Si le boson de Higgs, particule qui donne leur masse à toutes les autres de l'univers, a été finalement identifié, c'est en partie grâce au travail d’une quinzaine de chercheurs marocains qui participent depuis 16 ans à la collaboration Atlas au CERN en Suisse.
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Qui aurait imaginé que la découverte du boson de Higgs, la particule qui donne leur masse à toutes les autres dans notre univers, dans l’enceinte sophistiquée du Centre européen de recherche nucléaire (CERN) doit quelque chose au Maroc et à ses chercheurs ? D’autant plus que le Royaume n’a jamais fait de la recherche scientifique une priorité nationale. Pourtant, le Maroc fait bel et bien partie du club fermé des pays qui ont depuis plusieurs années travaillé au sein des équipes de chercheurs du CERN qui est l’un des plus grands et des plus prestigieux laboratoires scientifiques du monde. Là où se trouve le LHC (Large Hadron Collider), le plus grand accélérateur de particules au monde, un anneau de plus de 27 kilomètres et de la hauteur d’un immeuble de six étages !
50 000 électrodes made in Maroc
Tout a commencé en 1996 avec l’admission du Maroc au CERN. «Depuis 1996, le Maroc est officiellement membre de la collaboration Atlas au CERN. L’admission du Royaume au sein de cette collaboration est la conséquence du travail de qualité de quelques scientifiques marocains avant 1996», explique le professeur Rajaa Cherkaoui El Moursli, membre correspondant de l’Académie Hassan II des sciences et techniques et membre de la collaboration Atlas au LHC et professeure à l’Université Mohammed V Agdal.
Rajaa Cherkaoui et Houmada Abdeslam qui étaient tous les deux chercheurs à l’université de Grenoble ont eu la lumineuse idée d’associer le Maroc au CERN. Et faire partie du plus grand laboratoire de recherche nucléaire n’est pas une mince affaire. «Le CERN établit des accords avec des pays et des institutions, pas avec des chercheurs. Nous avons alors invité le porte-parole de l’expérience Atlas à l’époque, Peter Jenni au Maroc. Il avait rencontré le ministre de l’enseignement supérieur Driss Khalil, qui avait tout de suite mesuré l’importance de cette collaboration», se rappelle Mme El Moursli. Le Maroc a été admis après un vote unanime des 148 institutions de recherche représentant 33 pays. Un bon point pour le développement de la recherche au pays, mais également pour l’image du Maroc.
Le Royaume était alors le premier pays arabe et africain à faire partie de cette collaboration. Des physiciens des universités Hassan II Aïn Chock de Casablanca, Mohammed V-Agdal de Rabat, Mohammed Ier d’Oujda, Cadi Ayyad de Marrakech, ainsi que le Centre national de l’énergie des sciences et techniques nucléaires (Cnesten) ont donc eu l’occasion de participer à cette belle aventure scientifique. C’est le pôle de compétences Réseau universitaire de physique des hautes énergies (Ruphe) qui a été l’institution marocaine chargée de ce programme de recherche. Il fallait concrétiser alors la collaboration. Car pour devenir signataire des travaux du CERN, il faut être qualifié. Et pour être qualifié, il faut effectuer un travail précis.
Entre 1996 et 2003, des équipes marocaines vont effectuer un travail colossal : participer à la construction d’un détecteur du LHC d’Atlas en collaboration avec le laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (LPSC) de Grenoble et le Royal Institute of technologie de Stockholm. Plus de 50 000 électrodes ont été réalisées par des chercheurs des Facultés des sciences de Casablanca et de Rabat et les ingénieurs du Cnesten. «Des électrodes ont été conçues, soudées et testées au Maroc. C’était une expérience très innovante pour les chercheurs et les étudiants marocains qui ont ainsi bénéficié d’un transfert de savoir et de technologies nouvelles», se souvient encore Mme El Moursli. Des dizaines de jeunes étudiants ont ainsi été formés dans des disciplines de pointe comme la microélectronique, l’automatisation des systèmes de contrôle de qualité ainsi qu’en informatique. Depuis, des équipes marocaines se succèdent au CERN afin de participer à l’acquisition des données.
Le CERN «mise» sur le Maroc
«Au CERN, les manipulations, c’est du 24 h/24. Depuis 1996, les chercheurs marocains ont participé à l’effort de stockage de données et de recherche. Nous étions en fait en charge du calorimètre électromagnétique, c’est là où sont positionnées les électrodes marocaines», souligne la professeure. Mme El Moursli a participé à maintes reprises à ces opérations d’acquisition de données, communément connues sous «shifts». C’est lors d’un de ces shifts que le boson de Higgs a fini par être décelé. Cette découverte vient confirmer le travail de théoriciens sur la structure fondamentale de la matière, «la particule qui donne leur masse à toutes les autres dans notre univers selon la théorie dite du “Modèle standard”. Nous avons suivi pendant des mois l’évolution des recherches sur le boson. On savait que la découverte d’une nouvelle particule était imminente. Mais nous étions tous tenus à garder le secret», avoue Mme El Moursli. Le Maroc a suivi l’annonce de la découverte du boson de Higgs comme les autres pays membres de la collaboration. Tous les scientifiques qui font partie d’Atlas ont assisté «virtuellement» à la conférence de presse en direct du CERN.
«J’étais émue. C’est l’aboutissement d’un travail collectif qui a rassemblé scientifiques, informaticiens et ingénieurs du monde entier», lance Mme El Moursli. Et ce n’est qu’un commencement. «Nous sommes au début d’une ère capitale dans l’histoire de la physique des hautes énergies. En 2013, des travaux vont être effectués sur le LHC pour augmenter l’énergie et la luminosité. Ce qui nous permettra d’aller plus loin dans la découverte des secrets de la matière», souligne notre chercheuse. L’aventure du Maroc avec le CERN est aussi prometteuse que l’horizon des découvertes de la physique des particules. Normalement, un seul étudiant marocain est pris en charge par le CERN. Cette année, le laboratoire en a pris deux, Haddad Nacim et Zineb Idrissi. «Habituellement, le CERN ne prend en charge qu’un étudiant par pays non membre européen. Dans le cas du Maroc, deux étudiants ont été pris en charge. Ceci est très important et montre que le CERN veut ériger le Maroc en exemple et veut participer à son développement scientifique et humain», explique la professeure.
Contactés par la Vie éco, les étudiants pris en charge par le CERN nous font part de leurs impressions. «Le matin tôt, on sort du building 38 sous le bruit des machines de refroidissement et des accélérateurs. Un monde vert, des vélos partout et les Alpes soufflent le chaud et le froid… On se prépare pour se joindre aux lectures du matin, dans l’amphithéâtre principal du CERN. Un programme ciblé, une méthodologie impeccable et 71 nationalités unies sous le toit de la physique». Et d’ajouter : «On ne manque surtout pas à la sortie des bureaux de se dresser devant la carte de la collaboration Atlas pour voir le Maroc comme Etat participant dans cette grande aventure scientifique et de se sentir fier de faire partie de ceux qui représentent le Maroc dans ces lieux “sacrés”».
Le CERN ne ménage pas d’efforts pour aider le Maroc. «Il a offert au Maroc cette année pas moins de 150 serveurs informatiques que nous allons distribuer à cinq universités, membres de la collaboration Atlas et le Cnesten. Le CERN veut que le Maroc soit visible dans la grille informatique internationale», conclut Mme Moursli. Au Maroc de faire de même, en encourageant la recherche et en créant de nouveaux postes dans les différentes universités. C’est primordial pour l’avenir de la recherche scientifique dans le pays, mais également pour cette collaboration qu’entretient le Maroc avec le CERN.
la vie eco
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50 000 électrodes made in Maroc
Tout a commencé en 1996 avec l’admission du Maroc au CERN. «Depuis 1996, le Maroc est officiellement membre de la collaboration Atlas au CERN. L’admission du Royaume au sein de cette collaboration est la conséquence du travail de qualité de quelques scientifiques marocains avant 1996», explique le professeur Rajaa Cherkaoui El Moursli, membre correspondant de l’Académie Hassan II des sciences et techniques et membre de la collaboration Atlas au LHC et professeure à l’Université Mohammed V Agdal.
Rajaa Cherkaoui et Houmada Abdeslam qui étaient tous les deux chercheurs à l’université de Grenoble ont eu la lumineuse idée d’associer le Maroc au CERN. Et faire partie du plus grand laboratoire de recherche nucléaire n’est pas une mince affaire. «Le CERN établit des accords avec des pays et des institutions, pas avec des chercheurs. Nous avons alors invité le porte-parole de l’expérience Atlas à l’époque, Peter Jenni au Maroc. Il avait rencontré le ministre de l’enseignement supérieur Driss Khalil, qui avait tout de suite mesuré l’importance de cette collaboration», se rappelle Mme El Moursli. Le Maroc a été admis après un vote unanime des 148 institutions de recherche représentant 33 pays. Un bon point pour le développement de la recherche au pays, mais également pour l’image du Maroc.
Le Royaume était alors le premier pays arabe et africain à faire partie de cette collaboration. Des physiciens des universités Hassan II Aïn Chock de Casablanca, Mohammed V-Agdal de Rabat, Mohammed Ier d’Oujda, Cadi Ayyad de Marrakech, ainsi que le Centre national de l’énergie des sciences et techniques nucléaires (Cnesten) ont donc eu l’occasion de participer à cette belle aventure scientifique. C’est le pôle de compétences Réseau universitaire de physique des hautes énergies (Ruphe) qui a été l’institution marocaine chargée de ce programme de recherche. Il fallait concrétiser alors la collaboration. Car pour devenir signataire des travaux du CERN, il faut être qualifié. Et pour être qualifié, il faut effectuer un travail précis.
Entre 1996 et 2003, des équipes marocaines vont effectuer un travail colossal : participer à la construction d’un détecteur du LHC d’Atlas en collaboration avec le laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (LPSC) de Grenoble et le Royal Institute of technologie de Stockholm. Plus de 50 000 électrodes ont été réalisées par des chercheurs des Facultés des sciences de Casablanca et de Rabat et les ingénieurs du Cnesten. «Des électrodes ont été conçues, soudées et testées au Maroc. C’était une expérience très innovante pour les chercheurs et les étudiants marocains qui ont ainsi bénéficié d’un transfert de savoir et de technologies nouvelles», se souvient encore Mme El Moursli. Des dizaines de jeunes étudiants ont ainsi été formés dans des disciplines de pointe comme la microélectronique, l’automatisation des systèmes de contrôle de qualité ainsi qu’en informatique. Depuis, des équipes marocaines se succèdent au CERN afin de participer à l’acquisition des données.
Le CERN «mise» sur le Maroc
«Au CERN, les manipulations, c’est du 24 h/24. Depuis 1996, les chercheurs marocains ont participé à l’effort de stockage de données et de recherche. Nous étions en fait en charge du calorimètre électromagnétique, c’est là où sont positionnées les électrodes marocaines», souligne la professeure. Mme El Moursli a participé à maintes reprises à ces opérations d’acquisition de données, communément connues sous «shifts». C’est lors d’un de ces shifts que le boson de Higgs a fini par être décelé. Cette découverte vient confirmer le travail de théoriciens sur la structure fondamentale de la matière, «la particule qui donne leur masse à toutes les autres dans notre univers selon la théorie dite du “Modèle standard”. Nous avons suivi pendant des mois l’évolution des recherches sur le boson. On savait que la découverte d’une nouvelle particule était imminente. Mais nous étions tous tenus à garder le secret», avoue Mme El Moursli. Le Maroc a suivi l’annonce de la découverte du boson de Higgs comme les autres pays membres de la collaboration. Tous les scientifiques qui font partie d’Atlas ont assisté «virtuellement» à la conférence de presse en direct du CERN.
«J’étais émue. C’est l’aboutissement d’un travail collectif qui a rassemblé scientifiques, informaticiens et ingénieurs du monde entier», lance Mme El Moursli. Et ce n’est qu’un commencement. «Nous sommes au début d’une ère capitale dans l’histoire de la physique des hautes énergies. En 2013, des travaux vont être effectués sur le LHC pour augmenter l’énergie et la luminosité. Ce qui nous permettra d’aller plus loin dans la découverte des secrets de la matière», souligne notre chercheuse. L’aventure du Maroc avec le CERN est aussi prometteuse que l’horizon des découvertes de la physique des particules. Normalement, un seul étudiant marocain est pris en charge par le CERN. Cette année, le laboratoire en a pris deux, Haddad Nacim et Zineb Idrissi. «Habituellement, le CERN ne prend en charge qu’un étudiant par pays non membre européen. Dans le cas du Maroc, deux étudiants ont été pris en charge. Ceci est très important et montre que le CERN veut ériger le Maroc en exemple et veut participer à son développement scientifique et humain», explique la professeure.
Contactés par la Vie éco, les étudiants pris en charge par le CERN nous font part de leurs impressions. «Le matin tôt, on sort du building 38 sous le bruit des machines de refroidissement et des accélérateurs. Un monde vert, des vélos partout et les Alpes soufflent le chaud et le froid… On se prépare pour se joindre aux lectures du matin, dans l’amphithéâtre principal du CERN. Un programme ciblé, une méthodologie impeccable et 71 nationalités unies sous le toit de la physique». Et d’ajouter : «On ne manque surtout pas à la sortie des bureaux de se dresser devant la carte de la collaboration Atlas pour voir le Maroc comme Etat participant dans cette grande aventure scientifique et de se sentir fier de faire partie de ceux qui représentent le Maroc dans ces lieux “sacrés”».
Le CERN ne ménage pas d’efforts pour aider le Maroc. «Il a offert au Maroc cette année pas moins de 150 serveurs informatiques que nous allons distribuer à cinq universités, membres de la collaboration Atlas et le Cnesten. Le CERN veut que le Maroc soit visible dans la grille informatique internationale», conclut Mme Moursli. Au Maroc de faire de même, en encourageant la recherche et en créant de nouveaux postes dans les différentes universités. C’est primordial pour l’avenir de la recherche scientifique dans le pays, mais également pour cette collaboration qu’entretient le Maroc avec le CERN.
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