Le refus d’enfanter dénote un début de changement des styles de vie des Marocaines et leurs aspirations en tant qu’êtres autonomes et libres.
Une femme qui fait le choix de ne pas avoir d’enfant est encore une chose qui dérange. Bien que ce soit un peu mieux accepté au niveau de la société internationale, au Maroc il s’agit d’un véritable tabou. Lorsqu’une femme exprime le souhait de ne pas avoir d’enfants, cela soulève des interrogations. Est-ce par désir de poursuivre une carrière, ou tout simplement par envie de rester seule avec son conjoint ? Un phénomène que l’on comprend plus à travers les témoignages. Asmae, 28 ans, est mariée depuis 6 ans, mais toujours pas d’enfants en vue. La cause? Une carrière très prenante. En effet, cette jeune femme est institutrice à plein temps, mais gère aussi son propre cabinet d’orthophonie. Il n’est donc pas évident pour elle de trouver du temps libre. «Etant donné que je suis entièrement investie dans ma carrière, le désir d’enfant capitule avec le temps, du fait de l’attention et des efforts que réclamerait l’arrivée d’un bébé», explique-t-elle.
Avant de poursuivre : «De plus, mon métier fait que je suis constamment entourée de petits. Je me vois mal arrêter d’être institutrice ou orthophoniste pour donner un biberon». Asmae n’est pas la seule. Lamia, du haut de ses 26 ans, son conjoint et elle sont ensemble depuis 4 ans, pourtant bébé n’est toujours pas à bord. «Et c’est pour le mieux», nous dit-elle. En plus de son travail prenant au sein d’une assurance où les heures ont tendance à être interminables, Lamia vient de reprendre ses études, quelque chose qu’elle souhaitait faire depuis un bon bout de temps. «J’ai eu ma licence à 22 ans, par la suite j’ai commencé le travail et j’ai un peu mis mes études de côté. Etant donné que je souhaite évoluer professionnellement, avoir un master me paraissait comme une évidence. C’est une chose qui aurait été difficile avec un enfant car mes cours sont en week-end». Tant de points de vue concordants quant à la maternité, mais qui suscitent presque la même réaction de la part de la société : le rejet. Le sociologue marocain Ahmed Al Moutamassik nous en fait une lecture. «Il faut dire que le sujet est tabou dans la mesure où la tendance sociale est d’encourager la maternité et de lier l’identité de la femme à son rôle de mère. Nonobstant l’aspect rejet social de cette posture radicalement hors normes, il est nécessaire d’interroger ce phénomène et ce qu’il couvre dans l’évolution des mentalités au Maroc.
J’estime que le non-désir d’enfant est symptomatique des forces contradictoires et des enjeux qui sous-tendent le champ social et culturel marocain». Selon M. Al Moutamassik, le refus d’enfanter revêt plusieurs enjeux, à commencer par celui du rôle social de la femme. «Le rôle actuel de la femme se résume dans la maternité et l’élévation des enfants. Or, la femme marocaine revendique d’autres dimensions de son existence à être une femme égale à l’homme en vue de s’accomplir pleinement dans son être existentiel. Autre enjeu, celui de l’identité féminine et masculine», nous explique le sociologue.
L’identité féminine doit-elle rester la même ou bien évoluer ?
Pour Ahmed Al Moutamassik, les femmes marocaines sont en train de faire éclater les représentations sociales réductrices de l’identité en construisant, dans les actes, une identité multidimensionnelle à l’instar des femmes du monde. Le dernier enjeu étant celui de la revendication de la liberté et l’indépendance. Avec le refus d’enfanter, la femme marocaine revendique la volonté de prendre ses propres décisions. «In fine, être femme sans être mère remet en question la notion de liens et recadre le rôle et l’identité de la femme, prescrits socialement, d’une manière radicale. Il dénote aussi un début de changement des styles de vie des Marocaines et leurs aspirations en tant qu’êtres autonomes et libres», ajoute Ahmed Al Moutamassik.
L’enfantement ne suscite plus autant d’engouement
Faute de statistique locales, Ahmed Al Moutamassik extrapole à partir des statistiques internationales l’ampleur du phénomène. Aux Etats-Unis, sur les 61,6 millions de femmes âgées entre 15 et 44 ans, 6,2% étaient volontairement sans enfants en 2002, contre 4,9% en 1982. En Allemagne, 30% des femmes en âge de procréer sont sans enfants. Au Royaume-Uni, le nombre de femmes sans enfants a augmenté de 100% en 20 ans. Au Canada, 37% des familles n’ont pas d’enfants. 7% des Canadiennes entre 20 et 34 déclarent ne jamais vouloir d’enfants. Au Japon, 56% des femmes de 30 ans n’en ont pas (contre 24% en 1995). Au Maroc, selon les statistiques du Haut-Commissariat au Plan, le nombre d’enfants diminue de 3,3% en 1994 à 2,2% en 2010. Dans les zones rurales, il est passé de 4,3 à 2,3% et dans les zones urbaines de 2,6 à 1,8%. Ces chiffres, selon M. Al Moutamassik, sont significatifs par rapport au changement des attitudes par rapport à l’enfantement. Il faut ajouter aussi que des femmes qui épousent cette attitude sont instruites et dans une phase de construction de leur carrière et leur vie.
ALM
Une femme qui fait le choix de ne pas avoir d’enfant est encore une chose qui dérange. Bien que ce soit un peu mieux accepté au niveau de la société internationale, au Maroc il s’agit d’un véritable tabou. Lorsqu’une femme exprime le souhait de ne pas avoir d’enfants, cela soulève des interrogations. Est-ce par désir de poursuivre une carrière, ou tout simplement par envie de rester seule avec son conjoint ? Un phénomène que l’on comprend plus à travers les témoignages. Asmae, 28 ans, est mariée depuis 6 ans, mais toujours pas d’enfants en vue. La cause? Une carrière très prenante. En effet, cette jeune femme est institutrice à plein temps, mais gère aussi son propre cabinet d’orthophonie. Il n’est donc pas évident pour elle de trouver du temps libre. «Etant donné que je suis entièrement investie dans ma carrière, le désir d’enfant capitule avec le temps, du fait de l’attention et des efforts que réclamerait l’arrivée d’un bébé», explique-t-elle.
Avant de poursuivre : «De plus, mon métier fait que je suis constamment entourée de petits. Je me vois mal arrêter d’être institutrice ou orthophoniste pour donner un biberon». Asmae n’est pas la seule. Lamia, du haut de ses 26 ans, son conjoint et elle sont ensemble depuis 4 ans, pourtant bébé n’est toujours pas à bord. «Et c’est pour le mieux», nous dit-elle. En plus de son travail prenant au sein d’une assurance où les heures ont tendance à être interminables, Lamia vient de reprendre ses études, quelque chose qu’elle souhaitait faire depuis un bon bout de temps. «J’ai eu ma licence à 22 ans, par la suite j’ai commencé le travail et j’ai un peu mis mes études de côté. Etant donné que je souhaite évoluer professionnellement, avoir un master me paraissait comme une évidence. C’est une chose qui aurait été difficile avec un enfant car mes cours sont en week-end». Tant de points de vue concordants quant à la maternité, mais qui suscitent presque la même réaction de la part de la société : le rejet. Le sociologue marocain Ahmed Al Moutamassik nous en fait une lecture. «Il faut dire que le sujet est tabou dans la mesure où la tendance sociale est d’encourager la maternité et de lier l’identité de la femme à son rôle de mère. Nonobstant l’aspect rejet social de cette posture radicalement hors normes, il est nécessaire d’interroger ce phénomène et ce qu’il couvre dans l’évolution des mentalités au Maroc.
J’estime que le non-désir d’enfant est symptomatique des forces contradictoires et des enjeux qui sous-tendent le champ social et culturel marocain». Selon M. Al Moutamassik, le refus d’enfanter revêt plusieurs enjeux, à commencer par celui du rôle social de la femme. «Le rôle actuel de la femme se résume dans la maternité et l’élévation des enfants. Or, la femme marocaine revendique d’autres dimensions de son existence à être une femme égale à l’homme en vue de s’accomplir pleinement dans son être existentiel. Autre enjeu, celui de l’identité féminine et masculine», nous explique le sociologue.
L’identité féminine doit-elle rester la même ou bien évoluer ?
Pour Ahmed Al Moutamassik, les femmes marocaines sont en train de faire éclater les représentations sociales réductrices de l’identité en construisant, dans les actes, une identité multidimensionnelle à l’instar des femmes du monde. Le dernier enjeu étant celui de la revendication de la liberté et l’indépendance. Avec le refus d’enfanter, la femme marocaine revendique la volonté de prendre ses propres décisions. «In fine, être femme sans être mère remet en question la notion de liens et recadre le rôle et l’identité de la femme, prescrits socialement, d’une manière radicale. Il dénote aussi un début de changement des styles de vie des Marocaines et leurs aspirations en tant qu’êtres autonomes et libres», ajoute Ahmed Al Moutamassik.
L’enfantement ne suscite plus autant d’engouement
Faute de statistique locales, Ahmed Al Moutamassik extrapole à partir des statistiques internationales l’ampleur du phénomène. Aux Etats-Unis, sur les 61,6 millions de femmes âgées entre 15 et 44 ans, 6,2% étaient volontairement sans enfants en 2002, contre 4,9% en 1982. En Allemagne, 30% des femmes en âge de procréer sont sans enfants. Au Royaume-Uni, le nombre de femmes sans enfants a augmenté de 100% en 20 ans. Au Canada, 37% des familles n’ont pas d’enfants. 7% des Canadiennes entre 20 et 34 déclarent ne jamais vouloir d’enfants. Au Japon, 56% des femmes de 30 ans n’en ont pas (contre 24% en 1995). Au Maroc, selon les statistiques du Haut-Commissariat au Plan, le nombre d’enfants diminue de 3,3% en 1994 à 2,2% en 2010. Dans les zones rurales, il est passé de 4,3 à 2,3% et dans les zones urbaines de 2,6 à 1,8%. Ces chiffres, selon M. Al Moutamassik, sont significatifs par rapport au changement des attitudes par rapport à l’enfantement. Il faut ajouter aussi que des femmes qui épousent cette attitude sont instruites et dans une phase de construction de leur carrière et leur vie.
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