Magazine. Le premier trimestriel arabophone sans tabou est un véritable succès dans le monde arabe, malgré de fortes pressions religieuses.
Epinglé en devanture ou planqué derrière trois épaisseurs de journaux, un nouveau trimestriel libanais, Jasad, («corps»), vendu dans toutes les librairies du pays et exporté sous le manteau dans l’ensemble de la région, fait un carton. 3000 exemplaires ont été écoulés en onze jours pour le premier numéro, et déjà 4000 vendus pour le second numéro, paru début mars. Sa particularité ? Il est le premier magazine culturel, en langue arabe, entièrement consacré à l’exploration du corps.
Avec des dossiers sur le pénis, le fétichisme du pied ou l’homosexualité, Jasad aborde, sans vulgarité ni fausse pudeur, ces sujets qui hérissent les conservateurs de tous poils mais répondent à la demande d’un vaste lectorat, aussi bien chrétien que musulman. La fondatrice de cet ovni médiatique : Joumana Haddad, poétesse et responsable de la section culturelle du quotidien libanais An-Nahar.
«Mon pari, explique-t-elle, était de proposer un magazine qui contribue à briser certains tabous et ce, en arabe. Notre langue est très libre. Il existe de merveilleux textes, écrits pour certains il y a plus de mille ans, qui feraient rougir le lecteur occidental. J’ai voulu remettre dans un contexte moderne cette tradition.» En reproduisant par exemple un extrait du Jardin parfumé, manuel d’érotologie multicentenaire dans lequel l’auteur, le Cheikh Nefzaoui, se livre à une truculente classification des différents types de phallus. Ou en demandant à des écrivains et artistes contemporains du monde arabe de se faire pigistes et de proposer des textes originaux pour le magazine.
Autocollant. La tâche fut ardue. Car non seulement il fallait convaincre ces auteurs d’oser poser des mots sur ces thèmes dont on parle peu dans des sociétés où la religion reste centrale mais surtout, ils devaient renoncer à l’utilisation d’un pseudonyme.«Il est important d’assumer son propos», tranche Joumana Haddad. Une quarantaine d’hommes et de femmes ont accepté. De «Fétichisme, la clé de la sensualité» à «Mon corps m’a appris» en passant par «La culture de la violence dans les couples», les articles parcourent le corps social, éthique, esthétique, artistique ou encore linguistique, tout cela sur près de 200 pages, proposées à la vente dans une enveloppe plastique et estampillées d’un autocollant vert «pour adultes seulement».
«Pornographique».En vente libre au Liban, le magazine reste pourtant interdit dans tous les autres pays arabes mais circule discrètement à travers les frontières par voie postale ou dans les valises de voyageurs complices. Il connaît notamment un vif succès en Arabie Saoudite où résident la moitié des abonnés.
Néanmoins, tout n’est pas si simple. Les opposants à ce qu’ils considèrent comme une «revue pornographique» sont légions et actifs. Des pirates barrent régulièrement la page d’accueil du site internet (1) d’un «il n’y a de Dieu que Dieu». Un collectif d’organisations féministes libanaises appel à l’interdiction de cette publication qui «éveille les instincts sexuels». Et les annonceurs publicitaires ne prennent pas le risque de s’afficher dans les pages de Jasad qui survit actuellement grâce à l’engouement de ses lecteurs.
BEYROUTH (Liban), de notre correspondante [B] Isabelle Dellerba
Epinglé en devanture ou planqué derrière trois épaisseurs de journaux, un nouveau trimestriel libanais, Jasad, («corps»), vendu dans toutes les librairies du pays et exporté sous le manteau dans l’ensemble de la région, fait un carton. 3000 exemplaires ont été écoulés en onze jours pour le premier numéro, et déjà 4000 vendus pour le second numéro, paru début mars. Sa particularité ? Il est le premier magazine culturel, en langue arabe, entièrement consacré à l’exploration du corps.
Avec des dossiers sur le pénis, le fétichisme du pied ou l’homosexualité, Jasad aborde, sans vulgarité ni fausse pudeur, ces sujets qui hérissent les conservateurs de tous poils mais répondent à la demande d’un vaste lectorat, aussi bien chrétien que musulman. La fondatrice de cet ovni médiatique : Joumana Haddad, poétesse et responsable de la section culturelle du quotidien libanais An-Nahar.
«Mon pari, explique-t-elle, était de proposer un magazine qui contribue à briser certains tabous et ce, en arabe. Notre langue est très libre. Il existe de merveilleux textes, écrits pour certains il y a plus de mille ans, qui feraient rougir le lecteur occidental. J’ai voulu remettre dans un contexte moderne cette tradition.» En reproduisant par exemple un extrait du Jardin parfumé, manuel d’érotologie multicentenaire dans lequel l’auteur, le Cheikh Nefzaoui, se livre à une truculente classification des différents types de phallus. Ou en demandant à des écrivains et artistes contemporains du monde arabe de se faire pigistes et de proposer des textes originaux pour le magazine.
Autocollant. La tâche fut ardue. Car non seulement il fallait convaincre ces auteurs d’oser poser des mots sur ces thèmes dont on parle peu dans des sociétés où la religion reste centrale mais surtout, ils devaient renoncer à l’utilisation d’un pseudonyme.«Il est important d’assumer son propos», tranche Joumana Haddad. Une quarantaine d’hommes et de femmes ont accepté. De «Fétichisme, la clé de la sensualité» à «Mon corps m’a appris» en passant par «La culture de la violence dans les couples», les articles parcourent le corps social, éthique, esthétique, artistique ou encore linguistique, tout cela sur près de 200 pages, proposées à la vente dans une enveloppe plastique et estampillées d’un autocollant vert «pour adultes seulement».
«Pornographique».En vente libre au Liban, le magazine reste pourtant interdit dans tous les autres pays arabes mais circule discrètement à travers les frontières par voie postale ou dans les valises de voyageurs complices. Il connaît notamment un vif succès en Arabie Saoudite où résident la moitié des abonnés.
Néanmoins, tout n’est pas si simple. Les opposants à ce qu’ils considèrent comme une «revue pornographique» sont légions et actifs. Des pirates barrent régulièrement la page d’accueil du site internet (1) d’un «il n’y a de Dieu que Dieu». Un collectif d’organisations féministes libanaises appel à l’interdiction de cette publication qui «éveille les instincts sexuels». Et les annonceurs publicitaires ne prennent pas le risque de s’afficher dans les pages de Jasad qui survit actuellement grâce à l’engouement de ses lecteurs.
BEYROUTH (Liban), de notre correspondante [B] Isabelle Dellerba
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