile pour la star de l'école : le professeur de maths, Sam Calavitta, "Mister Cal" pour ses élèves.
La quarantaine passée, cheveux courts façon militaire, yeux couleur lagon, gueule de boxeur, ce prof au sourire immuable est un ovni de l'enseignement "made in USA". 8 heures. Après avoir salué ses élèves, il lâche : "C'est bon d'être champion du monde." Les élèves répètent la réplique en choeur. "Cette formule est un outil de motivation, explique le professeur. C'est une métaphore parce que je veux que mes élèves s'efforcent d'être les meilleurs."
Ce matin-là, le cours va commencer, comme souvent, par une compétition : la "Cal-competition". "Les numéros pairs à gauche, les impairs à droite", débite le prof. Ça hurle, ça rigole... "J'appelle d'abord les numéros 1 à 20, les deux équipes en ligne devant moi", clame-t-il. La règle est simple : deux élèves doivent résoudre une équation ou répondre à une question. Le gagnant va à l'arrière de sa file, le perdant est éliminé et va s'asseoir. Armé d'une pile de papiers à la main, Sam enchaîne les questions : "Dites-moi les trois noms des dérivés ?" Un élève se montre le plus rapide. "Yeahhhh, tu l'as...", crie le prof de sa voix rocailleuse. Tout le monde applaudit.
Enième question. Silence. Aucune des deux filles ne trouve la réponse. La tension monte, les cerveaux chauffent. "Maison", hurle le professeur. C'est une manière d'appeler Robert Shelton, 39 ans. Chargé de la sécurité de l'établissement, il aime participer à cette compétition pour "le plaisir". Robert tient un saut en fer rempli de jetons numérotés, y plonge la main, touille. "45 !", tonne-t-il. "45 ?", demande Sam. Un élève, qui lui montre sa main où y est inscrit ce numéro, répond à la question. Le 45 vient de sauver sa camarade, qui reste en jeu. On applaudit encore : d'ailleurs, c'est une obligation.
La Cal-competition se déroule en trois manches : une équation simple à résoudre ; le "flash", où le prof montre une formule qui doit être complétée ; des équations plus complexes. "Cette compétition a pour but de confronter les élèves, explique l'enseignant. S'ils veulent gagner, ça les oblige à être les meilleurs." Les vainqueurs de la compétition reçoivent comme récompense des "Cal bucks", sortes de faux dollars : des rouges, des verts, des gris. En cas de mauvaise note, avec ces billets, ils peuvent s'en acheter une meilleure. Le prof sourit : "C'est une bonne source de motivation. Ils sont plus impliqués quand on crée des situations où ils peuvent réussir."
9 heures. Les garçons et les filles ont rendu à la classe ses chaises et ses tables. On sort les trousses : au programme, le calcul des volumes. Et pour illustrer la leçon, le professeur utilise en guise de compas ou d'équerre du... pain de mie, du fromage et du salami. "Ahhhhhh !", se dégoûtent en choeur les élèves quand il colle le salami sur le tableau pour démontrer une formule. Tous sont concentrés, hypnotisés, boivent les théorèmes comme du soda. 10 heures, c'est la fin. Normalement. "J'ai besoin encore de quinze minutes, mais on arrête si vous voulez ?", raconte M. Calavitta. "On reste", crie la classe. Et au bout de ce quart d'heure, avant de quitter l'établissement, tous les ados lâchent d'une même voix : "Quelle merveilleuse journée M. Cal !"
Drôle de méthode ? Dans cette école (qui coûte près de 13 000 euros l'année), les élèves de la Fairmont Preparatory Academy obtiennent l'un des meilleurs résultats du pays aux examens de mathématiques de l'Advanced Placement. En 2008, les 81 élèves de l'école a qui ont passé ces tests ont été reçus avec une moyenne de 4,79 sur 5. Soixante-neuf ont obtenu la note maximale quand la moyenne nationale fut de 3,03.
Sam Calavitta a reçu, le 19 février, le prix Siemens qui récompense chaque année 50 professeurs aux Etats-Unis (un par Etat) pour "l'excellence de leur travail". Dans sa classe, aux côtés de photos d'anciens élèves, de sa famille, de poèmes, d'un tee-shirt jaune du Tour de France (Sam en est fan), de posters aux slogans bienveillants ("Ne jamais, jamais abandonner"), une lettre de 2006 du... président des Etats-Unis, George Bush, qui le félicite pour sa méthode d'enseignement.
"Dans les autres cours, on regarde la montre, assure Richal Asija, 17 ans, mais avec lui, le temps passe trop vite. On ne s'ennuie jamais !" "J'ai trop hâte d'être en cours de maths, jure Anar Bhansali, 18 ans. M. Cal ne s'énerve jamais, il fait tout pour qu'on puisse comprendre : avec lui, les maths, c'est facile." "Il a changé ma vie", souffle Stephen Whitlock, 22 ans, un ancien de l'école devenu son assistant, qui se prépare à être professeur de mathématiques. Tout comme Elisabeth Thaï, 19 ans, une ancienne élève de Fairmont. "Un jour, se souvient-elle, il a mis une chaise sur la table, et s'est assis dessus pour faire cours : c'était fou ! On se demande toujours ce qu'il va inventer." "L'enthousiasme est contagieux", rigole leur prof. La clé de son enseignement ? Chasser l'ennui, faire preuve de considération pour ses élèves, capter sans cesse leur attention.
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