
Herschel va pénétrer les nuages où naissent les étoiles.
A l'affût des premiers temps de l'Univers, le télescope spatial Herschel part ce jeudi sonder le milieu interstellaire. Un "oeil" qui vise loin: 10 milliards d'années-lumière.
Comment discerner l'invisible? La question pourrait tenir du devoir de philo. Pas pour les astrophysiciens impliqués cette semaine dans les derniers préparatifs du lancement de Kourou du plus gros télescope spatial jamais envoyé dans l'espace. Eux ont la réponse. Une réponse sous la forme d'un satellite de 3 tonnes à l'envol, de 7 mètres de hauteur, doté d'un miroir de plus de 3 mètres de diamètre et baptisé Herschel -du nom de l'astronome britannique d'origine allemande ayant découvert, au XVIIIe siècle, les ondes infrarouges.
Ce jeudi 14 mai, vingt-cinq minutes après son lancement par une fusée Ariane 5, prévu vers 15h, Herschel, l'observatoire, une mission de l'ESA -l'agence spatiale européenne- en association avec la Nasa, doit prendre le chemin des étoiles. En orbite à 1,5 million de kilomètres de la Terre, l'engin va sonder, trois ans durant, le milieu interstellaire et remonter le temps jusqu'aux contrées méconnues des origines de l'Univers.

Peu après le lancement, Herschel et Planck vont se séparer d'Ariane 5 pour se mettre sur leurs orbites respectives. Ils mettront chacun près de 60 jours pour atteindre leur destination.
"Embryologie stellaire"
Au programme: l'évolution des galaxies, l'atmosphère de planètes géantes (Uranus, Neptune) et, surtout, la naissance des étoiles. Comment se forment-elles? Pourquoi certaines deviennent-elles géantes alors que d'autres sont moitié moins massive que le Soleil? Pour lever le voile sur ce qui reste un mystère, Herschel va pénétrer au coeur des nuages moléculaires où elles naissent. "De l'embryologie stellaire, résume Vincent Minier, astrophysicien au CEA. La seule façon de découvrir les mécanismes de leur gestation."
Observer un monde enfoui appelé 'Univers froid'
Pour l'heure, personne n'a encore observé le détail de cette genèse. Seules les grandes lignes du scénario sont connues -des nuages de gaz et de poussières qui se fragmentent, s'effondrent sur eux-mêmes, créant au travers de réactions nucléaires ces boules incandescentes, les étoiles. Vivre les instants d'avant l'accouchement implique d'observer un monde enfoui que les spécialistes appellent "Univers froid". Une dimension où la lumière des objets célestes n'est décelable que dans l'infrarouge lointain ou le submillimétrique, leur longueur d'onde d'émission. Une dimension, qui plus est, seulement accessible de l'espace, hors des contraintes de l'atmosphère terrestre et, notamment, de sa vapeur d'eau, qui rend les observations impossibles. Avec ses détecteurs ultrasensibles refroidis à l'hélium, Herschel va accéder à des corps dont la température se situe à -268 degrés. De quoi remonter à une dizaine de milliards d'années-lumière. De quoi, aussi, prolonger les acquis de son "ancêtre", le toujours vaillant Hubble.
La première lumière d'après le big bang
Dans sa quête, Herschel ne sera pas seul. Hébergé lui aussi sous la coiffe d'Ariane, son compère Planck, premier satellite européen de cosmologie, va également prendre ses marques. Objectif: débusquer la première lumière d'après le big bang, ces photons nés alors que l'Univers, encore dans sa prime jeunesse, n'avait "que" 400 000 ans (pour 13,7 milliards d'années aujourd'hui).
Quelles signatures révéleront-ils? Si tout va bien, les premiers signaux de Herschel devraient commencer à nous parvenir en août. Un avant-goût d'une moisson que les chercheurs espèrent aussi abondante que celle de Hubble, même si elle est plus courte. Car, si sophistiqué soit-il, Herschel, aboutissement d'un projet porté depuis les années 1980, n'est qu'une étape. En 2013, la Nasa va lancer -à nouveau avec une fusée Ariane- le télescope spatial James Webb. Plus puissant que Herschel, l'engin ira fouiller d'encore plus près la structuration de l'Univers.
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