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Il a tué un chien et torturé des dizaines de chats : les effets secondaires insoupçonnés des médicaments anti-Parkinson

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  • Il a tué un chien et torturé des dizaines de chats : les effets secondaires insoupçonnés des médicaments anti-Parkinson

    Sous l’effet du médicament Requip, un ingénieur a violenté des animaux en série et a fait de la prison. La justice a fini par reconnaître que celui qui était surnommé le « serial cat killer » n’était pas responsable de ses actes. Mais toute sa vie a été gâchée.


    Rozenn Le Saint
    Patrick menait une vie des plus lisses avant que son neurologue ne lui prescrive des médicaments antiparkinsoniens à la fin des années 2010. Patrick ne s’appelle pas Patrick. Mais sa vie a été tellement bousillée par la prise de ces médicaments et par leurs effets indésirables qu’il a accepté de témoigner pour la première fois dans un média à une seule condition : que son nom n’apparaisse pas dans l’article. Pour ne pas avoir à subir de nouveau les conséquences de ses actes passés, dont il a pourtant fini par être jugé pénalement irresponsable par une cour d’appel en 2021.

    Comme quelque 48 000 autres actuelles victimes de la maladie de Parkinson, Patrick s’est vu prescrire du Requip. Car si cette maladie neurodégénérative ne se guérit pas, il est possible d’en apaiser les symptômes grâce à des médicament de la famille des agonistes dopaminergiques, et notamment celui-ci, commercialisé par le laboratoire GSK.

    Dans les années 2000, des risques liés à la prise de ce médicament ont émergé : « addiction aux jeux d’argent, achats compulsifs et hypersexualité », tardivement reconnus par le laboratoire, figurent à présent dans la notice du Requip, qui évoque aussi de possibles « épisodes maniaques » susceptibles de provoquer des « comportements inadaptés ».

    Agrandir l’image : Illustration 1© Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart

    Mais qui aurait pu imaginer que cela pouvait se traduire par des pulsions de cruauté envers les animaux ?

    Quand la maladie lui est diagnostiquée, Patrick est le directeur d’un grand site industriel. Il occupe un poste hautement stratégique et veut absolument camoufler les tremblements causés par Parkinson, afin que sa carrière ne puisse pas en pâtir.

    Il a seulement informé sa femme et son patron du diagnostic, mais pas ses quatre enfants. Pour apaiser ses tremblements et raideurs dans les mouvements qui progressent, son médecin augmente les doses de Requip, non sans l’interroger régulièrement sur son comportement, conscient des risques de troubles du contrôle des impulsions provoqués par le médicament et relayés par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) aux professionnel·les de santé à partir de 2009.

    Surpris en pleine chasse


    Patrick ne dit alors rien à son médecin des pulsions de mutilation qu’il raconte aujourd’hui, la façon dont il appâtait les chats, les coinçait entre ses genoux et leur disloquait les quatre pattes. « J’attirais les chats dans ma voiture avec des petites boîtes de pâté dans le coffre. Je m’éloignais, je leur luxais l’épaule puis je les relâchais. C’était une pulsion incontrôlable, plus qu’une priorité, un but. Une fois atteint, cela me procurait un soulagement », confesse aujourd’hui le quinquagénaire, penaud. Lors d’un épisode isolé, sous l’effet d’un autre médicament antiparkinsonien, il a également tué un chien à l’aide d’un tournevis.

    Quand le médecin double sa dose de Requip, les troubles empirent. Le traitement l’empêche aussi de dormir. Les chasses aux chats occupent ses nuits, au point que sa femme pense qu’il a une maîtresse ou qu’il fait partie d’une secte. Jamais elle n’aurait imaginé qu’il puisse faire du mal à des bêtes, lui qui aime tant leur chien.

    « Plus les doses augmentaient, plus l’envie de recommencer reprenait, comme une drogue. Je me suis mis à capturer des chats en pleine journée, même quand j’avais des réunions programmées ; je partais avec ma voiture de fonction en chercher », confie-t-il. Jusqu’à ce qu’il soit surpris en pleine chasse par le propriétaire d’un de ces animaux. Les gendarmes vont le retrouver dans la foulée grâce à la plaque d’immatriculation relevée.
    Condamnation et prison


    Placé en garde à vue, il avoue. Le lendemain, il contacte son neurologue, qui y voit directement un lien avec les effets indésirables du Requip. Le spécialiste lui impose d’arrêter immédiatement le traitement et exige même que sa femme jette les comprimés restants. Juste avant sa comparution immédiate, le psychiatre mandaté par le procureur préconise le recours à l’expertise d’un neurologue, soupçonnant les effets secondaires du médicament. Ce ne sera pas fait.

    Patrick est jugé devant le tribunal correctionnel pour ces actes commis, en l’espace de quinze mois, à la fin des années 2010. La procureure explique qu’il s’en est pris à au moins trente-trois chats, que vingt-six ont été torturés, quatre ont été euthanasiés, mais qu’on ne saura jamais combien il a réellement fait de victimes. Huit autres chats auraient été retrouvés morts dans un hangar agricole à deux pas de son domicile.

    Devant le tribunal, Patrick présente ses excuses, reconnaît sa « faute civile non intentionnelle ». Il indemnise spontanément les propriétaires de chats blessés et les parties civiles, comme les associations de défense des animaux, à hauteur de plus de 60 000 euros en tout.

    Il est reconnu coupable des faits de sévices graves ou actes de cruauté envers des animaux domestiques.

    Un parcours de fugitif


    La presse s’empare de l’affaire et le surnomme le « serial cat killer ». S’ensuivent les menaces de mort, les intimidations, les manifestations devant son domicile. Sa photo et son nom circulent sur les réseaux sociaux, au point qu’il est placé sous protection de la gendarmerie. Son avocate commise d’office reçoit des menaces écrites. Patrick est renvoyé de son poste. Il rencontre une autre avocate, Dominique Mari, qui fait appel de sa première condamnation au pénal.

    Agrandir l’image : Illustration 2La notice du Requip indiquant des effets indésirables. © Photo Patrick Allard / REA

    Entre-temps, d’autres malheureux propriétaires de chats blessés de la région se sont portés parties civiles. Il est de nouveau condamné, cette fois à un an de prison ferme. Épuisé, il ne fait pas appel de cette condamnation et passe un mois et demi derrière les barreaux, puis porte un bracelet électronique.

    « Mon client a été jugé à deux reprises dans des conditions plus que précipitées, alors que le système judiciaire est parfois si lent à répondre aux victimes de violences faites aux femmes. Cet homme sans casier judiciaire sest retrouvé incarcéré sans que la justice ait pris la peine daccéder à lexpertise neurologique qui aurait permis d’éclairer le juge sur la question de sa responsabilité pénale », regrette Me Mari.


    Si le laboratoire ne précise pas que son médicament peut provoquer des actes de cruauté envers les animaux, cela pose problème.
    Patrice Grillon, avocat de l’association Stéphane Lamart
    L’avocate va cependant finir par obtenir cette expertise, qui fait formellement le lien avec les effets indésirables des agonistes dopaminergiques. Dans l’affaire isolée du chien, Patrick est
    reconnu coupable de l’avoir tué mais le tribunal constate l’altération du contrôle de ses actes du fait de son traitement. Enfin, en 2021, la cour d’appel retient l’abolition de son discernement et le déclare irresponsable pénalement de ses actes de cruauté envers les chats.

    Patrick est soulagé, bien sûr, mais le mal est fait. Il déménage à l’autre bout de la France et vit comme un fugitif. « C’est comme si je me cachais, je n’ai pas demandé à avoir Parkinson, ni à être drogué, ni à perdre le contrôle de mon cerveau », déplore-t-il. Son avocate a beau avoir fait effacer son casier judiciaire, à chaque fois qu’il retrouve du travail, il suffit de quelques mois pour que le bruit coure de nouveau sur son passé de tortionnaire de chats et qu’il perde son emploi.

    Depuis dix ans, Patrick ne peut plus prendre de Requip, à base de ropinirole, ni d’autres agonistes dopaminergiques. Seulement de la lévodopa, qui provoque moins de troubles compulsifs du comportement.

    Si aucun signalement d’actes hostiles vis-à-vis d’animaux commis sous médicaments antiparkinsoniens n’est remonté dans les registres de l’ANSM, à la suite de cette affaire, elle a demandé à GSK et aux autres fabricants de médicaments à base de ropinirole de « suivre les cas d’agressivité envers les humains et les animaux » (voir la boîte noire). Le laboratoire indique simplement à Mediapart « ne pas avoir d’autres éléments à partager au-delà des informations disponibles dans le résumé des caractéristiques du produit [la notice à destination des professionnel·les de santé – ndlr] ».

    Me Kian Barakat, qui a défendu la Société protectrice des animaux (SPA), estime aujourd’hui que « le jugement en appel est source de réflexion sur des implications médicamenteuses quand bien même les actes liés aux effets indésirables ne sont pas spécifiquement listés dans la notice ». Même écho du côté de Patrice Grillon, avocat de l’association Stéphane Lamart pour la défense des droits des animaux. « Si le laboratoire ne précise pas que son médicament peut provoquer des actes de cruauté envers les animaux comme la justice l’a reconnu, cela pose problème. »

    Pour l’heure, Patrick n’envisage pas d’action judiciaire contre GSK. Sa priorité demeure d’apaiser sa famille, heurtée. S’il a choisi de témoigner pour la première fois auprès de Mediapart, c’est dans le but d’« aider les malades qui ne savent pas dans quel bourbier ils peuvent se trouver avec ces traitements, que leur famille fasse aussi le lien quand il se passe des événements étranges et que les malades ne disent rien, car ce n’est pas dicible ».

    Rozenn Le Saint

    Boîte noire


    L’ANSM a relevé parmi les effets indésirables des antiparkinsoniens remontés dans ses bases de pharmacovigilance 77 cas d’agressivité, sans qu’aucun soit dirigé contre les animaux : 32 sous lévodopa, la molécule largement la plus consommée, 15 sous pramipexole (la molécule du Sifrol), 12 sous ropinirole (la molécule du Requip), sept sous piribédil, cinq sous rotigotine, quatre sous bromocriptine et deux sous apomorphine.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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