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Addiction au sexe et aux jeux : tous les malades de Parkinson sous traitement sont des victimes possibles

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  • Addiction au sexe et aux jeux : tous les malades de Parkinson sous traitement sont des victimes possibles

    Sexualité compulsive, achats frénétiques et dépendance aux jeux : tous les médicaments qui agissent sur la dopamine pris par les personnes atteintes par la maladie de Parkinson peuvent provoquer ces graves effets indésirables. Les proches en sont les victimes collatérales.

    Rozenn Le Saint


    En quarante-deux ans de maladie de Parkinson, Henri David a essayé toute la gamme de médicaments dopaminergiques prescrits pour aider à contrôler les mouvements et maîtriser les raideurs. Quand sa neurologue a augmenté les doses, il s’est mis à se travestir. Ça a duré dix ans.

    « Au départ, je portais simplement des sous-vêtements féminins, puis je disais à mon épouse que je partais jouer aux cartes et je roulais des centaines de kilomètres la nuit, déguisé. Je prenais un plaisir insensé à me promener en femme sur les aires d’autoroutes, lieux de rencontres particuliers », témoigne le patient, aujourd’hui âgé de 75 ans.

    Quelque 273 000 personnes souffrent de la maladie de Parkinson en France et près de 250 000 prennent un médicament à base de lévodopa, qui augmente les quantités de dopamine. En effet, la pathologie survient du fait d’un manque de dopamine, pourvoyeuse de plaisir.

    Selon Jean-Christophe Corvol, professeur de neurologie à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, « quasiment tous les patients avec maladie de Parkinson ont un traitement dopaminergique dont près de la moitié en France est sous agonistes dopaminergiques, les plus pourvoyeurs de troubles du comportement ». Ces derniers leur sont prescrits seuls ou en complément de la lévodopa.

    Agrandir l’image : Illustration 1© Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart

    Le Requip, commercialisé par le laboratoire GSK, est un agoniste dopaminergique à base de ropinirole pris par 48 000 patient·es en France. Ses effets indésirables pouvant notamment se traduire par une sexualité non contrôlée et des achats compulsifs, GSK est aujourd’hui poursuivi par des personnes s’en disant victimes.

    Le Sifrol, qui contient du pramipexole, une molécule prescrite à 131 000 malades en France, fait aussi partie de cette famille de médicaments, mais aussi tous ceux composés de cabergoline, de rotigotine, d’apomorphine, de bromocriptine, ou encore, de piribédil.

    Sous ces traitements, Henri David a vendu sa maison, il a quitté son travail. Son hyperactivité l’a conduit à de coûteux projets qui lui valent aujourd’hui un plan de redressement établi par la Banque de France : depuis dix ans et jusqu’en 2030, il doit rembourser 1 500 euros par mois.

    Première alerte en 1986


    Il n’a découvert la source de ses lubies qu’en 2006, au hasard d’une conversation avec un inconnu. Sa femme comprend alors enfin ce qu’il se passe et décide de le soutenir. Après 53 ans de mariage, elle est toujours à ses côtés.

    En 2014, il remporte son procès contre sa neurologue, condamnée pour ne pas l’avoir suffisamment informé sur les risques d’effets indésirables graves des médicaments dopaminergiques. Les indemnités obtenues, de l’ordre de 17 500 euros, sont cependant loin de couvrir les dépenses insensées engagées pendant près de 25 ans…

    Le premier cas décrivant des troubles du contrôle des impulsions d’un médicament de cette famille a été notifié dès 1986 dans la base nationale de pharmacovigilance, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

    Mais ce n’est que dans les années 2000 qu’on entend parler des effets indésirables de ces substances. En 2009, l’ANSM diffuse un point d’information accompagné d’une lettre aux professionnels de santé alertant sur le risque de troubles du contrôle des impulsions avec la lévodopa et les agonistes dopaminergiques. Elle y rappelle la nécessité d’informer les patients et leur entourage de ce risque.

    Car les proches des malades sont bien souvent les victimes collatérales de ces addictions soudaines. Ainsi en 2007, le mari de Nicole*, diagnostiqué parkinsonien, est mis sous lévodopa. « Dès le lendemain de la prise du médicament, lui qui était devenu ramollo, très fatigué, a retrouvé un punch incroyable », témoigne la Marseillaise âgée de 63 ans. Sauf qu’il est pris de pulsions sexuelles. Pendant quatre ans, sa femme subit « des viols, parce que c’est comme ça que ça s’appelle, même si on n’en parlait pas à l’époque. C’était avant #Metoo », souffle-t-elle. Quand elle aborde le sujet avec le médecin de son mari, il lui répond que « le mariage, c’est pour le meilleur et pour le pire ».

    « Les deux dernières années à ses côtés, je dormais en position assise, adossée à des coussins pour pouvoir réagir au quart de tour. Je me levais à 4 heures du matin pour le travail, alors il m’arrivait de m’endormir après le déjeuner. Je me réveillais avec mon mari sur moi en train de baver et de me pénétrer », confie-t-elle. Leur fille âgée d’une dizaine d’années entend parfois sa mère hurler. Un jour, l’enfant lui dit que ses copines dont les parents ont divorcé ne sont pas malheureuses. C’est le déclic.


    Agrandir l’image : Illustration 2Une boîte de Sifrol, un traitement pour la maladie de Parkinson. © Photo Baptiste Fenouil / REA

    Le lendemain, Nicole met de côté sa culpabilité à quitter un malade et part vivre à l’autre bout du monde avec sa fille pendant un an. Elle demande le divorce. Son ex-mari est mort cette année en laissant derrière lui une montagne de dettes, que sa fille doit gérer.

    « Il a claqué de l’argent à outrance. À un moment, sa société était endettée de 300 000 euros car il dépensait tout dans les 4x4 et le poker. Un matin, nous nous sommes levées, il avait même vendu les bijoux de famille en or offerts à ma fille par ses grands-mères », se remémore Nicole, qui regrette : « Il y a une quinzaine d’années, on prescrivait des traitements dopaminergiques sans rien dire, sans prévenir.Le malade ne tremble plus avec son médicament mais la personne à côté, si. »

    C’était plus fort que moi. Comme une petite voix qui me disait d’aller au casino. D’ailleurs, j’y rencontrais d’autres parkinsoniens.
    Marie-Laure Donati, atteinte de la maladie
    La sexualité des femmes aussi peut être perturbée par un médicament dopaminergique. C’est connu dans l’univers médical depuis au moins vingt ans. L’un d’entre eux à base d’apomorphine a fait l’objet d’une étude dont les résultats ont été publiés en 2004 dans la revue Urology. Elle conclut que la molécule pourrait avoir des effets positifs sur les troubles du désir sexuel des femmes.

    Sandrine* a vu sa libido flamber en 2022, quand sa neurologue a augmenté les doses de Requip pour limiter les raideurs de ses muscles. En tant que préparatrice en pharmacie, elle a l’habitude de lire les notices des médicaments, où sont progressivement mentionnés ces effets indésirables dans les années 2000.

    Mais accablée par la maladie de Parkinson qui lui est diagnostiquée en 2018, elle ne fait pas tout de suite le lien entre son changement de comportement et le Requip. « Cela fait 30 ans que je suis mariée, je n’avais jamais eu envie de rapports sexuels tous les jours, et là je ne pensais qu’à ça. Au début mon époux était content, puis moins réceptif », se souvient la quinquagénaire.

    Par la suite, « j’ai commencé à avoir des pulsions alimentaires, mais je mettais cela sur le compte de la dépression », signale-t-elle. Elle entame des visites nocturnes au frigo et engloutit yaourts, glaces, fruits… Au point de prendre 15 kilos en six mois. Elle se met à jouer au casino en ligne en cachette et dépense 40 000 euros sur le même laps de temps. Toutes ses économies y passent. Elle contracte un prêt. Elle dort trois petites heures par nuit, elle est à bout.

    « J’avais des pensées suicidaires, quand je conduisais, je voulais foncer dans un arbre », livre Sandrine. Elle avoue tout à sa neurologue en mars 2024, qui arrête immédiatement le traitement. Les raideurs et les douleurs sont revenues malgré les séances de kiné, mais toutes les pulsions ont disparu.

    À 69 ans, Marie-Laure Donati n’a pas le choix, comme presque toutes les personnes atteintes de Parkinson. La maladie dégénérative et incurable a gagné du terrain. Si cette habitante de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur veut continuer à marcher sur le bord de la Méditerranée et tricoter, elle a besoin de maîtriser un minimum ses mouvements et pour l’heure, il n’y a pas de médicament alternatif que les dopaminergiques.

    Elle raconte qu’à partir du moment où la maladie lui a été diagnostiquée en 2006 et pendant dix ans, elle a dépensé quelque 1 000 euros par mois dans les jeux d’argent. Elle n’avait pourtant jamais misé un centime avant de prendre du Sifrol. Sa retraite d’infirmière s’en trouve bien amputée et malgré son bagage médical et les avertissements de son neurologue lors de la prescription, elle n’arrive pas à se raisonner.

    « C’était plus fort que moi. Comme une petite voix qui me disait d’aller au casino. D’ailleurs, j’y rencontrais d’autres parkinsoniens », relate Marie-Laure Donati.

    En plus de cela, il y a les achats compulsifs. « Si je pars faire les magasins seule, je reviens avec quatre paires de chaussures, les noires, les vertes, les beiges, les rouges. Pour cette saison, je me suis payé sept maillots de bain », avoue-t-elle. Car même si à présent, elle est passée à une forme de traitement par patch censé limiter les dégâts et qu’elle arrive à se faire violence, elle reste addict à tous ces plaisirs incontrôlés.


    Les silences suspects de l’association France Parkinson

    Henri David reproche à l’association de patient·es France Parkinson d’avoir insuffisamment relayé les dangers de ces médicaments. Marie Fuzzati, directrice scientifique de l’association, admet qu’encore aujourd’hui la mention de ces graves effets indésirables n’est pas facilement accessible sur le site de l’association et qu’elle le sera davantage « prochainement ». En revanche, France Parkinson estime que ce n’est pas lié aux financements passés : le géant pharmaceutique GSK a versé à l’association de l’ordre de 10 000 à 15 000 euros par an entre 2009 et 2014, année de fin du mécénat.

    De 2009 à aujourd’hui, l’association reconnaît auprès de Mediapart avoir reçu autour de 600 000 euros de la part de fabricants d’agonistes dopaminergiques. Certains, comme UCB et Aguettant, sont toujours des partenaires de France Parkinson. En tout, l’industrie pharmaceutique a dépensé pour elle plus de 400 000 euros depuis 2019, selon Euros For Docs, qui reprend les données de la base publique Transparence - Santé. « Les financements des laboratoires ne dépassent pas 2 % des ressources de l’association à l’heure actuelle et étaient inférieurs à 5 % au début des années 2010 », se défend France Parkinson, en précisant qu’ils servent essentiellement à sponsoriser des supports de communication et événements de sensibilisation à la pathologie.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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